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Critique de wellibus2


C'est un conte en vérité que nous lisons là. Point de péripéties extraordinaires. Non, le récit d'une vie simple rythmée par la lumière changeante des saisons, par les semailles et les labours, les tâches qui raidissent les doigts et crèvent le coeur de peine.

Chacun des personnages de ce roman est habité par un espoir enfantin que son rêve va se réaliser. Et comment en serait-il autrement dans un monde où la seule description d'asphodèles crûes au pays lointain est comme un miracle offert dont il faut se saisir?

La véritable aventure est intérieure. Une vieille voie ferrée envahie d'herbes sauvages, un train de nuit, des chemins qui divaguent, des talus comme des montagnes que le pas enjambe, une absence de but mais l'envie du chemin et l'accueil de la rencontre, cela suffit au bonheur des êtres pourvu que l'esprit, le coeur, le corps soient disposés à s'enivrer de boue et de ciels.

Il n'y a pas pour ces héros ordinaires de différence très nette entre possible et impossible et ils en franchissent la frontière avec une jeunesse éternelle et insouciance.
Un des personnages importants de cette étonnante histoire ( qui est le premier roman écrit par André Dhotel, en 1930) est la Nature.
Vous ne trouverez pas ici de description grandiloquente, juste ces petites choses que l'on ne sait plus voir mais dont la présence rend à la vie et la joie ou au contraire, appuie le désespoir. Une fleur séchée, le bruit des insectes au bord d'un marais, la houle des moissons, le mystérieux ballet de la neige...

Des rencontres surnaturelles il y en aura. Tout le roman tend vers elles. Et qui plus est, Ô bonheur, elles nous parlent de temps et d'êtres que nous avons rencontrés sans les voir sur nos propres chemins.
Par petites touches, avec une poésie étonnante, une maestria sans pareille dans la juxtaposition des temps de conjugaison, Dhotel gauchit légèrement tout ce qui voudrait aller droit. Sous la plume de n'importe quel autre auteur, l'histoire serait banale. Son art consommé du récit, de l'attente, de l'observation naturaliste, de la lenteur et de l'imprévu subitement ouvert donnent dès les premières lignes la sensation d'être nous-mêmes en Campement provisoire, au bord de la chute ou du départ.
Comment, par ces courtes phrases qui, saisissant le détail, savent encore donner à voir la totalité, comment mieux donner à sentir le temps consacré à observer d'un regard plein d'enfance la neige faisant d'une contrée un pays neuf où l'on est transporté sans bouger de derrière son carreau?

Lisez ce livre qui parle intensément de l'attention tendre aux êtres et aux petites choses, de la paix que l'on sait advenir au beau milieu des peines, de ce qui est accepté sans se laisser mordre par le doute.
La Vie elle-même est Campement, départ brusqué et en cachette des lieux que l'on croyait acquis, ombres qui déplacent les limites entre le rêve et la réalité, lumière si belle de la nuit que les poitrines s'en rehaussent.
Tzigane de Maurice Ravel
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