Quelle bonne idée pour Actes sud de rééditer le livre de di Ciaula par les temps qui courent car il évoque des sujets qui peuvent tout à fait s'appliquer à ce défendent aujourd'hui ceux qui se battent contre cette odieuse Loi Travail. Ecrit pourtant dans les années 80 et retraçant la vie d'un ouvrier tourneur des Pouilles, il dénonce déjà et avec force les conditions de vie des ouvriers. Tommaso n'a pas la langue dans sa poche et il ne se gêne pas pour dire ce qu'il pense, que ce soit vis à vis des ces petits chefs qui ont conquit le pouvoir à force de lèche et de comportements douteux, de ces contremaitres se vautrant dans des fauteuils moelleux (Casse toi ou je te bouffe !!!!!) alors que lui, debout devant son tour des heures durant on ne lui parle que rendement et rendement au mépris des règles de sécurité les plus fondamentales.
Dénonciation des syndicats et de leur complaisance avec le patronat et qui ne représentent plus personne à part eux-mêmes et leurs avantages. Dénonciation du monde ouvrier qui ne se révolte pas assez. Dénonciation du monde moderne qui détruit peu à peu celui paradisiaque où il a grandit. Tout le monde en prend pour son grade mais ce qui est magique dans le livre de Ciaula, c'est la langue qu'il utilise pour nous transmettre ses pensées. C'est une langue extrêmement vivante et imagée et on rit souvent de sa truculence, on s'émerveille de sa poésie et de sa douceur qui contraste immédiatement avec des propos aussi crus que la vie qu'il dénonce à grands cris.
C'est vraiment un livre à lire où à relire car il nous éclaire de manière magnifique sur les luttes passées (sans oublier les morts) qui nous permettent aujourd'hui de vivre dans des conditions qui tentent de nous éloigner de l'esclavage. Mais soyons attentifs car des requins sans scrupules sont désireux de remettre les compteurs à zéro et revenir à des temps que l'on croyait depuis longtemps résolus. Indispensable !!!!!!
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Tuta Blu. Plongée radicale dans les pensées obscures d'un ouvrier des Pouilles.
Le témoignage d'un homme meurtri par l'aliénation de son quotidien, la seule vie qu'il connaisse. C'est souvent brutal et parfois poétique.
A lire d'une traite pour une immersion totale.
Bravo au traducteur pour avoir préservé le ton de cet ouvrage singulier.
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Ce matin, moi, ouvrier métallurgiste, fils de la cgil cisl uil, petit fils de la flm, quand j'ai posé mes mains sur les manettes de mon tour, je me suis senti un con, je me suis mis à crier comme un fou que je voulais mourir, que je voulais retourner piocher la terre, retourner charmer les serpents, faire des mélanges d'herbes vénéneuses, danser la saltarelle et la tarentelle, que je voulais retourner enculer les chèvres.
Je me sentais plus fatigué que jamais. Les heures passaient lentement. Huit heures de travail. Pourtant je ne reste jamais huit heures à manger. Huit heures de suite à dormir, huit heures de suite à m'amuser toujours, huit heures à faire l'amour, et pourtant ici je dois rester à travailler pendant huit longues heures. (p.188-189)
Dans les villages, les princes et les marquis viennent encore toucher le fermage de leurs terres. Histoires de fous, nous sommes allés sur la lune et il existe encore des princes et des barons, princes de merde. On devrait tous leur couper la tête. (p. 22)
Qu'est-ce qu'on attend pour mettre des singes sur ces machines? Moi je proposerais ça à Agnelli: les singes à l'usine et les ouvriers dans les arbres. Quelquefois, j'ai l'impression que nous sommes plus bêtes que des singes. (p. 18)