Rouge déconcertant

Le Venezuela à un instant de violence. Un moment où le calme et la chaleur des révoltes se croisent avant le chaos. Un endroit à l'écart de ce tumulte. La montagne dont rien ne semble briser le calme. le calme avant la tempête. Une tempête qui mènera le pays vers le chaos. Un chaos qui le fera sombrer corps et biens. Des êtres qui luttent comme ils peuvent pour ne pas perdre pied.
Le pays est en effervescence et à bord de la faillite. A la dérive serait plus juste. Des hommes et des femmes font face à leur destin. Ils tentent de déjouer le sort. Ils survivent entre carences en tous genres, violences et incivilités. Certains tentent de rester dignes tandis que d'autres tentent juste d'avoir le minimum vital. le Venezuela, à l'image de son président, est en train de sombrer. Tel un bateau fou, il emporte tout sur son passage.
Rouge déconcertant nous raconte un naufrage. Politique. Economique. Humain. Un naufrage que nous suivons grâce à un journal écrit par une professeure d'université et à ses échanges épistolaires avec une inconnue. Ainsi, nous découvrons les luttes citadines et paysannes. Les systèmes de survie de chacun. Que faire ? Partir? Rester? Traficoter? Des questions qui paraissent anodines, mais ô combien vitales. Chacun tente de s'insurger comme il peut. Mais pour combien de temps?

Intermittence… lecture en staccato ; silence… immuabilité; enfermement. La vie au Venezuela s'arrête tous les soixante secondes, toutes les six heures, tous les jours, toutes les semaines. Il n'y a pas de continuité. Si ce style d'écriture entrecoupée gêne, c'est parce qu'il exprime l'incommodité vécue par des personnes habitant un pays désarticulé. Les voix de Julia et Ella véhiculent, justement, ce sentiment d'embarras. Confusion renforcée par le silence des hommes tels qu'Eduardo dont la proximité et la méfiance nous déconcerte. Un homme pas déterminé dont le silence et la passivité ne font qu'accentuer le rôle actif de la femme dans la société vénézuélienne. C'est justement grâce à la résolution de Julia qu'Ella réussit à échapper de son enfermement. Ella mène de petites batailles avec elle-même, sa famille, son père ; elle veut tout laisser, mais elle ne quitte pas sa zone de confort. Elle supplie de l'aide, mais elle la refuse. Julia, désorientée et maladroite, comprend que sa liberté sera retrouvée ailleurs. Elle décide donc de partir tout en apportant ses batailles dans la valise et Ella dans le coeur.