J'ai eu un peu de mal à rentrer dans ce livre. Moins par l'intrigue que par la mise en page, où les quatre parties s'enchaînent sans beaucoup de paragraphes, où l'on a le vague sentiment de manquer d'air au début de la lecture, avant de s'y habituer. En revanche, l'intrigue, bien que s'inspirant de faits réels, est tout simplement incroyable. Un jeune cubain, étudiant la physique en Ukraine, doit quitter l'URSS, au moment de la dissolution de celle-ci. Les quatre chapitres correspondent aux quatre saisons, mais aussi à ses quatre essais de fuite. Au cours d'aventures pour le moins rocambolesques, le jeune Manuel va traverser une partie de l'Europe en l'espace d'une année, en tant que réfugié politique à la recherche d'un pays d'accueil. Ce récit est mené à un rythme soutenu, d'une écriture fluide, maintenant le suspens entre des épisodes amoureux et un humour décapant. Nous sommes au tout début des années 90, une période où l'histoire vacille et le monde bascule dans l'espoir d'un renouveau.
Un livre que je conseille vivement.
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Mon oeil d'occidentale moderne ne faisait pas de lien entre la chaleur caribéenne de Cuba et l'immensité froide de l'URSS. Et pourtant... le communisme a fait le lien. Manuel, brillant étudiant cubain, a eu l'autorisation d'intégrer le prestigieux institut de Physique à Kharkov, ville ukrainienne, au moment où le bloc de l'Est se fissure (Gorbatchev est au pouvoir, Boris Eltsine arrive). Jugé "conflictuel, individualiste, cosmopolite" avec son ambition scientifique et son désintérêt du collectif révolutionnaire, le voilà obligé de rentrer à Cuba. Pour ne pas renoncer à la physique, il est contraint à la fuite à l'Ouest, et ballotté par un destin et des décisions hasardeuses.
Les 4 fugues de Manuel est un roman d'aventures rocambolesques plein de réalités (l'Ukrainien qui veut retrouver son pays libre, les communistes perdus de voir leurs idéaux s'écrouler, le poids des régimes autoritaires, l'existence d'un sans-papier...), que je n'arrivais plus à lâcher (ce n'est pas si souvent).
J'avais découvert Jésus Diaz, auteur cubain, avec Sibérienne qui m'avait surprise et enthousiasmée (il faut que je le relise). Il fait désormais partie de ces auteurs qui me donnent envie d'avoir tous ses livres dans ma bibliothèque.
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Manuel, ressortissant cubain, poursuit de brillantes études de physique en Ukraine, sous la direction d'un des plus grands scientifiques du monde., mais on vient lui annoncer qu'il est rappelé à Cuba pour y devenir un vrai révolutionnaire. ll prend la fuite et s'y reprend à quatre reprises. refoulé de Suisse, puis de Finlande, de Suède avant de se retrouver à Berlin. On suit ses pérégrinations aventureuses et ses folles aventures. La chute nous révèle une belle surprise. Très belle histoire trépidante et loufoque.
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Il se lava les mains, mit l'ongle sali par la merde directement sous le jet, puis tenta de le nettoyer avec celui de l'autre index. Il n'y arriva pas complètement, un mince filet brun demeurait sous l'ongle, comme une cicatrice. Il remonta rageusement son pantalon, revint dans le compartiment et se recoucha en pensant qu'il allait enfin pouvoir se reposer. Il en fut incapable. L'image de l'ongle ourlé d'un indélébile filet de merde le poursuivit, elle devint une obsession qu'il contemplait comme hypnotisé en se demandant si ce n'était pas là une bonne métaphore de sa vie.
- je dois cependant vous avertir que je ne vois rien de bon dans l'avenir, Manuel, rien. Les communistes vont perdre, et personne ne gagnera au change. Il m'arrive de me demander si l'histoire a un sens.
Alors, quand il reprenait conscience de ne pas être dans son berceau cubain mais perdu en Ukraine, il chantait à voix basse un poème d'une tristesse infinie. La colombe s'est trompée, elle s'est trompée, elle voulait aller au nord et elle est partie au sud, elle a pris l'eau pour du blé, la mer pour le ciel, la neige pour la chaleur, les étoiles pour la rosée et la nuit pour le matin. Oui la colombe de la chanson se trompait, comme il s'était trompé en s'enffuyant en Suisse, en revenant à Kharkov, en s'enfuyant à Kiev, comme il venait de le faire quelques instants plus tôt lorsque des régions du ciel étaient passées du gris au rouge et que l'espoir insensé l'avait habité que le soleil était en train de se lever sur Cuba.
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