Algérie, dans les années 50 : Une famille traditionnelle à l'identité problématique, prise dans les méandres de l'histoire coloniale, aux prises avec la chape des usages ancestraux ,confrontée à l'évolution de la société , un roman qui met en exergue de façon réaliste, la conditions de la gent féminine en Algérie et les tentatives d' émancipation.
Une oeuvre forte, réaliste, une veine poétique inestimable
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Mohamed Dib, est un classique de la littérature algérienne . Il a écrit de très beaux romans ou plutôt une trilogie ( La Grande Maison- L'Incendie- le Métier à tisser ) où il décrit avec un grand réalisme les peines et les souffrances de la grande majorité des Algériens durant la période coloniale. La trilogie décrit la vie des Algériens à partir des années trente jus qu' au déclenchement de la Révolution le Premier novembre 1954 .
" Un été africain " a été édité et publié en 1957 . Mohamed Dib, donnant une préface à la traduction bulgare, en octobre 1961, écrit : "Avec ce roman, nous entrons dans la tragédie, mais personne ne le sait, je veux dire : aucun des personnages présents. Ce livre a été écrit pendant que les événements relatés se produisaient ; même un peu avant, pour certains . Ce n' est que rétrospectivement, aujourd’hui' hui, que les protagonistes pourraient parler de tragédie .Ceux d' entre eux du moins qui sont encore de ce monde .
Lors qu( on prononce le mot " tragédie" , on s' imagine tout de suite devant une scène, attendant que les trois coups soient frappés, que le rideau se lève et qu' apparaissent des acteurs sachant parfaitement ce
qu' ils ont à faire, que leur voix, leurs expressions, leurs gestes, étudiés, sont prêts à concourir à cette fin : donner la tragédie .
Dans cet ouvrage, il y a bien des acteurs mais ils ne sont nullement
préparés aux rôles qu' ils vont jouer, ils ne savent pas qu' ils vont participer à une tragédie, ou à quoi que ce soit de semblable, il n' y a pas de plateau,aucun rideau ne se lèvera-ni se baissera-; il n' y a pas de rideau .Les hom-
-mes et les femmes qu' on rencontrer, s' ils vont vivre une tragédie, ce n' est qu' à compter du moment où le lecteur ouvre le livre et les regardera agir . Où une relation d' eux à lui s' établira . C' est au lecteur qu' il appartient
de découvrir, à partir du libre jeu de leur comportement et de leurs pensées, mais aussi de la nécessité où ce comportement et ces pensées
s' inscriront, la réalité magique qu' ils véhiculent à leur insu. Cette réalité sera dans sa conscience, non dans celle des personnages " .
Ceci est une partie de la préface de l' auteur à son livre où il livre au lecteur les tenants et aboutissants du drame que l' auteur qualifie de tragédie, et oui, on ne peut pas la nommer autrement.
En conclusion, la lecture de ce beau livre nous montre un grand maîtrisant à merveille la langue et sa façon de nous faire sentir la population algérienne a vécu dans son âme et sa chair .
Un très beau livre qui mérite sa note de cinq sur cinq .
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un été pour les familles algériennes qui souffraient de la vie d'antan en pleine chaleur. J'ai adoré ce roman qui parlait de la vie des gens pendant la periode coloniale
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(...) l'homme vit sur terre pour une tâche déterminée, chacun de nous a un devoir à remplir. En conséquence, un simple journalier est aussi utile dans sa place qu'un... roi à la tête d'une nation. Je dirai même plus utile. Il ne mange que du pain sec, mais il le gagne. Et si, de plus, il éprouve de l'intérêt pour son travail, c'est un homme sauvé. Disons plutôt pour éviter les grandes phrases : c'est un homme heureux... Enfin, à sa manière. Oui, heureux à sa manière, car il doit lui manquer beaucoup de choses. Cependant il a l'essentiel; s'il ne mange que du pain trempé dans de l'eau, il a son travail, et même davantage : l'attachement à son travail. Et ça, c'est une réalité.
A quelques pas, avec des gestes de démiurges, des conteurs récitent des légendes. A côté d'eux, des diseuses de bonne aventure, filles du Sud aux yeux câlins, adressent des signes aux passants. De tout cela, montent des odeurs fauves, des relents de graisse brûlée. Une rumeur faite de mille cris, de mille appels, d'insultes, de chants monotones, enfièvre l'air. A tue-tête, un crieur public annonce on ne sait quoi, que personne ne comprend. Plus loin, un homme à figure rouge, congestionné, bat des mains, secoue frénétiquement sa tête enturbannée. Sa physionomie change à chaque instant d'expression : étonnée, indignée, puis enthousiaste, grave. Il ne se lasse pas de discourir, sa harangue sonne clair par-dessus le brouhaha.
- Venez, mes amis! On vous dira la vérité sur vos maladies! On vous ordonnera des remèdes efficaces pour tout ce qui vous fait souffrir! Approchez!
Le père et le fils continuent à manger sans souffler mot .Par instants ,l 'un et l 'autre soulève le pot plein de lait à forte saveur ,en avale bruyamment une large lampée , après quoi ils reprennent la cuillère .
La femme les regarde .De son corps puissant fait pour les gros travaux des champs , façonné par eux , se dégage un air de dignité simple . Malgré le malheur qui les a frappés , Aalia conserve une expression de bonté innocente.
Elle est un peu étonnée seulement : elle ne semble pas comprendre comment tant de méchanceté puisse exister sur terre .
-Amassez de l'or et philosophez ;tressez de belles phrases ,soutenez que la
vie ne vaut rien ,que l'homme est mauvais de nature . Votre chanson , on la connaît ! Le diable vous emporte ! Est-ce que vous savez au moins que ce qu 'est la compassion ? La larme à l’œil et le cœur sec , voilà comme vous êtes ! Tfou ! Votre âme ,vous l'avez déjà cédée en faisant commerce de tout : de vos sentiments , de vos filles ,de vos semblables !
L'indignation ,la colère ,explosent dans sa poitrine .Djamal a l'impression
d' être le frère de tous les humiliés : il ressent la douleur et l'amertume de
ceux qui , le front dans la poussière , sont les derniers hommes .
Au premier chef vient le Bureau .Mostefa travaille à l 'enregistrement où il débute à vingt-huit ans grâce à l 'unique diplôme que ,par hasard , il possède :son certificat d 'études primaires .Hasard , semble-t-il .Les hommes n'entreprennent jamais des des études en vain , un titre est un titre . Mostefa ,lorsqu 'il avait eu son emploi , éprouva un subtil émerveillement . La puissance de ce papier lui avait échappé jusqu 'à ce jour .Une grâce timide l 'aspergea les tout premiers temps .Les années s'écoulant , il gravit un à un les échelons qui lui étaient accessibles , ayant commencé au dernier .
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Mohammed Dib est sans doute le plus grand écrivain algérien d'expression française. Mais connaissez-vous son grand roman ?
« La danse du roi », de Mohammed Dib, c'est à lire en poche chez Points.