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Mon premier K. Dick de l'année, et je me félicite moi-même de mon choix. Et quand on regarde l'année d'écriture : 1959, on se rend compte à quel point cet auteur a pu influencer d'autres écrivains, scénaristes et réalisateurs. Car quand on lit ce roman et que l'on en découvre progressivement les ficelles, on a cette vague impression de déjà-vu, mais il s'agit forcément d'oeuvres bien plus récentes.
Le film qui s'est imposé logiquement et rapidement à mon esprit, mais que je vais dissimuler ici car l'histoire en révèlera trop au futur lecteur est .

Ici, il s'agit de la vie particulière mais pourtant très tranquille d'un homme célibataire dans une petite bourgade typiquement américaine des années 50. Son environnement est relativement clos, il ne fréquente que peu de personnes et a un quotidien répétitif et bien huilé. Mais de plus en plus, il se remet en question, et commence également à remettre en question la réalité du monde qui l'entoure. Il relève des indices, ou plutôt des anomalies qui lui font douter. Il sent qu'il est le centre d'intérêt de tous. Devient-il parano à imaginer tout cela ? Ou bien a-t-il raison et il se trame réellement quelque chose de louche centré sur sa propre personne ?

L'auteur fait le choix d'aller dans le sens du héros. On se plonge avec le personnage principal dans la découverte d'éléments étranges, mais plus encore, car on devient également observateur de scènes dans lesquelles le héros est absent. Et on se demande alors si K. Dick se sert de nous également, nous manipule, ou s'il fait le choix de nous dévoiler en avance une partie de la vérité finale.
C'est l'histoire d'une psychose paranoïaque, c'est l'histoire d'une tyrannie militaire, de la menace omniprésente d'un bombardement nucléaire, d'un maintien de la peur collective face à un ennemi lointain et limite invisible, l'histoire d'une manipulation volontaire ou non, inconsciente ou non.

Au final, c'est également une belle allusion sur le refuge que représente l'innocence de l'enfance aussi. D'ailleurs les seuls personnages enfants vont être d'une grande aide pour notre héros.
Et au final c'est l'histoire d'un choix, celui de préférer ou non le confort et la sécurité d'une prison dorée ? Tout comme le film que je mentionne plus haut.

Encore et toujours, Philip K. Dick par le biais de ce petit thriller mystérieux nous propose un questionnement sur la perception de la réalité et sur la définition de la réalité, sur l'association et la dissociation d'un objet et de son nom.... Question de sémantique....
"Au commencement était le verbe..." "Ce ne sont que des mots..." Il cite d'ailleurs en plus, quelques fois, directement des philosophes. Et rien n'est laissé au hasard, comme cette petite séquence anodine sur l'argent où finalement on nous rappelle qu'un billet de banque n'a de valeur que celle que le système commun lui accorde.

Pour conclure, c'est du bon K. Dick que voilà. Et pour les réfractaires qui continuent à se plaindre de n'avoir rien compris à Ubik et à le Dieu venu du Centaure, je leur répondrai que dans le temps désarticulé le dénouement final est extrêmement bien expliqué en long et en large.

... Demeurent pourtant une ou deux petites questions...
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L'amérique de la fin des années 50, Une famille qui vit tranquillement, Vic Nielson, le père travaille au rayon primeur d'un supermarché, Sammy le garçon joue dans les ruines avec ses amis, Margo la mère, femme au foyer, son frère Ragle Gumm qui gagne sa vie en participant à des concours de journaux, et les voisins, les Black, lui cadre de la Société des eaux et Junie, un peu allumeuse, délurée... Bref, les années 50 avec tous ses stéréotypes.? Et puis, il y a ces phénomènes étranges, est-ce vraiment la réalité. Philip K Dick fait monter la tension, le suspense, le doute des protagonistes comme ceux du lecteur. J'ai été totalement scotché, la paranoïa envahit le récit, nous submerge, c'est de ce point de vue, une grande réussite, qui en fait un roman totalement addictif. Je l'ai lu presque d'une seule traite. Et même si le dénouement est très connoté SF des années 50 avec quelques défauts d'incohérences et quelques visions futuristes désuètes, c'est vraiment une lecture où j'ai pris beaucoup de plaisir. Ce que j'aime dans ce genre de romans, c'est ce jeu de conflit entre la perception et la réalité.
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L'histoire en 2 mots : Ragle Gumm gagne chaque jour le concours du journal. Il vit de cela. Il loge chez sa soeur, mariée, un fils. le quatuor forme une équipe soudée. Et peu à peu, un malaise s'installe, des anomalies, le voisin M Black trop présent, le souvenir du beau-frère qui devrait pas être, un magazine trouvé au fond d'une cave qui parle d'une célébrité : Marylin Monroe. Mais personne dans la ville n'a jamais entendu parler d'elle.
Bref, notre bonne vieille réalité – thème récurrent dans les romans de notre bon Philip K Dick - s'échappe, se disloque, se perd, se noie dans les méandres de notre intelligentsia, de notre entendement, la raison, l'illusion, la croyance, les sens. A qui se fier ? A quoi se fier ?

Le roman baigne en pleine guerre froide. La peur des bombe H, des retombées radioactives, la peur des communistes.
On est aussi face à la névrose de Dick. Comme souvent. Perte de la réalité. Faux semblant. Simulacre. L'histoire rappelle étrangement le film Truman Show de Peter Weir. C'est vraiment cela. Ragle Gumm croit que le monde tourne autour de lui. Vraiment. Il y a trop de faits dissonants. Mais Jim Carrey ne se croit pas aliéné. Ici, le personnage, c'est Philip Dick. Alors forcément il est déboussolé, désorienté et la paranoïa arrive comme un cheval au galop. Il essaye quand même de s'en sortir. de trouver la réponse. de se battre. Les cas étranges ne feront que s'accentuer tout au long du roman et Ragle Gumm ne perdra finalement jamais la raison.
C'est un bon roman. Pas le meilleur de l'auteur, mais assez bien ficelé pour les amateurs de SF et l'intrigue est parfaitement cohérente. C'est un bon Dick, perdu dans la complexité du monde, des apparences, de la mystification toujours possible des choses. Et si c'était vrai ? Oh non, pas ce Marc Lévy quand même !!!! ##### alors !!!
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Ou sera le petit-homme vert la prochaine fois ?

L'Amérique comme un cliché, un tableau de Norman Rockwell ou une image d'Épinal (bon, pas très américain comme référence), une diapo lumineuse en tout cas avec sa famille type qui se faufile dans les artères encombrées de grosses Buick ou Cadillac grâce à sa vieille coccinelle-Volkswagen (comme un air de Disney)!
L'âge d'or du consumérisme naissant.

Kodachrome, 24x36, 64 asa, 50 mm, filtre polarisant, couleurs saturées. Clic-clac !!

Le quartier middle-class bien rangé:
pavillon 1 : Victor, Margo et leur fils Sam ;
pavillon 2 :Les Black, Bill et Junie, le jeune couple de voisins (un rien envahissant) ;
pavillon…

Margo héberge Ragle, son frère dont l'unique mais lucrative activité est de s'ensevelir sous une tonne de documents pour résoudre quotidiennement le concours édité par la gazette locale qui, gagnant d'exception, lui permet d'engranger dollars et notoriété.

Puis apparaît le bizarre, le surprenant, l'incongru, le cheveu sur la soupe, la couille dans le pâté ! Comme l'impression d'être hors du monde. le grain de sable s'immisce dans la belle mécanique photographique bien lubrifiée.

La pellicule se raye, un éclat dans le vernis, le décor s'évapore. Qu'y-a-t-il derrière l'image parfaite du bonheur quotidien ?
Fantasme ou réalité ?
Folie ou normalité ?
Quand la machine s'emballe (cent balles c'est pas cher), le schizo freine!

Certains masques tombent et laissent apparaître les véritables personnalités qui semblent tirer des ficelles !
Mais lesquelles ?

Clic-clac, Kodak, l'affaire n'est plus dans le sac mais se détraque !
Ground control for major Tom….

Bien qu'écrit en…1959, ce récit est très actuel voire prémonitoire et aujourd'hui transposable qui critique la manipulation (fake news hurlerait la perruque orange), la boulimie médiatique (télévision alors naissante pourtant) ou évoque la crainte d'une troisième guerre mondiale (la guerre froide échauffait les esprits) quand la notion de blocs ressurgit dramatiquement avec la guerre en Ukraine et la course (sans échalote) à l'armement nucléaire qui tourne au vinaigre.

Produit à l'aube des sixties, ce récit nous interpelle sur la nature du régime qui nous régit, la démocratie ou la dictature, le libre arbitre ou le totalitarisme, la liberté de penser ou la manipulation à la manière d'un big brother.
C'est un reflet du contexte géopolitique mondial d'alors, ballotté entre paranoïa et schizophrénie. Contexte tristement réanimé aujourd'hui quand menacent Poutine et Kim Jong-un (liste non exhaustive)

Au-delà du sentiment de manipulation qui règne tout le long de son récit, le roman préfigure déjà les futures silhouettes fantomatiques de la téléréalité et de ses gloires fulgurantes et, hélas pour elles, éphémères que feront surgir les décennies suivantes à grands coups de projecteurs survoltés et de coups montés pendards qui précipiteront leurs victimes initialement consentantes vers des abîmes sans fond où il sera encore possible d'exploiter cyniquement leur déchéance.

Il y est également question de vacuité :
-  Celle des gains ‘faciles' à des jeux concours éventuellement truqués, gains parfois supérieurs aux salaires gagnés moyennant un ‘réel travail' et à temps complet.
-  Celle ressentie par les travailleurs dits manuels pour les activités intellectuelles considérées souvent par eux comme récréatives (la fameuse valeur travail et la pénibilité).
- Celle, encore, de cette notoriété acquise et assise sur une seule vague existence médiatique et les jalousies qu'elle engendre (jeux télé, influenceurs, peoples…)

Mais ce sont surtout notre équilibre mental et notre capacité à percevoir le monde qui nous entoure dans l'adversité qui sont au programme de ce livre surprenant dont on tourne les pages avec frénésie:
impatients que nous sommes
de savoir si le destin de Ragle Gumm
se doit d'être vécu ou si, en somme
ce n'est, qu'une histoire à la…gomme !

Entre ‘le prisonnier', ‘Truman show' et …'la ferme célébrité', ce roman à su m'emporter même si la fin singulièrement datée m'a quelque peu perdu en chemin mais il est vrai que se sont les femmes qui viennent de Vénus, sans doute pour le lire aurais-je dû attendre le mois de Mars mais aurais-je alors décroché la lune?

Merci à mon fils de m'avoir conseillé cette lecture à des années lumière de mon répertoire habituel.
 
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Le temps désarticulé est le premier livre de Philip K. Dick que je lis. Il m'a été conseillé par une connaissance (LeCombatOculaire). Je ne regrette pas d'avoir lu ce livre. J'ai apprécié la lecture qui à la base n'est pas du tout mon style de prédilection et pourtant, j'ai suivi sans relâche, au fil des pages l'évolution des protagonistes sympathiques, de ce rêve américain matriciel avec ses multiples disparitions et de ce monde à part dans le monde. le genre tourne bien autour de la perception que nous avons du monde, des choses et des comportements que nous adoptons face à celui-ci.

Seul bémol, l'histoire débute lentement au niveau des trois premiers chapitres. Lorsque j'ai appris que ce livre avait inspiré le film The Truman Show, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une transposition à l'écran, mais non, le film s'y inspire, mais s'y détache fortement.

Je n'ai rien d'autre à y ajouter au risque de faire du spoil, car l'histoire se lit assez vite et aussi car je ne connais pas grand chose à l'auteur que je viens à peine de découvrir. Par contre si quelqu'un veut en savoir plus sur l'oeuvre de Phillip K, Dick, celui-ci est sympa pour commencer parait-il.
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Le Temps désarticulé paraît en 1959, au début de la carrière d'écrivain de Philip K. Dick. Celui-ci n'a pas encore sorti ses chefs d'oeuvre - le Maître du Haut-Château, qui le rendra célèbre, ne sort qu'en 1962, et il n'a alors publié que 5 romans, dont le premier est Loterie solaire, sorti en 1955.

Le succès littéraire n'est pas encore au rendez-vous et le contexte d'écriture du Temps désarticulé est celui du divorce avec sa deuxième femme et de la rencontre dans la foulée, avec sa future 3ème épouse, Anne, avec qui il semble enfin trouver quelqu'un qui le comprend. Attendant un succès qui ne vient pas, Philip K. Dick développe une paranoïa. Pour soutenir le rythme d'écriture des livres, il prend beaucoup de médicaments et en particulier des amphétamines.

Le Temps désarticulé est très intéressant dans généalogie de la bibliographie de Philip K. Dick. On y voit déjà naître le style génial et si caractéristique de l'auteur de science-fiction. Dick y aborde un thème qui sera récurrent dans quasiment tout ses ouvrages : la consistance de notre réalité. Cette enquête pour trouver la nature de la réalité est abordée de manière moins extravagante que dans ses futures romans, de façon moins rude et implacable que dans Ubik ou le Dieu venu du Centaure par exemple.
Ce n'est que son 5ème roman, et cela explique pourquoi le récit est construit de façon plus rationnelle, et moins inquiétante pour le lecteur que dans d'autres de ses romans. Dick réserve au lecteur une chute très excitante, qui viendra tout remettre à l'endroit.

Notre héros, c'est Ragle Gumm, qui est le gagnant depuis maintenant 2 ans et demi du jeu local « Où sera le petit Bonhomme vert la prochaine fois ? ». L'action se déroule dans une petite ville aux accents charmants de la campagne américaine des années cinquante. Il vit sous le toit de sa soeur Margo et de son beau frère Vic. Tout semble aller pour le mieux jusqu‘au jour où son neveu Sammy trouve de vieux journaux et un vieil annuaire qui ne semblent par coïncider avec l'époque dans laquelle les personnages vivent…

L'histoire est bien ancrée dans le réel, il est donc plus facile pour le lecteur d'y adhérer et d'accepter la chute finale. Les signes qui trahissent la distorsion du réel sont subtils et arrivent tard dans le roman. Est-ce dû à une période où Dick prenait moins de drogues - connaissant l'influence de la prise de drogue sur son écriture -, ou bien est-ce seulement le fait de sa volonté, pour ne pas effrayer les nouveaux lecteurs ?

Du point de vue de la forme, le style est bel et bien celui d'un génie de l'écriture. Il utilise les monologues intérieurs pour comprendre les pensés de chacun, décrit un environnement visuel riche, et sait comment dépeindre le trouble qui gagne les personnages face à cette distorsion de la réalité. Ragle Gumm dira : « The time is out joint », « le temps est désarticulé », citation empruntée à Shakespeare dans Hamlet, rappelant encore une fois la grande culture de Philip K. Dick.

Dick se personnifie dans le personnage de Ragle Gumm. Il partage les mêmes angoisses, les mêmes doutes vis à vis de ce qui l'entoure, la même paranoïa, ainsi que le même goût pour les femmes plus jeunes que lui. Dick l'utilise pour partager ses points de vue politiques, mais surtout philosophiques. La philosophie prend une part très importante, mais surtout, et comme souvent chez K. Dick, la recherche de la vérité, qui ne peut s'accommoder de la confiance envers quiconque.

La fin du récit vient apporter une réponse au problème de Ragle Gumm, le lecteur est rassuré, tout peut finalement être expliquer. Mais le lecteur se souvient que rien n'explique d'où viennent les étiquettes que récolte Ragle Gumm lorsque la réalité se désagrège…
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Ragle Gumm est la célébrité locale d'une petite ville des États-Unis : il participe à un concours organisé par un journal local. Intitulé « Où sera le petit homme vert la prochaine fois ? », il consiste à indiquer une position sur une grille à l'aide d'indices. Ragle participe tous les jours et est gagnant depuis plus de deux ans : les sommes gagnées lui permettent d'en faire son métier.

Pourtant, tout ne tourne pas rond dans l'univers de Ragle. Certains objets ou bâtiments se volatilisent devant ses yeux et ne lui laissent qu'une étiquette décrivant ce qui vient de disparaître. Il découvre de vieux annuaires, de vieux magazines, parlant de villes ou de stars dont personne n'a jamais entendu parler. Ses voisins, les Black, sont toujours dans ses pieds. Quand il veut quitter la ville, tout semble se liguer contre lui : files d'attente interminables, barrages routiers, pannes d'essence, … Ragle finit par se penser comme le centre d'un monde qui lui échappe totalement, et cherche à s'enfuir par tous les moyens.

Le début du roman est plaisant et typiquement dickien : monde instable, héros paranoïaque. L'ambiance fait penser au film « The Truman show ». le dénouement final est par contre très décevant et convenu. Et surtout, il laisse des pans entiers de l'histoire sans explication. C'est frustrant de ressentir une pression qui augmente à chaque page pour s'achever sur un « pschitt ».
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Reçu à Noël... Offert par mon fils (22 piges) que je soupçonne d'avoir gambergé pour "choisir" un truc... Il lit peu... et n'est pas si mal tombé. J'aime PKD, n'en n'avait pas lu depuis lurette, ce qui m'a permis de goûter à ce délicieux mélange : celui de l'exploration répétée de la problématique du réel... avec le futurisme des années 60. Et, au-delà de ceci, je me suis quand même fait embarquer par un récit qui a réussit à instiller un léger malaise schizophrène. Merci Sacha (le fiston)

D'autres extraits ci-dessous
Lien : https://filsdelapensee.ch/
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Nous sommes en 1959, dans une paisible banlieue américaine typique des années 60. Ragle Gumm, 46 ans, vit avec sa soeur, son beau-frère et leur fils de 10 ans. Vétéran, il ne travaille pas mais gagne sa vie en jouant au jeu « Où sera le Petit Homme Vert La Prochaine Fois ? » qui consiste à trouver dans laquelle des 1244 cases il se trouvera chaque jour, aidé en cela par quelques indices donnés par le journal ; Ragle est le super-gagnant depuis deux ans.
La vie paisible se déroule tranquillement jusqu'à ce qu'elle se dérègle petit à petit ; Ragle a des hallucinations, il découvre un vieil annuaire et des journaux qui ne correspondent à rien de ce qu'il connaît. Ragle est persuadé qu'il est victime d'un complot et tente de fuir. Mais pour où et qu'est-ce qui l'attend?

Le sentiment de paranoïa qui envahit Ragle est très bien décrit au point que la lectrice que je suis a parfois eu l'impression d'en être atteinte ! le texte est vivant, fluide, alerte grâce à la présence de nombreux dialogues et peu de descriptions. Il se lit facilement et avec un certain plaisir malgré un démarrage un peu lent.
Ce roman nous offre, par ailleurs, une réflexion quasi philosophique sur la perception de la réalité et sur les manipulations psychiques ; ces thèmes sont d'une actualité brûlante avec le développement du métavers pour le premier et la déferlante de fake news sur Internet pour le deuxième.

Ce roman, écrit en 1959, paru en France en 1975 et qui a inspiré le film « The Truman Show » sorti en 1998, je ne l'ai pas choisi et ne l'aurait pas lu s'il n'avait été proposé dans le cadre du club de lecture dont je fais partie. La science-fiction est un genre qui ne me convient pas, ne m'attire pas ; paradoxalement, j'ai besoin d'un texte ancré dans la réalité pour laisser libre cours à mon imagination alors que la science-fiction, pour ce qui me concerne, la canalise. J'ai besoin de m'identifier dans une certaine mesure aux personnages, de me reconnaître dans certaines situations.
Malgré les qualités que je reconnais à ce livre, je n'ai pas vraiment aimé ce roman dont le dernier tiers est de la science-fiction pure (vacances sur Vénus, guerre entre les habitants de la lune et ceux de la terre…) même si j'ai apprécié de découvrir un nouvel auteur.
Bref, certainement un très bon roman pour les aficionados mais pas pour moi.
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Dick, voilà un nom qui prédestine à envoyer la sauce et promet du lourd quand il pose les choses sur la table.


Or donc, dans le temps désarticulé, Philip K. Dick interroge la notion de réalité à travers l'histoire de Ragle Gumm, un type lambda dans une bourgade américaine des années 50. Monsieur Tout-le-monde ou presque. Chaque jour, le quotidien local organise un concours autour d'une seule question récurrente – “Où sera le petit homme vert demain ?” – et chaque jour, Ragle gagne.
Quand il ne poste pas de bulletin-réponse, Gumm baguenaude et tombe sur des objets bizarres tels que des journaux et des annuaires pleins de noms de gens qui n'existent pas. En tout cas, pas dans son monde à lui. Autre fait étrange, ses souvenirs ne concordent pas toujours avec ce qu'il a sous les yeux. Pour couronner le tout, il arrive que des bâtiments disparaissent pour ne laisser en lieu et place qu'une étiquette portant le nom de l'endroit, comme si le monde n'était qu'un décor ou un jeu de Monopoly.
Comme si rien n'était réel. Un simulacre de monde.


Nous voilà donc en compagnie d'un type qui vit un quotidien répétitif dans un environnement restreint et se trouve confronté à une déchirure de la réalité, ou en tout cas de sa réalité. le temps désarticulé, c'est en quelque sorte la rencontre avant l'heure de ces trois excellents films que sont The Truman Show, Dark City et Matrix.
Difficile d'en dire davantage sans spoiler ce très court roman 250 pages, bien fichu, dont le dénouement, très dans le ton de son époque de guerre froide et de peur nucléaire (1959), paraîtra aujourd'hui daté. Mais l'important ici n'est pas du tout la destination. On s'en tamponne de la révélation finale, de connaître la nature véritable du fameux bonhomme vert, où il va se trouver, à quoi rime ce jeu improbable de chercher après. le voyage est la seule chose importante, suivre le cheminement de Ragle Gumm, genre de Prisonnier (Thomas Dish) qui n'aurait pas conscience de l'être.
On suit Gumm dans son épopée pour dépasser son horizon étriqué, un voyage au bout de la réalité, sur fond de paranoïa, thème cher à Dick qui en connaissait un rayon sur le sujet.


Ce roman questionne notre perception et notre interprétation du monde. Quand Gumm va boire une pinte à la buvette du coin et que l'établissement se vaporise pour ne laisser qu'une étiquette avec “buvette” marqué dessus, on pense à la pipe de Magritte qui n'en est pas une. Ceci n'est pas une buvette. Tout comme “la carte n'est pas le territoire” dans la sémantique générale d'Alfred Korzybski, discipline en vogue chez les auteurs de SF de l'époque (Asimov et surtout Van Vogt).
Qu'est-ce qui l'est, réel dans le monde où vit Gumm ? Et la réalité qu'il découvre derrière le simulacre est-elle la vraie ? Ou une autre chimère, un artifice “inceptionisé” dans un autre artifice ? Et par qui ?
Parce que, si Dick pose la question de la perception à travers notre prisme individuel – chacun étant à sa façon, comme Gumm, le centre du monde –, en découle une autre thématique : la façon dont cette perception peut être biaisée, voire orientée, soit en clair la manipulation.
Une trentaine d'années plus tôt, le parti nazi lançait les méthodes électorales modernes, pleines de discours sur scène, pyrotechnie, shows, parades et défilés. Toutes choses encore en vigueur aujourd'hui, vu que la recette marche du tonnerre auprès de l'électeur lambda, qui a toujours été impressionnable à la moindre pincée de poudre aux yeux. Dès le panem et circenses romain, c'est dire si ça remonte… Bref, pour en revenir à nos nazillons, ils ont aussi érigé la propagande au rang d'art majeur. Tout ça pour en arriver au décalage entre réalité et discours. Ce qu'on voit ou ce qu'on nous montre n'est pas forcément la vérité, mais si on adhère à cette vision du monde, elle devient, d'une certaine façon, une réalité.
Ajoute là-dessus, dans la décennie qui précède la rédaction du roman, l'explosion d'un jeune média, la télévision. 60 millions de postes en service aux USA en 1961 ! La télé, où tout est mis en scène, présenté selon un angle qui n'a rien de neutre. le monde à l'écran est une réalité alternative, pas LA réalité. Un discours orienté, comme le sont les discours politiques et religieux – deux autres thèmes chers à Dick.
Propagande, journalisme, publicité, politique, religion, télé, tout n'est que manipulation, avec à la clé autant de versions déformées de la réalité. Soit une subtile différence entre ce qu'on a sous les yeux et ce qu'on nous met sous les yeux.
Le fond de la question ne concerne pas tant le pourquoi de cette manipulation – elle relève toujours d'une volonté de domination – mais pourquoi les citoyens lambda, les Gumm de la Terre entière depuis que le monde est monde, y adhèrent sans retenue. Parfois en étant conscient de la fausseté de cette pseudo-réalité. La réponse est la fuite pour se cacher à soi-même les horreurs du monde, ainsi que la culpabilité qui va avec. Se voiler la face en se réfugiant dans une réalité fantasmée, créée, “comme dans un rêve : uniquement ce qui est bon, on exclut l'indésirable”. Reste à savoir s'il s'agit de la meilleure solution quand on voit à ça nous a menés…
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