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Robert Louit (Traducteur)
EAN : 9782070415779
400 pages
Gallimard (11/10/2000)
4/5   847 notes
Résumé :
Jerry Fabin est drogué, il croit que son corps est recouvert de parasites. Il imagine qu'il vit en enfer.
Jim Barris, petit génie de la chimie, est capable de produire un gramme de cocaïne pour moins d'un dollar.
Fred travaille pour la brigade des stups, le corps dissimulé sous un "complet brouillé" jusqu'au jour où il comprend qu'il est son propre suspect.
Ces trois-là et bien d'autres freaks vivent dans un monde où règne la Substance Mort, une... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (70) Voir plus Ajouter une critique
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sur 847 notes
Paru en 1977, « Substance Mort », roman majeur de l'oeuvre foisonnante de Philip K. Dick a pour titre original « A Scanner Darkly », en référence à un passage de la première épître De Saint Paul aux Corinthiens : « for now we see through a glass, darkly... ». Une métaphore de la manière dont les protagonistes dickiens appréhendent une réalité insaisissable.

« Substance Mort » est un roman atypique de K. Dick qui délaisse les tropes propres à la Science-Fiction. Cet opus tardif évoque davantage un ouvrage légèrement dystopique et franchement paranoïaque, tant il s'affranchit des codes du genre qui fit la célébrité de son auteur.

Dans une Amérique située dans un futur proche et incertain, dont les habitants vivent dans la paranoïa constante qui hante une société placée sous surveillance technologique, les derniers survivants de la contre-culture des années 60 achèvent de brûler leur cerveau en utilisant une drogue terrifiante, la Substance Mort.

« Pour survivre dans cet État policier fasciste, réfléchit-il, faut toujours être en mesure de sortir son nom, son propre nom. À tout instant. C'est le premier signe qu'ils guettent pour savoir qu'on est accro : pas être foutu de se rappeler qui on est. »

Fred travaille incognito pour la brigade des stups, le corps dissimulé sous « un complet brouillé » qui en brouillant son image, sa voix, son odeur, le rend absolument méconnaissable. Lorsqu'il ne travaille pas, Fred reprend sa véritable identité, celle de Bob Arctor, un toxicomane qui a quitté femme et enfants, pour partager son appartement et son quotidien avec deux autres drogués.

Arctor espionne Donna, une jeune dealeuse, dont il est secrètement amoureux. Une mission qui n'est pas de première importance et ne nécessite pas le port du fameux « complet brouillé ». le but n'est évidement pas de faire tomber la jolie jeune femme, mais de remonter la filière de la Substance Mort.

« Tant qu'à espionner quelqu'un, autant choisir un sujet qu'on fréquenterait de toute façon ; ça paraissait moins suspect et on se faisait moins chier. »

Toujours vêtu d'improbables chemises hawaïennes, Bob Arctor est un personnage avenant, doté d'un humour décalé qui fait souvent mouche. Sa cohabitation avec Barris, bricoleur en électronique au génie incertain et Luckman, trentenaire effacé, est plutôt bon enfant. Les conversations des trois hommes sont truffées d'anecdotes mêlant une paranoïa et un humour typiques des toxicomanes.

Si la consommation constante de Substance Mort d'Arctor, n'augure pas de lendemains radieux, c'est la nouvelle mission que lui confie son supérieur qui va emporter notre héros dans un voyage sans retour au bout de la schizophrénie. Ce dernier ordonne à Fred d'abandonner la surveillance de Donna pour espionner un homme que les Fédéraux ont identifié comme un dangereux toxicomane.

Après un début modérato, « Substance Mort » prend une ampleur typiquement dickienne lorsque le personnage principal Fred est chargé d'espionner le dénommé Bob Arctor qui n'est autre que lui-même. Cette mission sera le début de la descente aux enfers du héros, qui, en plus de devoir affronter une mission à fort potentiel schizophrène, découvrira que Barris n'est pas tout à fait celui qu'il prétend être, et que les inquiétudes qu'il attribuait à la paranoïa qui hante chaque drogué étaient fondées...

« Étrange comme, de temps à autre, la paranoïa peut coïncider avec la réalité. »

La plongée au coeur des ténèbres de « Substance Mort » évoque les ouvrages d'Henri Michaux, qui comme K. Dick fit un usage « approfondi » de différentes drogues, qu'il relate dans « Misérable Miracle » ou « Connaissance par les gouffres ». le titre français est pourtant trompeur. « Substance Mort » ne se limite pas à une description de l'enfer des paradis artificiels. C'est une oeuvre singulièrement ample et ambitieuse qui nous dépeint une Amérique cauchemardesque où les drogués sont constamment traqués pour être placés dans des centres de désintoxication dont nul ne revient.

« A Scanner Darkly » est surtout, comme souvent chez K. Dick, un roman où les êtres et les institutions, ne sont jamais ce qu'ils paraissent être. le verset 13:12 de l'épître De Saint Paul aux Corinthiens, auquel fait référence le titre original, est nettement plus éloquent : « Maintenant nous voyons dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face. »

Ce verset résume en quelques mots tout le roman. Pendant l'essentiel de l'intrigue, le héros Fred/Arctor et le lecteur n'ont qu'une vision inquiète, tronquée, faussée de la réalité. le dénouement réalise, en la détournant, la prédiction De Saint Paul et dévoile la Vérité dans son hideuse nudité. Finis les faux-semblants, les fausses pistes, les intuitions paranoïaques. Place à une Réalité devenue Cauchemar ou à un Cauchemar devenu Réalité.

S'il n'atteint pas la perfection formelle d'« Ubik » qui explorait la dissolution du réel avec une maestria époustouflante, « Substance Mort » est peut-être le chef-d'oeuvre de K. Dick. Plus incarné, plus sincère, moins joueur, le roman est touché par la grâce de la mélancolie lorsqu'il donne une âme à son héros (qui évoque un double romanesque de l'auteur), un homme qui continue de vivre alors même qu'il est déjà mort.

« There's more to the picture
Than meets the eye
Hey hey, my my
Out of the blue and into the black »
Neil Young

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Substance mort est l'un des cinq derniers romans écrit par Philip K. Dick. Il l'achève en 1975 alors qu'il est déjà reconnu dans le domaine de la science-fiction (prix Hugo en 1962 pour le maître du haut-château). Riche de son expérience, il livre sans doute son meilleur roman, du moins le plus touchant et le plus personnel de ses livres.

K. Dick propose une plongée dans le monde de la drogue, dans une Amérique inquiétante. La société semble divisée de façon nette entre les riches, les représentants du gouvernement, et le reste de la population qui se drogue. Caché sous son « complet brouillé », Fred, qui bosse pour la brigade des stups, est chargé de surveiller Bob Arctor qui n'est autre que lui-même. Il doit remonter les échelons pour retrouver qui se cache au sommet de la production de la Substance M. Cette drogue que doit prendre Fred pour sa couverture, a pour effet de dissocier les deux hémisphères du cerveau. Ses consommateurs finissent inévitablement par sombrer dans la schizophrénie.

Substance Mort est le roman le mieux construit de K. Dick, le plus émouvant et le plus marquant. Contrairement à ses autres écrits, celui-ci semble savoir où il va lorsqu'il l'écrit. La chute est cynique et la postface est un témoignage poignant au sujet de la drogue.

Car malgré les idées reçues, il est réducteur d'affirmer que le génie de Philip K. Dick réside dans l'absorption de drogues. Une personne sans imagination n'aura pas d'idées créatives après avoir consommé de la drogue. Ses lecteurs seraient incapables de faire du K. Dick. Par contre quelqu'un ayant son talent peut prendre de la drogue pour se désinhiber. Certains génies prennent de la drogue, certes, mais prendre de la drogue ne rend pas génial.

L'étrangeté de ses récits n'est donc pas imaginée comme une volonté d'originalité de sa part. Son style n'est pas étrange « pour être étrange ». C'est justement sa façon d'écrire, et s'il se distingue des autres, il le doit seulement à soi-même et pas à des substances narcotiques.

À chacun de ses livres, K. Dick propose une plongée dans l'inconnu, quelque chose d'inhabituel, mais qui finalement donne un grand plaisir à la lecture. Son non-conformisme continue encore aujourd'hui à renouveler la science-fiction et s'oppose à la décadence du genre. Substance Mort représente peut-être le mieux tout ces aspects de l'oeuvre de K. Dick.
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Pour moi le meilleur de Philip K. Dick avec Ubik, Substance Mort ou la grande conspiration révélée.
Ce livre, que je relis régulièrement, a été comme un coup de massue à ma première lecture... Déjà, dans les années 60, K. Dick a cette prescience d'un état manipulateur, qui crée une dépendance pour faire fructifier sa productivité de drogues... (ça me rappelle la facilité qu'ont les médecins à prescrire de la méthadone ou du subbutex à des gamins même pas accros, ainsi, on a des consommateurs accrochés à perpète à un produit légale, distribué avec la bénédiction de l'état, et qui lui rapporte de l'argent et crée des emplois !...)
Le thème de la paranoïa omniprésente, le brouillage des identités, la mise en abime (Fred forcé de se surveiller lui-même), tout cela crée un récit hyper moderne, toujours d'actualité, où rien n'a vieilli, rien n'a bougé. ça fait froid dans le dos.
Un roman culte, adapté de la meilleure façon qui soit pour ce genre d'histoire hallucinée, sous forme de film mi-animation mi-réalité (un traitement spécial de l'image filmée avec les vrais acteurs, les fait apparaitre comme des personnages dessinés... l'effet est garanti), avec Keanu Reeves, Robert Downey Jr, Woody Arelson, et réalisé par le talentueux et hors-norme Richard Linklater (Boyhood) en 2006 sous le titre "A Scanner Darkly". Un film culte pour un livre culte. La boucle est bouclée.

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Pas de SF dans ce roman sombre mais curieusement drôle parfois, et écrit vraiment comme un polar. le flic des Stup file le Dealer mais les deux ne font … qu'un! Suprême délire schizo, un peu la marque de fabrique de l'auteur. de nombreuses trouvailles comme le fameux « complet brouillé », des dialogues surréalistes entre dealers drogués policiers, et puis l'horreur de la drogue - La Substance M- à laquelle il est impossible d'échapper… On devine tous les amis de Dick emportés par la drogue dans la vraie vie cette fois, après avoir perdu leur identité et leur liberté - autres thèmes chers à l'auteur. Un livre fort et triste aussi.
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Encore un auteur et surtout un ouvrage qu'il est un peu ridicule de noter (sans doute est-ce le cas de tous me direz-vous..)
Mais personnellement, lorsque je me fais cette réflexion, c'est que l'oeuvre est écrite de manière à ce que tout jugement, toute remarque à son sujet la concernera peut-être moins, en tant qu'oeuvre achevée que comme part inaliénable du Réel écrivain à travers elle (je veux dire du "réel qui écrit"..)
Pas seulement parce que l'autobiographie sous-jacente est évidente mais parce que l'auteur se fait autre chose à son contact, non pas pur transmetteur ni chroniqueur (situation la plus "partagée") mais véritable émetteur, visionnaire du monde en train de se faire

Je sais, ça ne veut à peu près rien dire. Mais c'est mon expérience de lecture avec Dick...
(Pas seulement dans "Substance mort")
Je lis, j'adore et je ne sais pas pourquoi j'adore ça car je suis loin de tout comprendre
Même quand il est possible de suivre assez tranquillement ce que vivent ses personnages, l'on sent bien qu'il se passe autre chose, que c'est une conscience hantée avec laquelle on se familiarise peu à peu, qu'une réversibilité est toujours possible, planante

"Substance mort" n'est pas son meilleur roman, c'est une synthèse...
La maladie libérée habilement mise en scène ; elle a l'air nue, implacable, désespérante mais elle s'amuse et rit à nos dépens

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Citations et extraits (74) Voir plus Ajouter une citation
C'était un type qui passait ses journées à se secouer les poux des cheveux. Le toubib lui dit qu'il n'avait pas de poux dans les cheveux. Après être resté huit heures sous la douche, debout sous l'eau chaude à souffrir le martyre, heure après heure, à cause de ses poux, il sortait et se séchait, et il trouvait encore des poux dans ses cheveux ; en fait, il en trouvait partout. Un mois plus tard, il en avait dans les poumons.
Comme il n'avait rien d'autre à faire, rien pour s'occuper l'esprit, il se lança dans une estimation théorique du cycle de vie de ses parasites et, armé de l'Encyclopaedia Britannica, il chercha à déterminer précisément à quelle race ils appartenaient.
La maison en était pleine, à présent. Il se documenta sur de nombreuses espèces et, après avoir repéré quelques-unes des bestioles au-dehors, il parvint à la conclusion qu'il s'agissait d'aphides : les pucerons vrais. Quand il se fut mis cette idée en tête, il ne voulut jamais en démordre, quoi qu'on pût lui dire... par exemple: « Les aphides ne s'en prennent pas à l'homme. »
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Donna aspira une bouffée de la pipe et laissa son regard errer sur les lumières. Elle huma l'air de la nuit, écouta ses bruits. « Après avoir vu Dieu, il s'est vraiment senti mieux pendant un an. Et puis c'est allé très mal. Pire qu'à aucun autre moment de son existence. Parce qu'un jour, il s'est rendu compte qu'il ne reverrait pas Dieu : il vivrait le reste de ses jours - des années et des années, peut-être un demi-siècle - sans voir autre chose que ce qu'il avait toujours eu l'habitude de voir. Ce que nous voyons tous les jours. C'était pire que de n'avoir jamais vu Dieu, pour lui. Il m'a dit qu'un jour il était devenu complètement fou. Le vrai flip : il avait commencé à hurler et à tout casser chez lui, même la stéréo. Il avait brusquement compris qu'il allait devoir continuer à vivre tel qu'il était, sans rien voir. Sans but. Rien qu'un bout de viande qui se traînait lamentablement, qui bouffait, buvait, dormait, bossait, chiait.
- Comme nous tous.»
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Comment est Donna quand il n'y a personne pour l'observer ?
La fille douce, super-douce que je connais se transforme-t-elle instantanément ? L'astuce devient-elle sournoiserie ? Serai-je le témoin d'un changement qui fera sauter mes fusibles ? Chez Donna, Luckman, ou aucun de ceux qui me sont chers ? Voire chez un chien ou un chat favori, pendant qu'on est sorti... imagine ton chat en train de vider une taie d'oreiller puis d'y fourrer tous tes objets de valeur : pendule électrique et radio de chevet, rasoir, tout ce que la taie peut contenir ; c'est un tout autre chat qui écume ta maison quand tu n'es pas là ; il te pique tout et va le mettre au clou ; il allume tes joints ou se met à marcher au plafond ; il appelle des gens par l'interurbain histoire de saler ta note de téléphone... et Dieu sait quoi. Un vrai cauchemar, un monde inquiétant de l'autre côté du miroir, l'envers terrifiant d'une ville normale, avec des créatures méconaissables qui rampent dans les coins ; Donna à quatre pattes en train de manger dans la soucoupe des bêtes... tous les trips psychédéliques que tu peux imaginer : les plus sauvages, les plus obscurs, les plus horrifiants.
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Tu te mets un habit d’évêque et une mitre, tu vas te balader comme ça, et les gens commencent à se prosterner et à fléchir le genou, tout le cinéma : ils essaient de baiser ton anneau et pourquoi pas ton cul, et hop, te voilà évêque. Pour ainsi dire. Qu’est-ce que l’identité ? Où finit la comédie ? Personne sait.
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« Vous vous appelez Patty ? demanda Barris, tout en faisant signe à Freck qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter.
- Non. » Elle désigna le badge piqué sur son sein droit. « Moi, c'est Beth. »
Je me demande si le gauche a un nom, songea Charles Freck.
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Depuis Jules Verne, de Philip K. Dick au groupe Limite, la science-fiction n'a cessé d'évoluer jusque dans ses propres définitions. Ainsi, ses différentes déclinaisons se démarquent d'abord entre elles pour mieux se mêler ensuite. Quand le genre mille fois déclaré mort sort du cadre et rebat les cartes pour mieux se réinventer…
Avec : Serge Lehman, Olivier Paquet, Hervé de la Haye, Guilhem Modération : Caroline de Benedetti
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Un collègue de travail vous apprend qu'il a malencontreusement écrasé un petit insecte. Quelle est votre réaction ?

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Vous compatissez, mais au fond, vous vous en fichez un peu
Tant mieux ! Vous detestez ces petites bêtes

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