Charles Dickens utilise le conte et la satire pour évoquer les problèmes que pose le début de la révolution industrielle au XIXe siècle. L'action se déroule à Coketown (la ville du charbon) qui n'est autre que Manchester.
Ce roman me semble moins connu que les autres oeuvres de Dickens comme
David Copperfield,
Oliver Twist,
de Grandes espérances ou Un chant de Noël mais il pose des questions essentielles, en résonance avec notre époque, à travers l'histoire de personnages dont le nom est choisi avec humour : M. Bounderby (plastronneur), Mrs Sparsit (avarice) ou encore M. Gradgrind (moudre), pour faire rire et réfléchir à la fois.
Josiah Bounderby est un riche industriel qui prétend être parti de rien et avoir construit son empire seul, à la force du poignet qui l'a sorti du ruisseau où une mère indigne l'avait abandonné.
M. Gradgrind tient une école où il forme les élèves à avoir l'esprit pratique, à ne se soucier que des « FAITS », à être rationnels et à bannir l'imagination et les distractions qui vont avec.
Ses enfants, Louisa et Tom, sont élevés ainsi, suivant les doctrines utilitaristes et matérialistes car M. Gradgrind est persuadé que ce choix les rendra heureux. Aussi les punit-il quand il les surprend en train de regarder en cachette un cirque itinérant. Qui les a pervertis ?
Sissy, la fille d'un de ces saltimbanques. Son père vient de l'abandonner. Il ne réussissait plus aucun de ses numéros. Sissy croit qu'il l'aimait, voulait son bonheur et ne voulait pas l'entraîner dans sa chute. Thomas Gradgrind va se charger de son éducation et Sissy accepte, pensant que son père désirait un avenir meilleur pour sa fille.
Qui sera heureux, malheureux ? le pragmatisme et la raison mènent-ils forcément à réussir sa vie et donc au bonheur ? Épouser un homme qu'on n'aime pas parce que c'est un bon parti, qu'on n'a reçu aucune autre demande et qu'il peut placer ton frère à la banque est un choix logique, raisonnable. Est-ce pour autant le chemin de la réussite de son mariage et du bonheur ? Un emploi à la Banque, dans les affaires, la statistique et les chiffres, est-ce forcément l'accomplissement d'une vie ?
Je trouve qu'il y a beaucoup de modernité dans cette oeuvre de Dickens et des questions qui sont encore valables aujourd'hui sur l'idéologie et le sectarisme. le pragmatisme et la raison sont un système de pensée. M. Gradgrind a construit toute son existence et l'éducation de ses enfants sur ce système. Il ne voulait pas faire le malheur de Louisa et Tom. Sissy aura-t-elle un meilleur destin ?
J'ai apprécié passer quelque temps en leur compagnie. Leur histoire m'a émue et fait réfléchir. Ce roman est, pour moi, d'une grande profondeur dans les questions qu'il amène le lecteur à se poser, notamment celle de la place de la liberté à travers le personnage, entre autres, de Stephen Blackpool, un ouvrier accusé de vol qui paie cher son insoumission puisqu'il est obligé de fuir et est en butte à l'hostilité à la fois des patrons et des ouvriers, après avoir refusé de participer à leur syndicat.