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En ce dernier jour de l'année Diderot (1713-1784), que l'on a trop oublié, honorons la mémoire de ce grand auteur. Nombreux sont ceux qui connaissent les titres des oeuvres de Diderot, moins nombreux sont ceux qui se souviennent l'avoir lu. Je fais partie de ces privilégiés et je garde au souvenir la représentation du Neveu de Rameau avec Pierre Fresnay et Julien Bertheau qui avait enchanté mon enfance. Il me reste aussi un souvenir initiatique, celui de la Lettre sur les aveugles. Mais le Neveu de Rameau n'est pas au départ une pièce de théâtre, pas davantage que Jacques le fataliste et son maître. Pourtant rien n'est plus simple que de voir à quel point Diderot a écrit des romans théâtraux. On y trouve en général deux personnages, moi et l'autre. Diderot s'entretient avec lui-même à la mode des philosophes antiques. Oui, c'est d'abord un philosophe qui écrit et avec quelle plume ! Dans ce recueil d'oeuvres on trouvera les plus importants ouvrages de notre auteur. Cependant il ne contient pas d'articles de l'encyclopédie, mais on la sent souvent présente. Si Diderot est un philosophique qui écrit, c'est aussi un philosophe qui s'intéresse aux sciences. Et à chaque instant ce goût pour la précision et l'exactitude font de notre homme un dialecticien. L'entretien entre D Alembert et Diderot, réunit un peu toutes ces considérations et l'on sent parfois l'importance qu'ont pu avoir sur lui des philosophes comme Berkeley, même s'il est très critique à leur égard. Le paradoxe sur le comédien jette les bases du regard critique et dialectique comme je l'ai soulevé sur le rapport entre le comédien et son personnage. Dialectique encore, à chaque page que l'on tourne, Diderot ne cesse de nous étonner par sa modernité. Certains passages sont un peu datés mais les notes et les précisions qui sont apportées nous aident à comprendre ce qui appartient à l'époque de l'auteur. Et ceci est important à considérer car nombre de ses ouvrages lui ont valu force ennuis, allant parfois jusqu'à l'enfermement. Aujourd'hui il nous éblouit mais hier il agaçait les grands du monde. Il est vrai que son regard va sans cesse se poser sur les préjugés de son époque, sur l'art, particulièrement la musique et il ne se gênera pas pour la critiquer avec un humour caustique. Si notre regard a changé et si Rameau ou Lully sont aujourd'hui de nouveau à la mode, sa mise en cause de la religion en termes de libre penseur, de ce que l'on appelait les bonnes moeurs, du pouvoir, du sexe, nous rappelle vite que l'auteur de la Religieuse a connu de nombreuses interdictions de ses textes en raison de ce que nous appellerons aujourd'hui leur modernité. C'est le propre des subversifs que d'avoir été en avance sur leur temps. + Lire la suite |