Pensées philosophiques

« Pascal avait de la droiture ; mais il était peureux et crédule. Elégant écrivain et raisonneur profond, il eut sans doute éclairé l'univers, si la Providence ne l'eût abandonné à des gens qui sacrifièrent ses talents à leurs haines. » (Pensée philosophique XIV).

Et bim : ça, c'est fait… Dans ta face Blaise (et dans celles des jansénistes) ! Parues en 1746 ces « Pensées philosophiques » (suivies d'un additif plus tardif) restent un brûlot antireligieux. Sur la forme, on peut lire une suite de courts textes, à la manière des « Pensées » de Pascal, justement, mais inversée dans son approche. Elles n'ont rien perdu de leur pertinence, et c'est un crève-coeur que de le constater.

C'est un véritable feu d'artifice de démonstrations pleines de verve et d'intelligence. Diderot reste prudent dans la mesure où il semble prendre la défense du déisme, mais on sent bien qu'il penche bien plus pour un scepticisme radical. Il faut dire qu'il avait de sérieux comptes à régler, à la fois avec son éducation chez les jésuites et avec son père, qui n'avait pas hésité (alors qu'il avait presque trente ans et voulait se marier) à le faire enfermer dans un monastère. Diderot s'en évadera pour épouser sa belle lingère.

Une petite dernière pour la route : « Pascal a dit « si votre religion est fausse, vous ne risquez rien à la croire vraie : si elle est vraie, vous risquez tout à la croire fausse ». Un iman en peut dire tout autant que Pascal ». (additif LIX).

Les "Pensées philosophiques", de Diderot, est une suite d'aphorismes. Nombre d'entre eux se rapportent à l'athéisme et de la religion ; et Diderot se montre discrètement critique envers la religion.
Pour répéter quelque chose que je dis souvent concernant les textes philosophiques, car c'est vrai pour nombre de textes philosophiques, je dirais que cet écrit vaut moins par les idées de Diderot que par les réflexions que lesdites idées suscitent.
Ce texte a également une valeur historique, puisqu'il s'agit d'un texte essentiel pour le mouvement des Lumières.

Quand la plupart des religions demandent au croyant d'abdiquer sa raison, condition nécessaire à la venue de la Grace et de son mystère qui ne peut advenir que dans l'ignorance, Diderot retourne entièrement ce rapport ; le vrai croyant est celui qui choisit en toute conscience, rationnellement, sa vraie religion, et ne se laisse plus convaincre par les sens et ses démonstrations ( comme les miracles et autres prestidigitations ). Il critique donc les dévots, enragés de la foi qu'ils bafouent, sans s'en rendre compte, par leur ignorance. Il installe également un certain relativisme entre toutes les grandes religions, qui pensent chacune détenir la Vérité, mais malgré cela, il raisonne pour prouver la supériorité logique du Christianisme, qu'il embrasse en pleine conscience et après un examen sceptique. le vrai croyant n'est pas pour Diderot, celui qui hérite de sa religion de par ses ancêtres et par la tradition, mais celui qui encore une fois, le devient par l'exercice de sa raison. le livre contient également une certaine critique de l'Athéisme, dont il est tenté de démontrer l'absurdité par la dialectique, en faveur du Déisme. En résumé, ces pensées philosophiques s'attaquent aux dogmes et à leurs chiens de garde, aux superstitions, à l'ignorance dont elles naissent, mais ne s'attaque pas à la croyance en tant que telle, ni à Dieu. Au contraire Dieu est vu comme l'organisateur de toutes choses, dont certaines qui ne nous sont pas permises de comprendre. Il faut cependant vivre pleinement dans cette ignorance, puisque rien ne permet d'y résoudre. Selon Diderot il faut donc adopter une position de Sceptique face à ceux qui tentent de rameuter et d'engager des croyants par des démonstrations et des miracles, par des histoires et des textes ; la Foi doit être un choix individuel, il faut être conscient de tout ce qu'elle suppose, et être réellement convaincu de son bon sens.

« Pensées philosophiques » a le mérite de condenser dans une version courte, marquante et excessivement accessible l'essentiel de la pensée de Diderot.

J'ai été étonné de la liberté de ton de l'auteur et par la violence de ses positions anti religieuses qui lui valurent finalement un emprisonnement au château de Vincennes.

Diderot prend en effet de gros risques et se montre par son approche naturaliste le digne successeur des grands courants matérialistes d'Épicure, de Démocrite, de Lucrèce ou voir par instant sceptiques de Pyrrhon.

Après avoir lu les lourds systèmes de philosophes chrétiens aussi fervents que Descartes ou Pascal, lire le plus iconoclaste Diderot constitue un véritable vent de fraîcheur rafraîchissante !
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