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EAN : 9782840990123
54 pages
Alfil (30/11/-1)
4.33/5   3 notes
Résumé :
"Elle disait aux femmes: "Mesdames, je ne blâme point votre indulgence." Aux hommes: "Messieurs, cela ne se peut; la confiance est perdue, et il n'y a point de ressource." On ramena le mari. Il était plus mort que vif."
Que lire après Sur l'inconséquence du jugement public de nos actions particulièresVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

Le narrateur, dans ce dialogue, tente d'édifier un "honnête homme", sur sa sale manie de se ranger, sans penser à mal, à l'opinion générale, sans savoir. Il pourrait bien, ce faisant, "crier avec les loups" contre un homme qui ne le mérite pas.
Un jour, un honnête homme s'étonne d'apercevoir, dans le salon du narrateur (on imagine que le narrateur est Diderot) un homme à la réputation sulfureuse, le chevalier Desroche. Il accepte d'entendre, de la bouche de son hôte, le narrateur, la vraie histoire de cet homme. Parmi plusieurs histoire, cette dernière, la plus longue :
Une jeune veuve, noble et riche, meurtrie par son précédent mariage est amoureuse du chevalier Desroche, qu'elle a soigné d'une fracture à la jambe, qui l'aime aussi et la demande en mariage. Elle conjure son prétendant de renoncer à ce mariage s'il sent qu'il ne pourra pas lui être fidèle. Et pour être plus assurée, elle le lui demande en public. Elle fait promettre ce public de tourner le dos à cet homme s'il devait se parjurer. L'amoureux promet.

Plus je reparcours ce conte, plus je vois le second, troisième, quatrième degré ! D'abord, on se dit : certainement, il ne faut pas condamner sans savoir, sous prétexte que l'opinion le fait. Ensuite : qu'est-ce que c'est que cette histoire de femme trompée à qui l'on reproche son entêtement, est-ce qu'elle n'a pas du courage ? Et enfin : ah Diderot, tu nous as bien eu : la personne victime du jugement public n'est pas celle qui nous est racontée et le narrateur, loin d'être l'homme éclairé, est lui-même ce colporteur du jugement public parfois assassin.

Et vous, qu'en pensez-vous ?

C'est la même sensation qui m'a saisie à la lecture de l'Etranger de Camus : si l'on s'abstrait de la manière dont l'histoire est racontée, de la façon poignante dont est racontée l'attente de Meursault, dans le couloir de la mort (personne ne mérite la peine de mort), si l'on s'attache aux actes de Meursault, à ses choix (qui choisit-il pour ami, si tant est qu'il soit capable d'amitié ?), ne découvre-t-on pas un petit colon complètement rendu insensible à tout être humain, surtout s'il s'agit d'arabes (la soeur et le frère - l'une, que son voisin veut faire tapiner, qu'il va aider à punir de sa désobeissance, l'autre qu'il tue sous l'effet d'un simple "coup de chaleur) ?
Là, pareil, observons les actes et les choix des protagonistes, la veuve, le chevalier, le narrateur. A qui va notre admiration et notre compassion ?


Camus, de son côté, dans au moins une préface que j'ai lue, défendait Meursault (en substance, il dit : "on peut être condamné parce que l'on ne pleure pas à l'enterrement de sa mère")
Et Diderot, dans tout cela ? Quelle distance entre lui et le narrateur ? Quelqu'un de câlé en histoire de la littérature le sait-il ?

La morale que je tire de ce conte ? On peut peut-être faire dire n'importe quoi aux mêmes faits. Mais la bonne méthode, c'est peut-être tout de même de faire parler les faits. Mais ils ne parleront pas d'eux-mêmes. Dans la bataille de l'opinion, c'est narrateurs contre narrateurs. Sortons de notre réserve et exprimons nos convictions.

D'aucuns trouveront que cette référence à l'Etranger de Camus est déplacée et ne peut que desservir mon propos. Tant pis. C'est vrai qu'il m'horripile un peu ce "monument sacré"...

Pour tous ces degrés de lecture qu'il m'a inspiré, en plusieurs fois, je mets 5 étoiles à cet ouvrage, au risque de cautionner un écrit mysogine, un éloge du patriarcat. Pourtant je n'avais mis que 2 étoiles à l'Etranger, parce qu'il me semblait faire l'éloge de la banalisation du mépris colonialiste.

Au fait, ce texte existe en version audio, très agréablement lu, comme d'habitude, par notre chère Pomme http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/diderot-denis-sur-linconsequence-du-jugement-public-de-nos-actions-particulieres.html

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Ici Diderot nous offre un recit court et intense,style dans lequel il excelle pour notre plus grand bonheur, et sa critique des moeurs de son époque vaut le detour !
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
"— Je change la thèse, en supposant un procédé plus ordinaire à Mme de La Carlière. Elle trouve les lettres ; elle boude. Au bout de quelques jours, l’humeur amène une explication, et l’oreiller un raccommodement, comme c’est l’usage. Malgré les excuses, les protestations et les serments renouvelés, le caractère léger de Desroches le rentraîne dans une seconde erreur. Autre bouderie, autre explication, autre raccommodement, autres serments, autres parjures, et ainsi de suite pendant une trentaine d’années, comme c’est l’usage. Cependant Desroches est un galant homme, qui s’occupe à réparer, par des égards multipliés, par une complaisance sans bornes, une assez petite injure."
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"— Je change la thèse, en supposant un procédé plus ordinaire à Mme de La Carlière. Elle trouve les lettres ; elle boude. Au bout de quelques jours, l’humeur amène une explication, et l’oreiller un raccommodement, comme c’est l’usage. Malgré les excuses, les protestations et les serments renouvelés, le caractère léger de Desroches le rentraîne dans une seconde erreur. Autre bouderie, autre explication, autre raccommodement, autres serments, autres parjures, et ainsi de suite pendant une trentaine d’années, comme c’est l’usage. Cependant Desroches est un galant homme, qui s’occupe à réparer, par des égards multipliés, par une complaisance sans bornes, une assez petite injure."
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sans approuver les maris infidèles, je ne prise pas autrement les femmes qui mettent tant d’importance à cette rare qualité. Et puis j’ai mes idées, peut-être justes, à coup sûr bizarres, sur certaines actions, que je regarde moins comme des vices de l’homme que comme des conséquences de nos législations absurdes, sources de mœurs aussi absurdes qu’elles, et d’une dépravation que j’appellerais volontiers artificielle.
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Vidéo de Denis Diderot
Rencontre avec Christian Grataloup autour de Géohistoire. Une autre histoire des humains sur la Terre paru aux éditions des Arènes, et de L'Atlas historique de la terre (Les Arènes).
Christian Grataloup, né en 1951 à Lyon, agrégé et docteur en géographie, successivement enseignant du secondaire, professeur de classes prépas, formateur d'instituteurs puis de PEGC, maître de conférences à l'université de Reims et finalement professeur à l'université Paris Diderot. Les recherches et les publications de Christian Grataloup se sont toujours situées à la charnière de la géographie et de l'histoire. Une grande partie de ses travaux concernent la didactique, en particulier par la mise au point de «jeux» pédagogiques. Il a notamment publié: Atlas historique de la France (Les Arènes, 2020), L'invention des continents et des océans. Comment l'Europe a découpé le Monde (Larousse, 2020), Cabinet de curiosité de l'histoire du Monde (Armand Colin, 2020), Atlas historique mondial (Les Arènes, 2019), Vision(s) du Monde (Armand Colin, 2018), le Monde dans nos tasses. Trois siècles de petit-déjeuner (Armand Colin, 2017), Introduction à la géohistoire (Armand Colin, 2015).
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20/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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