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Citations sur Écorces (10)

Dans un magnifique petit texte intitulé "Fouille et souvenir", Walter Benjamin a rappelé - à la suite de Freud - que l'activité de l'archéologue pouvait éclairer, par-delà sa technique matérielle, quelque chose d'essentiel à l'activité de notre mémoire. "Qui tente de s'approcher de son propre passé enseveli doit faire comme un homme qui fouille. Il ne doit pas craindre de revenir sans cesse à un seul et même état des choses - à le disperser comme on disperse la terre, à le retourner comme on retourne le royaume de la terre." Or, ce qu'il trouve, dans ce ressassement dispersé, toujours remonté du temps perdu, ce sont "les images, qui arrachées à tout contexte antérieur, sont pour notre regard ultérieur des joyaux en habits sobres, comme les torsi dans la galerie du collectionneur."
Cela signifie deux choses au moins. D'une part, l'art de la mémoire ne se réduit pas à l'inventaire des objets mis au jour, des objets clairement visibles. D'autre part, que l'archéologie n'est pas seulement une technique pour explorer le passé, mais aussi et surtout une anamnèse pour comprendre le présent.
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"Absolument" parlant, il n'y a plus rien à voir de cela. Mais l'après de cette histoire, où je me situe aujourd'hui, n'a pas été sans travailler lui aussi, travailler à retardement, travailler "relativement". C'est ce dont je me rends compte en découvrant, le coeur serré, ce pullulement bizarre de fleurs blanches sur le lieu exact des fosses de crémation.
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Sur quelques-unes de mes photographies, on ne voit que les arbres, comme si mon regard avait cherché sa respiration par delà les barbelés. Mais les barbelés sont bien là, avec leurs poteaux de ciment et leurs conducteurs électriques. Tout cela rendu si discret par la force visuelle des troncs d'arbres alentour, si présent pourtant puisqu'ils indiquent dans cette banale forêt un lieu de massacre organisé.
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Mais toutes les images ne demeurent pas sans conséquences partagées. Il y a des images - comme celles du Sonderkommando de Bikernau - qui sont des actes collectifs et non de simples trophées ou bibelots privés. Il y a des surfaces qui transforment le fond des choses alentour.
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À partir de ce moment, j'ai pratiquement photographié toute chose à l'aveugle. D'abord parc qu'une sorte d'urgence me poussait en avant. Ensuite parce que je n'avais pas envie de transformer ce lieu en une série de paysages bien cadrés. Enfin, tout cadrage précis m'était presque interdit, techniquement parlant, en ceci que la lumière pesante de cette mi-journée, dont les nuages dans le ciel accentuait presque l'intensité, ou du moins l'intensité de plomb m'empêchait de vérifier quoi que ce fût sur le petit écran de contrôle de mon appareil digital.
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Mais c'est tout le contraire que l'on découvre peu à peu. La destruction des êtres ne signifie pas qu'ils sont partis ailleurs. Ils sont là, ils sont bien là : là dans les fleurs des champs, là dans la sève des bouleaux, là dans ce petit lac où reposent les cendres de milliers de morts. Lac, eau dormante qui exige de notre regard un qui-vive de chaque instant. Les roses déposées par les pèlerins à la surface de l'eau flottent encore et commencent de pourrir. Les grenouilles sautent de partout lorsque je m'approche du bord de l'eau. En dessous sont les cendres. Il faut comprendre ici que l'on marche dans le plus grand cimetière du monde, un cimetière dont les "monuments" ne sont que les restes des appareils précisément conçus pour l'assassinat de chacun séparément et de tous ensemble.
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Pour nous qui acceptons de la regarder, cette photographie "ratée", "abstraite" ou "désorientée", témoigne de quelque chose qui demeure essentiel ; elle témoigne du danger lui-même, le vital danger de voir ce qui se passait à Birkenau. Elle témoigne de la situation d'urgence, et de la quasi impossibilité de témoigner à ce moment précis de l'histoire.
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Quelque chose a dû persister d'une très vieille - mieux vaudrait dire enfantine - peur de tomber. Mais aussi d'une certaine propension à la honte, en sorte que regarder en face me fut longtemps aussi difficile - le sentiment qu'il y fallait un véritable courage - que nécessaire. Il en est résulté, comme naturellement, un ensemble de gestes imperceptibles destinés à concentrer, plutôt qu'à diffuser, mon champ visuel. Alors j'ai pris le pli de transformer cette générale timidité devant les choses, cette envie de fuir ou de demeurer dans une perpétuelle attention flottante, en observation de tout ce qui est en bas : les premières choses à voir, les choses que l'on a "sous le nez", les choses terre à terre. Comme si se pencher pour voir m'aidait un peu mieux à penser ce que je vois.
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Quelle conséquence de cette lumière pour mon œil qui cherchait ? Quelle conséquence pour mon œil qui, ne cherchant plus, fixa le sol ou se leva vers la lointaine cime des arbres ?
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C'est tout autre chose à Birkenau. Ici les murs n'existent presque plus. Mais l'échelle ne ment pas et vous atteint avec une force - une force de désolation, de terreur - inouïe. Le sol aussi ne ment pas. Auschwitz, aujourd'hui tend vers le musée, quand Birkenau ne demeure guère plus qu'un site archéologique.
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