La psychologie cognitive est la science qui explore les processus mentaux de la mémoire, de l'attention et de la perception, du langage, du raisonnement, bref toutes fonctions qui se rapportent à la cognition. Elle néglige l'introspection, jugée non fiable, et fait appel à des tests expérimentaux rigoureux. Aux fins de décrire comment évolue cette discipline, ses réussites, ses atouts à côté à l'imagerie médicale de plus en plus performante,
André Didierjean convie un fin observateur de l'esprit humain :
Marcel Proust.
L'écrivain a parfois rejoint les conclusions de la psychologie cognitive, même si les avancées de celle-ci sont allées bien au-delà et ont permis, un siècle plus tard, la compréhension de nombreux mécanismes de l'esprit. Les comportements décrits par
Proust illustrent bien les processus mis en lumière par les études et, cerise sur le gâteau, le plaisir proustien accompagne la promenade à la façon d'oeuvres d'art qui enrichissent les textes des beaux livres.
Seule petite nuance à ce menu prometteur : alors qu'une image, un dessin, une photo illuminent d'un coup d'oeil une démonstration technique, tout extrait illustratif de
Proust requiert une démarche, un déplacement du type de lecture, moins instinctif que la visualisation d'une image. L'explication scientifique et
La Recherche recourent en effet à des formulations différentes et ont des objectifs très éloignés. L'auteur précise toutefois pour rassurer les hésitants : "...le lecteur pourra, selon son humeur du moment, lire les développements de psychologie sans lire les citations, et bien sûr lire les citations sans lire le reste."
Le livre reprend en tout une quarantaine de citations. Exemple : tout lecteur confirmé de la Recherche, à l'évocation de "Où les avais-je déjà regardés ?... N'étaient-ils qu'une image toute nouvelle détachée d'un rêve de la nuit précédente... je ne sus jamais ce qu'ils avaient voulu m'apporter..." se rappelle le passage des trois arbres qui paraissent familiers au narrateur dans "À l'ombre des jeunes filles en fleurs", sans qu'il puisse jamais les resituer. le passage vient à point pour appuyer les développements de Didierjean sur la mémoire à long terme. Celle-ci utilise deux mécanismes, la familiarité et la remémoration (recollection), dont la faillite suscite le fameux «sentiment de déjà-vu», le plus souvent rencontré entre vingt et quarante ans selon les études.
Personnellement, j'ai choisi de lire "La madeleine et le savant" de façon séquentielle, alternant donc les propos qui relèvent de l'expérimentation (la voix de la science) et celles qui tiennent de l'impression (la voix de
Proust), jetant un pont entre science et littérature ainsi que l'auteur l'a témérairement entrepris. Je pense néanmoins qu'une méthode efficiente et commode serait d'assimiler entièrement le contenu technique de chaque chapitre, avant de revenir lire les citations de
Proust qu'il contient.
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