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EAN : 9782130799993
358 pages
PUF (Presses Universitaires de France). (01/03/2018)
4/5   7 notes
Résumé :
L'année 2016 a été consacrée comme celle de la "post-vérité". Selon le dictionnaire d'Oxford, qui en fait son mot de l'année, ce terme désignerait des "circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d'influence pour former l'opinion publique que l'appel à l'émotion et aux croyances personnelles". Ce livre prend le parti de retourner à la source de cet état des lieux et l'identifie dans le concept de "bullshit" théorisé par le philosophe Harry Frankfurt ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Cet essai d'épistémologie sérieux, austère, pointilleux dans la traduction de la terminologie anglaise (y compris dans le choix que j'approuve de ne pas traduire « bullshit »), minutieux dans l'explication de notions parfois complexes, impressionnant dans l'envergure de ses références, entend faire l'état des lieux de deux concepts : la « post-vérité », terme entré dans le dictionnaire d'Oxford pour désigner : « les circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d'influence pour former l'opinion publique que l'appel à l'émotion et aux croyances personnelles », et surtout le « bullshit », qui a fait couler beaucoup d'encre depuis une plaquette de Harry Frankfurt (2006) qui reproduisait un texte du même philosophe datant de deux décennies auparavant.
On dirait que l'ambition de l'auteur, conformément à son aveu de faire la lumière sur un thème dont l'étude est encore embryonnaire, n'est que de dissiper le soupçon que celui-ci ne soit lui-même du « bullshit »... Deux tiers du livre ne contiennent donc que les différentes tentatives de définition du bullshit, notamment par rapport à son éventuelle distinction avec le mensonge (et leur compatibilité ou incompatibilité), à l'intentionnalité du producteur, récepteur, diffuseur de bullshit vis-à-vis de la vérité, aux problématiques des fondements de la communication et de la théorie de la connaissance, dans une perspective éminemment épistémologique. Au bout d'un premier périple de points de vue précédant et succédant Frankfurt (ch. 1er et 2), l'on comprend que l'auteur n'adhère en fait à aucune de ces définitions, et de surcroît qu'il renonce à en proposer une de se cru, préférant provisoirement se concentrer sur « la réception et production du bullshit » (ch. 3), pour ensuite revenir à la charge sur la « nature du bullshit » (ch. 4) qui ne parvient cependant toujours pas à une définition conclusive, tout en introduisant certains aspects essentiels (cf. nature performative, etc.)... le ch. 5 est une étude de cas sur les théories du complot comme exemple de bullshit, et seulement le ch. 6 (en guise de conclusion), qui est le plus intéressant car le plus riche d'ouvertures et le plus empirique, pose les fondations du pont entre bullshit et « post-réalité » dont, hélas, les instances sont sous nous yeux, même si les questions de l'éventuel triomphe de celle-ci, et de ses rapports avec les technologies d'information ainsi que d'autres déterminants socio-économiques (croissance des inégalités, perte de confiance dans les médias et les institutions, déclassement économique et culturel, prolifération du relativisme épistémique, etc.) demeurent en suspens, et même à peine énoncées...
On attend donc dans un prochain ouvrage, sans doute avec l'avancement de l'âge de l'auteur et espérant qu'il ne lâche pas un sujet aussi prometteur, un traité plus accompli, plus empirique aussi, et surtout qui prête davantage d'attention aux antidotes contre un problème tout-à-fait contemporain, innovant par rapport à l'intemporelle problématique de la vérité et du mensonge, et qui pourrait être ou devenir un vrai fléau de notre moyen d'accéder au savoir outre qu'une mine flottante dans les eaux de la démocratie...
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
« Le relativisme épistémologique propre au postmodernisme est en effet déjà du bullshit. […]
[…] le postmodernisme et la post-vérité sont tous deux le produit du bullshit, c'est-à-dire le fruit d'une pseudorationalité performative conduisant à la production d'assertions bidon et la croyance qu'on peut accéder à la connaissance simplement en le décidant, plutôt qu'en fournissant le travail qui risquerait d'aboutir à des conclusions non désirables. L'avide consommateur de fake news, l'adhérent aux théories du complot les plus futiles, les climatosceptiques, créationnistes et autres anti-vaccins les plus acharnés, "raisonnent" en réalité de la même manière que nombre de sociologues, philosophes et intellectuels (dé)constructivistes, marxistes, anti-réalistes et relativistes. C'est simplement au gré des circonstances que les uns sont devenus des gogos, tandis que les autres sont parvenus à se hisser au rang de gourou. » (pp. 312-313)
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« […] l'opprobre associée au mensonge n'encouragerait-elle pas, en définitive, le développement de formes plus insidieuses et subtiles de manipulation, qui s'accompagneraient d'un sens exacerbé de la vertu ? Cette suggestion soulève des questions intéressantes quant aux conséquences des politiques de transparence totale et de moralisation, et renvoie également à la différence qu'entretiennent la propagande sous une dictature et la propagande (ou la "com'") dans une démocratie libérale. En d'autres termes, puisqu'il n'est plus possible (ou plus toléré) de mentir, il faut baratiner, enfumer, intimider, et produire toutes sortes de foutaises à la place. » (pp. 46-47)
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Pourquoi diable, hormis quelques vaillants et rares pourfendeurs de bullshit qui ont toujours existé, les gens se font-ils si souvent tromper par des discours creux, des niaiseries sans intérêt, des fadaises grotesques et des imbécilités ridicules ? (146)
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Sylvain Delouvée
Maître de conférences à l'Université Rennes 2, ses recherches portent sur l'étude de l'interaction entre les facteurs sociaux et psychologiques qui influencent la pensée, les croyances et les comportements sociaux lorsque des individus ou des groupes rencontrent des situations qui peuvent être perçues comme incertaines, risquées ou extrêmes. de manière plus appliquée, il s''intéresse aux processus d'adaptation sociale et cognitive aux risques environnementaux (par exemple le changement climatique), aux risques sanitaires ou biologiques (maladies infectieuses émergentes, résistance aux antibiotiques, hésitation vaccinale), aux risques sociétaux (terrorisme et radicalisation) et aux incertitudes liées à ces situations. Co-responsable du Master « Violences, Risques et Vulnérabilités » à l'Université Rennes 2, Sylvain Delouvée est également auteur de nombreux articles scientifique et de plusieurs ouvrages dont le récent « le Complotisme. Cognition, Culture et Société » (éditions Mardaga, co-écrit avec Sebastian Dieguez).
Conférence : Comment se construit une théorie du complot ? 29 juin 2022, 15h15 - 16h — Amphi 34A
Une théorie du complot correspond à un récit explicatif concurrent aux versions officielles impliquant l'intervention d'un groupe agissant dans l'ombre pour expliquer un événement tragique / marquant / inattendu. Mais comment cette "théorie" s'élabore dans la tête d'un complotiste ? Quels rôles jouent les autres (complotistes ou non) ? N'est-ce qu'une affaire de biais cognitifs ? Quel poids dans cette élaboration complotiste pour l'appartenance sociale ou la mémoire collective ? Il s'agira de mieux comprendre comment se construit - individuellement et socialement - une théorie du complot.
Dédicace : le Complotisme. Cognition, Culture et Société 29 juin 2022, 16h - 16h45
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