Il n'en était rien, mais Portalis avait refusé de faire examiner le premier volume, attendant que les trois lui fussent soumis pour juger de l'esprit de l'ouvrage. Après lecture de l'assemblage, l'impression n'avait été qu'à demi favorable, en dépit de l'hommage aux soldatsfrançais, mais le verdict, tel que publié dans le bulletin officiel de la censure, était néanmoins acceptable et imposait peu de corrections.
Les principaux collaborateurs rejoindront, à la fin de l'année, une nouvelle publication, les Annales de la littérature et des arts, qui paraîtra jusqu'au 1er avril 1829, tandis que Chateaubriand sera l'un des fondateurs de la Société royale des bonnes lettresqui aura pour objet, comme l'Académie, la publication d'un Dictionnaire, d'un genre assez particulier:le recensement de toutes les expressions dénaturées par les révolutionnaires au point qu'il n'est plus possible de les utiliser. La succession du Conservateur sera aussitôt recueillie par certaines périodiques d'audience et de formes diverses, tels que Le Parachute monarchique, Le Mercure royal et, surtout, Le Défenseur, fondé par Frénilly. Bonald et Lamennais collaborent à ce journal qui prendra souvent des positions contraires à celles de Chateaubriand, notamment lorsqu'il attaquera la Charte et "les rêveries constitutionnelles".
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Mme de Chateaubriand observe ces manèges avec une curiosité sarcastique et en profite un peu, comme un douanier prélevant sa part au passage de la marchandise. Ces dames rivalisent entre elles d'attentions à son égard pour se concilier ses bonnes grâces et elle en retire en considération comme en petits soins le prix de sa complaisance. Un jour qu'elle est enrhumée, elle aurait reçu des égéries de son époux «cinq bouillons pectoraux dans la même matinée, accompagnée des plus charmants billets, dont elle fait l'exhibition en se moquant de ces dames très drôlement", assure Mme de Boigne.
Il faut être économe de son mépris étant donné le grand nombre de nécessiteux.
Chateaubriand, qui n'a rien écrit dans le Conservateur depuis son manifeste, y fait sa rentrée à l'occasion des nouvelles lois sur la presse. Elles ont été élaborées par une commission où siégeait Guizot, Barante et le duc de Broglie, mais elles sont surtout inspirées des principes et des idées de Nicolas Bergasse. L'essentiel de ces trois projets se résume en la suppression de la censure préalable, avec seulement obligation pour les journaux de déposer un cautionnement et de désigner deux éditeurs responsables.
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Chateaubriand, de Ghislain de Diesbach