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EAN : 9782262101305
1056 pages
Tempus Perrin (18/08/2022)
4.75/5   2 notes
Résumé :
La meilleure biographie de Proust.
Ghislain de Diesbach a connu des survivants de ce monde auquel Proust rêvait d'appartenir et qu'il a coloré de tous ses artifices et de toutes les nuances de son génie. Nul ne pouvait mieux que lui en restituer les différents aspects.
Que ce soit du côté de Guermantes ou de celui de Cabourg, du côté du boulevard Haussman ou de celui de Mme Verdurin, le biographe observe, avec finesse et souvent ironie, le jeu des acte... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le lecteur de cette excellente biographie de Proust sait bien qu'il contrevient à l'un des principes majeurs de toute l'oeuvre proustienne : la séparation entre l'homme, objet de la biographie, et l'oeuvre. La biographie, nous dit-on dans Albertine Disparue, ne donne accès qu'à l'homme extérieur, l'homme social, celui que tout le monde peut voir sans le connaître intimement par la lecture : "Qui sait si vu du dehors tel homme de talent ou même un homme sans talent mais aimant les choses de l'esprit, moi par exemple, n'eût pas fait, à qui l'eût rencontré à Rivebelle, à l'Hôtel de Balbec, sur la digue de Balbec, l'effet du plus parfait et prétentieux imbécile ?" Revenant souvent sur cette idée, avant même d'écrire la Recherche, il s'attaque à Sainte-Beuve qui se croyait capable d'appréhender talent et génie par la seule interprétation biographique, par la seule documentation historique sur la vie de l'auteur : "cette méthode [de Sainte-Beuve] méconnaît ce qu'une fréquentation un peu profonde avec nous-mêmes nous apprend : qu'un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c'est au fond de nous-mêmes, en essayant de le recréer en nous, que nous pouvons y parvenir..."

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Ceci dit, le lecteur de Proust ne se propose pas tous les jours de faire de son oeuvre une interprétation globale et savante. Un simple lecteur, même s'il sait bien que la Recherche n'a rien d'autobiographique, que c'est un roman, comme l'auteur ne cesse de le proclamer, que le Narrateur n'est pas Marcel Proust, voit bien que les deux sont parents. Il s'attache à cette voix romanesque issue d'une personne réelle, et immanquablement ce lecteur sera curieux d'en savoir plus.
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Le volume de Ghislain de Diesbach satisfera cette curiosité. Diesbach est un excellent biographe, qui écrit bien et clairement, et de la naissance à la mort de son héros, Marcel Proust, il s'attache avec compétence, soin et talent, mais aussi avec une ironie parfois mordante, à reconstruire les milieux sociaux, la famille, la psychologie, et l'évolution du futur romancier Proust. Les talents d'historien de l'auteur lui permettent de reconstituer une France disparue, celle de la III° République, du Symbolisme, de l'Affaire Dreyfus et, de plus loin, de la guerre de 14-18. Diesbach ne néglige rien, ni les illusions financières baroques du romancier, ni sa santé et ses relations avec les médecins ("patience et résignation" est le mot d'ordre des médecins qui eurent à s'occuper de ce perpétuel malade qui croyait agoniser deux ou trois fois par mois), ni évidemment le grand monde que ce snob fréquentait, et, hélas, ses relations orageuses avec son éditeur. Il nous rappelle qu'il lui a fallu lire l'immense correspondance de l'auteur, et nous déconseille vivement d'en faire autant : on comprend pourquoi à la lecture des quelques extraits qu'il en donne.

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Alors, pour finir, je dirais que ce gros livre m'a causé bien des surprises, chaque fois que j'ai mesuré la distance entre la vie réelle de Marcel Proust, et ce qu'il en fait dans son roman. La lecture de cette biographie est finalement très utile, en plus d'être distrayante : grâce à elle, on voit mieux tout le travail de transmutation littéraire et romanesque, par la géniale magie du style et de la métaphore, d'où procède "La recherche du Temps Perdu" : elle sort grandie, s'il était nécessaire, tandis que l'auteur réel, lui, peut lui céder toute la place.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Admirablement disposé par son intelligence et son esprit critique pour être le témoin de la société de son temps, Proust l'est aussi par le hasard de sa naissance qui, tout en étant un handicap, est aussi un avantage dans la mesure où elle lui donne le recul nécessaire pour observer un monde qu'il verrait beaucoup moins bien s'il lui appartenait. Issu de deux races et déjà passé d'un milieu dans un autre, encore éloigné de celui auquel il aspire, il aura sur les chrétiens l'oeil ironique et sagace du Juif, et sur les Juifs le regard d'un chrétien sans tendresse et même sans charité. En bourgeois fraîchement promu, il jugera la noblesse sans complaisance, puis avec une certaine amertume, car elle l'aura déçu. Aristocrate intellectuel, il sera sans pitié pour cette bourgeoisie avide et jalouse qui ne dédaigne la noblesse que faute de pouvoir en faire partie. A cet égard, Mme Verdurin sera la plus féroce caricature que l'on puisse faire d'une classe sociale, imbue de sa force et incertaine de sa valeur.

p. 246
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[Traduction et édition annotées par Proust de "Sésame et les Lys" de Ruskin.]
Dans certaines notes, parfois sans grand rapport avec le texte ou la pensée de Ruskin, Proust laisse apercevoir des conceptions qu'il développera dans "A la Recherche du temps perdu" ou dans sa correspondance, comme l'idée péjorative qu'il s'est faite de l'amitié, voire du commerce des humains en général, perte d'énergie et de temps, donnant la primauté à la lecture, exercice dans lequel il s'établit une communication directe entre deux esprits, sans l'obstacle ou la contrainte de la nature physique. "Notre mode de communication avec les personnes implique une déperdition des forces actives de l'âme que concentre et exalte au contraire ce merveilleux miracle de la lecture qui est la communication au sein de la solitude."

Loin de regretter de n'avoir pas connu des auteurs dont les oeuvres sont ses livres de chevet, comme Saint-Simon ou Chateaubriand, Proust estime que leur fréquentation l'aurait déçu car les défauts de l'homme, ses faiblesses ou ses mesquineries, auraient diminué pour lui la grandeur de l'oeuvre : "Mais si tous ces morts étaient vivants, ils ne pourraient causer avec nous que de la même manière que le font les vivants. Et une conversation avec Platon serait encore une conversation, c'est-à-dire un exercice infiniment plus superficiel que la lecture, la valeur des choses écoutées ou lues étant de moindre importance que l'état spirituel qu'elles peuvent créer en nous et que ne peut être profond que dans la solitude et dans cette solitude peuplée qu'est la lecture."

p. 490
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[Echecs éditoriaux, 1908-1909]
Lorsqu'on a eu des visées littéraires et qu'on s'en est servi pour demander à ses parents, à sa conscience, à la vie même un sursis, un délai de grâce avant de se mettre sérieusement au travail, un tel échec incite à de moroses réflexions. Dans ces retours sur soi-même, il y a non seulement le regret du temps perdu, mais aussi l'amer sentiment de penser que personne ne saura jamais rien du monde de rêves, d'images et d'idées que l'on a si longtemps porté en soi, monde informe et mouvant, fugitif et précieux, qui risque à chaque instant de s'évanouir si l'on ne réussit, par le miracle de l'écriture, à le sauver. C'est ce sentiment de contenir dans son coeur et sa tête un monde merveilleux, menacé de disparaître avec lui, qu'il exprimera dans les pages admirables, les plus belles peut-être de son oeuvre, qui terminent "Le Temps Retrouvé", donnant à toute "La Recherche du temps perdu" sa justification et sa grandeur.

p. 560
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Chateaubriand, de Ghislain de Diesbach
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