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La photo de la première de couv', aux éditions le temps qu'il fait, montre la "gueule" de Luc Dietrich. Et c'est déjà lui, tel qu'il se peint dans le Bonheur des tristes quand,   après une remarque féminine sur sa laideur, le jeune Dietrich se regarde au miroir:

"C'était moi, mais quel drôle de moi! Mon visage était comme une racine avec ses barbes follettes! Mon regard fendait cette noirceur, comme un coutre la terre. Ma bouche y vivait comme une balafre fraîche.  Et par-dessus le tout, poussait un pin qui débordait sur les oreilles et le cou.Je ne savais si c'était ridicule, désolant ou beau, mais je ne ressemblais pas aux autres: j'étais plus grand et plus visible."

Tout le livre a cette même honnêteté, cette désarmante  lucidité, cette déchirante modestie et cette bouleversante poésie de la formule, qui balaie d'un coup de faux les poncifs, les clichés,  les convenances.

Le bonheur des tristes est le récit d'une enfance chérie et cruelle, celui des 22 premières années d'un garçon amoureux de sa mère -  une femme tendre, fragile, droguée au laudanum et qui en meurt- un fils qui la couve, la protège, et, dans un amour toujours inquiet, grandit  auprès d'elle, dans la mesure où les cures de désintoxication de celle-ci  ne l'éloignent pas de lui, envoyant alors le petit Luc chez un vieil oncle pervers,  dans un asile pour débiles, ou dans une ferme qui a tout d'un bagne pour enfants.

Il y a du Poil de Carotte dans ce récit-là , pour la cruauté des hommes, la force résiliente de l'enfant, la consolante beauté de la nature, mais pas pour  le cynisme , ni l'afféterie dans la formulation qui est la marque de Jules Renard qui parfois semble parler par aphorismes.

Luc Dietrich, lui,  est un sauvage, il parle sauvagement, avec ses tripes, avec son oeil de voyant, sa bouche de "balafre fraîche" , sa fraternelle compassion pour les misérables, bêtes et gens, sa farouche crainte des manipulateurs et des tortionnaires de tout poil, et c'est si beau, si vrai, si puissant qu'il nous met souvent le coeur en charpie... ou tout au bord des lèvres. 

Il y a du Rimbaud dans ce bohème, cet effaré, ce vagabond aux semelles de vent, ce poète aux poches crevées,   tendre et brutal .

J'ai ouvert le Bonheur des tristes un matin,  charmée par son titre ,  et n'ai pu le refermer qu' après en avoir savouré  la dernière page, dans la même journée!

Encore un de ces 53 Désemparés de Patrice Delbourg,  est-il besoin de le dire?

Après Hyvernaud, Guérin, Larronde, Augieras , un nouvel univers, un monde,  un style, un homme à découvrir.

Peut-etre le plus touchant, le plus proche, le plus attachant de tous, jusqu'ici.

Lanza del Vasto ne s'y est pas trompé,  qui a su tendre la main, guider, aider Dietrich à devenir ce qu'il était déjà sans le savoir: un immense écrivain.
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Le ton est donné : " le Bonheur des tristes " (quel bel oxymore) et " l'Apprentissage de la ville " (ou plutôt "de la vie").

Ces deux livres ne doivent pas être dissociés : le deuxième (narrant l'auteur, une fois adulte, en quête de savoir, et surtout, à la recherche de lui-même pour éveiller sa propre conscience) est bel et bien le suite logique du premier ( le Bonheur des tristes ou les confessions d'une enfance triste et candide).

La teneur de ces deux autobiographies est que, la souffrance est bonne lorsqu'elle est maîtrisée, lorsqu'elle est affranchie car cela nous rend plus lucide de nos maux ! A contrario, une souffrance avec pathos nous enchaîne toujours, pitoyablement, dans nos sombres dédales...

Les textes sont légers mais denses; les mots sont sombres mais poétiques, à la fois !

Auteur méconnu (malheureusement) qui nous laisse découvrir, à travers ces deux magnifiques bijoux, la vie dans son expression la plus simple.

Je vous conseille vivement de lire L.Dietrich
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Le bonheur des tristes de Luc Dietrich narre avec innocence la vie d'un jeune garçon, fou d'amour pour sa mère.
Ce récit intimiste est une voix douce agréable de l'enfance, chantonnant une mélodie lente d’une vie de nature, une source claire d'émotion, la joie, l'amour, l'exaltation, la tristesse, la bêtise humaine animent la vie de notre jeune héros.
Le bonheur des tristes, ce titre, un joli oxymore, caresse la joie de la vie simple de ce jeune garçon, amoureux de la vie rurale, des fleurs, de la terre source de vie, de la végétation, des animaux, sous la tempête de cette jeunesse explose la rudesse de la vie, des autres, des êtres humains, de sa mère droguée....
Voyageant du Jura, à Paris, en Auvergne et d’autres contrés de France, cet enfant en équilibre avec les rapports humains, glisse dans le désordre de la vie s'offrant à lui, puni par sa famille ingrate de son innocence rurale, il devra combattre la méchanceté d'un asile de fous. Il sera l'ignorance érudite de ce foyer carcérale d'enfants aux maux psychologiques anormaux.
Cette quête de l'absolu, de la vie, de l'amour qu'il trouvera dans les plantes et les fleurs qu'il nourrira, il cultivera cette force incroyable de la terre, puis sa soif de pureté d'âme, d'amour pour sa mère. Vivre dans la pauvreté, subir la crasse dans une campagne hostile, cet enfant suivra la route de son destin avec ses privations, comme une vie d'ascèse, une vraie vie, la vie de l'auteur, celle de Luc Dietrich, un récit fort, puissant.
La pudeur des mots, la douceur tendre de ce roman, ce chemin d'apprentissage à la saveur religieuse, aux élans mystiques, à la sauvagerie humaine forte, cette barbarie sourde, coulent dans les veines de cet enfant esclave de la maladie de sa maman, droguée, alcoolique, vagabonde de ses paradis artificiels, fiévreuse de ce travail d'infirmière, laissant à l'abondant cet enfant sauvage, garçon de la terre, adolescent des mots, amoureux de la poésie.
C'est comme un conte pour enfant, l'imagination des montres, des princesses, des légendes que raffolent les enfants, puis le récit vacille des émotions de notre personnage, celle de la vie qui l'entoure, la mort, le sexe, la folie humaine puis la privation de liberté....
Ce testament de vie est comme un conte philosophique mais c'est la vraie vie de notre auteur, un roman autobiographique d’une pureté émotive explosive.
Il y a une suite à ce roman, L’apprentissage de la ville, une continuité à la magie de cet opus utérin, ce cristal fragile de l’enfance se fissurant vers la maturité de l’adulte, j’ai hâte de me perdre dans cette continuité de Luc Dietrich.

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L'inconnu qui m'a mis ce livre entre les mains, un jour, devant une Boîte à Livres à Toulouse, m'a dit que ça se lisait bien, que c'était poétique, que ça lui rappelait Jean Genet – pas pour le style, je crois, mais pour ce que vit le personnage principal. Pour la référence à Jean Genet, je ne sais pas trop. Peut-être. Ce que je connais de Jean Genet, c'est « Les bonnes », et je suis également presque sûr d'avoir lu un autre livre de lui, mais je ne sais plus lequel, qui effectivement se rapproche, dans mon souvenir, de ce « Bonheur des tristes » par l'autobiographie de la jeunesse, la misère, et le langage rêveur. Mais en fait ça m'a surtout fait penser au Bukowski de « Mémoires d'un pas grand-chose ». Pas au niveau du style, à l'évidence, mais de la méthode, par cette façon qui consiste à juxtaposer des épisodes sans toujours se soucier du lien, par souci de ne parler que de ce qui importe vraiment. Luc Dietrich glisse comme ça sur ses souvenirs d'enfance et d'adolescence avec des phrases comme « Ma mère est pâle, très pâle et, même si elle rit, une tristesse tremble dans son rire comme des gouttes sur une branche au soleil », des descriptions de voyage en train de la trempe de « Un champ de blé gicla d'un talus. Une petite ville se bâtit au galop et puis dégringola dans une pente. Un bref tunnel goba le reste et vomit une boule de fumée et des collines bleues. [...] Les premières maisons se levèrent dans les terrains vagues, comme des échelles.», pour en arriver aussi à cette formule, dans un chapitre du livre que je ne révélerai pas mais à côté duquel on ne peut vraiment pas passer : « Que deviendrai-je ? - Ecrivain, répondait une voix comme par un téléphone mal branché. Et à qui lirai-je ce que j'écrirai ? A eux ? Ils sont trop et chacun est occupé d'autre chose.».
Au centre de tout il y a sa mère et la beauté de l'amour qui lie cette mère et ce fils, raconté à hauteur d'enfant, avec l'émerveillement, les terreurs, les ellipses où se nichent ce qu'on ne peut ou ne veut pas comprendre quand on est enfant et que pourtant, on sait. Et puis, après l'événement qui coupe le livre en deux, le narrateur devenu presque un adulte ne nous épargne plus rien des horreurs auxquelles il est confronté, qu'il est bien forcé de voir et de vivre. Mais il nous parle aussi, au moins autant, de ses façons d'y échapper, moyennant quoi, et c'est assez incroyable, le livre, même dans le sordide de cette dernière partie, continue jusqu'au bout de répandre une lumière de plus en plus grande !
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Tiens j'aime beaucoup Luc Dietrich, il était presque moderne, proche du grand Jeu et de René Daumal, « sponsorisé » par Gurdjieff, tout ça... À présent on regarde ses livres de travers, on les trouve naïfs, trop sincères, vieillots, presque des livres pour vieux hippies défroqués, ils sont passés du côté du désuet. Pourtant, il faut les lire, toujours les lire, ils sont encore magnifiques, simples, enfantins. Je n'ai ni le temps ni le souffle pour vous en parler vraiment, mais lisez le « Bonheur des Tristes » et L'« Apprentissage de la Ville », vous m'en direz des nouvelles. Sachez seulement, pour l'anecdote, que Luc Dietrich ne dormait jamais vraiment, il ne s'éveillait jamais vraiment non plus. Il lui arrivait seulement de sommeiller debout les yeux grand ouverts tout en vaquant à ses occupations quotidiennes. Ainsi, on pouvait le voir avancer dans le monde avec des gestes de nageur et des pas de somnambule. Il n'avait pas à chercher un quelconque état poétique, il lui venait naturellement.
« Je veux descendre tout entier dans ma phrase. Je voudrais m'y couler comme dans la mer. Je voudrais y crier avec ma bouche. Je voudrais que ma main sorte des lignes. Je voudrais communiquer une telle chaleur que celui qui me lira sentira la force de mon sang, la vie de mon sang. »
Lien : https://novland.blogspot.com/
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C'est grâce à Mylène Farmer que j'ai découvert cet auteur. Elle avait parlé de ce livre sur un plateau de télé avec une émotion certaine et hop, dans ma poche ou plutôt, dans ma bibliothèque avec son autre moitié, l'apprentissage de la ville. Que dire de tous ces mots d'émotion ? L'ancre fait couler le sang de l'enfance tourmentée de l'auteur mais n'efface en rien la poésie, la douceur de certains de ses regards sur les choses de la vie, les petits plaisirs. L'amour de cet enfant pour sa mère, je le retrouve dans de nombreux livres et donc dans l'âme de nombreux de leurs auteurs. Cette littérature vous fait chaud au coeur. La découverte de la vie, de son corps, du sexe, des aléas de la vie, la séparation, le parcours initiatique d'une vie dans laquelle le personnage se heurte aux ressentiments de l'auteur pour souvent s'y confondre. Mais l'internat et sa noirceur fracture le jeune Luc. Une plume légère, empreinte d'une retenue ne contrarie en rien certains instants sombres et, ses cotés apaisée sont peut-être dus à la présence de Lanza del Vasto que j'ai pu du même coup découvrir pour ensuite courir avec lui à la rencontre de Gandhi dans "Le pèlerinage aux sources". Il faut tourner les pages de ce livre, sans se presser, tenter de ressentir certaines secondes plus intenses que les autres. Il faut également s'attarder sur l'aspect réparateur de la nature qui, forte de ses silences et de ses instants purs et vrais s'oppose à la turbulence d'une capitale, à la perte affective et permet de retrouver une touche de bien-être intérieur, même si elle est éphémère. Si rien ne s'efface, ce roman auto-biograhique le prouve, il est des instants de vie où un homme peut trouver, malgré les fantômes de l'enfance, des instants de paix. Merci à Mylène Farmer pour cette découverte, merci à l'auteur.
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Luc Dietrich nous raconte sa jeunesse jusqu'en 1931, date de la disparition de sa mère, aide soignante, droguée, qui fait mener à son fils une vie d'errance de ville en ville (Paris, Nord de la France, Auvergne...). C'est un premier roman, paru en 1935.

Luc ne vit pas toute sa jeunesse avec sa mère, il est recueilli par un oncle et une tante qui ne le trouvent pas très normal et l'envoient dans une sorte d'hopital pour enfants simplets ou pension. Il est né en 13 et mort en 44. Auteur relativement méconnu de nos jours et pourtant il mérite un petit détour par lui.
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On est carrément dans le chef-d'oeuvre ici ou pas loin. Qui dicte que Céline, Sallinger, Proust, Saint-Exupery sont les auteurs qui comptent? C'est oublier des auteurs comme Luc Dietrich. Était-ce parce qu'il était catholique qu'on l'a laissé de côté? Probablement. Un livre incroyable, différent.
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Quelle magnifique découverte! Une prose incroyable, à la fois dense et lumineuse, d'une sensibilité extrême. La sincérité brutale qui émane du texte vous emporte sur les traces de cet enfant fasciné par sa mère, mais aussi par cet univers grouillant de vie qu'il découvre autour de lui. Luc Dietrich est mort jeune dans un bombardement. Ses textes méritent vraiment d'être découverts. Des perles rares.
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Un petit livre intéressant que je n'aurais jamais lu hors défi. Je sors des sentiers battus. Une belle écriture fluide et très agréable. Une histoire intéressante mais un peu ennuyeuse pour moi. le texte est magnifique car le vocabulaire est soutenu.
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