Comme il y a de plus en plus de repas à distribuer, les cuistots de Treize à table ont recruté quelques nouvelles petites mains. Ce qui fait que cette année ils se retrouvent à dix-sept autour des fourneaux pour préparer quelques agapes en toute simplicité. Mais un repas copieux, comme le démontre la carte ci-dessous.
Comme je suis gourmet, mais pas gourmand, et que je suppose que tout comme moi, vous ne reprenez pas de tous les plats, préférant en laisser aux autres convives, je ne vais m'attarder que sur quelques-uns des textes savoureux proposés.
Pour certains, je ne les ai pas appréciés à leur juste saveur, mais comme tout un chacun, je possède mes préférences culinaires et littéraires.
Donc je passerai rapidement sur Voyage en novlangue de François d'Epenoux, qui comme son titre l'indique, est un exercice de style sur les nouveaux mots en importation directe des vocables anglo-saxons. Commencé mais pas fini. le premier paragraphe m'a suffi. de même, je n'ai pas apprécié outre mesure les nouvelles de
Karine Giebel et de
Yasmina Khadra, qui fouillent le coeur, peut-être un peu trop, et remuent les tripes.
La curiosité est un vilain défaut parait-il. Ce n'est pas la curiosité mais l'indiscrétion qui est à blâmer. Et donc, ayant lu ici et des éloges concernant
Nicolas Mathieu et de son prix Goncourt, que je ne pouvais quand même pas le mettre de côté. Ouais, bof. Une parfaite soirée aurait été parfaite si elle n'était pas encombrée de marques publicitaires (mais après tout c'est peut-être le gagne-pain de l'auteur) et de ces petites choses qui me hérissent, allez donc savoir pourquoi.
Mais ce ne sont que les amuse-bouche, et chacun peut y puiser à volonté, prendre les uns et dédaigner les autres.
La croisière ne s'amuse pas, de Françoise Bourdin, met en scène un couple qui se délite. Juliette et François entreprennent un voyage en mer Baltique, mais ils ne conjuguent pas le même intérêt pour ce qui leur est proposé. François s'attarde un peu trop souvent au bar, la boisson étant comprise dans le prix du voyage, tandis que Juliette, au cours des étapes qui sont prévues, préfère visiter les musées. le naufrage n'est pas loin, à moins qu'un gilet de secours leur soit tendu.
Avec
Michel Bussi, nous faisons la connaissance de Dorothée, une impénitente bavarde. le narrateur doit convoyer la nouvelle perle automobile dont la sortie est prévue en 2020 et dotée de nombreux gadgets issus du cerveau perpétuellement en ébullition des ingénieurs du Technocentre de Guyancourt. Un voyage qui de Valencienne à Cabourg s'avère particulièrement pénible pour le conducteur, Dorothée, la nouvelle chouchoute du directeur, n'arrêtant pas de bavasser, de décrire les lieux traversés et de rappeler les règles de sécurité à observer par le conducteur.
Le système Bussi, le retournement de situation, fonctionne toujours, même si le lecteur futé se doute de l'épilogue.
Un Bribri à 300 kilomètres/heure de Philippe Jaenada me ramène quelques années en arrière lorsque je fréquentais les salons et festivals consacrés à la littérature policière, voire à la littérature tout court. Et ce texte me semble un épisode vécu par l'auteur, alors qu'il rentre d'un salon qui s'est tenu en Bretagne. le retour par le train du romancier aurait pu être tranquille et propice à la méditation, s'il n'y avait eu des voyeurs intempestifs et festifs.
A soixante ans, la narratrice de le voyage de ma vie, à laquelle
Alexandra Lapierre prête la plume, végète. Son mari est mort d'un cancer dix ans auparavant et elle se morfond. Sa vie est grise. Ce n'est pas une vie de chien. Justement on lui donne un border-terrier et cet animal lui change des habitudes bien ancrées dans la morosité. Un soir elle rencontre un septuagénaire qui lui aussi promène sa chienne. Les deux animaux font connaissance et reconnaissance, et les humains en profitent pour échanger. Tant et si bien que Jacques, le prénom de cet ami, obligé de se rendre aux Antipodes, demande à celle qui envisage de refaire sa vie, de le rejoindre. Seulement, dans l'avion, elle est assise à côté d'une femme, de son âge, qui lui rappelle quelqu'un et pas forcément de bons souvenirs. Ce pourrait être humoristique si ce n'était émouvant.
Des plats principaux roboratifs, mais on en redemande en tendant son assiette.
Enfin, en guise de dessert léger et salé-sucré, Qui veut la vie de
Romain Puértolas ? de
Romain Puértolas justement. Tout comme dans la nouvelle de Philippe Jaenada, cela sent le vécu. Une expérience qui n'est pas à renouveler, et qui montre que le respect vaut en toutes choses. Traité sur un mode humoristique, ironique et par la dérision, cette histoire est une morale en elle-même à découvrir sans aucun complexe. Une morale qui pourrait être déclinée ainsi : Allez-vous rhabiller !
Et voilà. C'est un peu court, je sais, vous auriez aimé que je développe un peu plus ou mieux certaines de ces nouvelles, mais vous ne resterez pas sur votre faim en les lisant vous-même.
Un heureux mariage des nourritures terrestres et des nourritures spirituelles !
Carte des plats :
BESSON Philippe : La fin de l'été
BOURDIN Françoise : La croisière ne s'amuse pas
BUSSI Michel : Dorothée
DIEUDONNE Adeline : Chelly
EPENOUX d' François : Voyage en novlangue
GIACOMETTI & RAVENNE : le regard de Méduse
GIEBEL Karine : Les hommes du soir
JAENADA Philippe : Un BriBri à 300 kilomètres/heure
KHADRA Yasmina : le beignet
LAPIERRE Alexandra : le voyage de ma vie
MARTIN-LUGAND Agnès : Un voyage dans le temps
MATHIEU Nicolas : Une parfaite soirée
OVALDE Véronique : N'en déplaise aux modernes
PASCAL Camille : le dernier voyage de l'impératrice
PUERTOLAS Romain : Qui veut la vie de
Romain Puertolas ?
SLIMANI Leïla : Je t'emmène
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