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Critique de HordeDuContrevent


Ressac, en quelques mots, c'est un texte poétique à la fraicheur d'eau de rose sur du coton, une petite chaleur mauve qui parfois se fait ardente et féline. Un texte d'une féminité élégante et délicate. Un parfum, telle une infusion d'iris. Ou un endroit, celui du petit creux tendre sous les clavicules. Un trésor de peu de choses.

Cette première incursion en littérature générale de Maureen Wingrove, alias Diglee, est une réussite. Charmée par cette quête de repères, de « re-père » alors que son père de coeur, en vieillissant, devient tout autre depuis quelques mois, devient très angoissant car atteint de bipolarité. Une quête de re-père près de la mer. Une aventure solitaire sertie d'une écriture couleur violette, sépia, ciselée, poétique. Un régal !

Se couper des réseaux sociaux, sortir de cette spirale infernale qui consiste à rendre compte quotidiennement de ses faits et gestes au monde entier, respirer, vivre pour soi, rentrer en soi, réapprendre à s'ennuyer, à laisser la place en soi pour du rien, accepter d'affronter l'angoisse plutôt que de l'ensevelir. S'ancrer. Retrouver énergie et créativité. Ecrire et lire. « En échappant au lieu, j'échappe au temps et je me raccroche à la poésie ». Noble et délicate décision pour cette lyonnaise dont le métier sous les feux des projecteurs (dessinatrice et autrice de bandes dessinées bien connue) nécessite constamment de rendre compte, d'utiliser les réseaux, d'être connectée. Diglee décide ainsi de s'isoler plusieurs jours dans une Abbaye, celle de Rhuys dans le Morbihan, avec accès direct sur le chemin côtier.

Cette fuite somme toute bien gentille d'une citadine qui a tout, connue et reconnue, gâtée (c'est elle qui le dit), juste pendant quelques jours, donnant lieu ensuite à un livre du fait de la soi-disant guérison engendrée, pourrait faire sourire, pourrait nous laisser penser à une forme de grandiloquence…et pourtant…

Pourtant « Ressac », c'est une magnifique ode à la lenteur, aux bonheurs simples, aux journées seulement rythmées par les heures fixes des repas et le bruit de l'océan. le ressac des heures qu'on laisse s'égrener, le ressac des pensées qu'on laisse advenir puis repartir. Tels des nuages. Un hymne à la solitude, à l'immobilité choisie et sans compromis.
« L'énergie que je tente d'absorber, laiteuse et neptunienne, je ne la trouve que dans la solitude. C'est une force androgyne, tentaculaire et vrombissante, qui ondule et qui noie, c'est le royaume des sirènes et des abysses ».

« Ressac » c'est l'amour passionné de la littérature. Anaïs Nin notamment y est sublimement vénérée : « Je surligne, j'avale, je redessine ma charpente sous la poésie ninesque. Sa prose sent l'encens et les roses gorgées de soleil, elle fait le bruit de l'Espagne brûlée et des émois amoureux, elle a le gout d'une peau ambrée qui vient de jouir et l'odeur du papier bible, ce même mélange de sacrilège et de sublime. En cet instant, rien ne compte d'autre que ça : la littérature ».
L'amour de l'écriture dans de petits carnets, et de la peinture, aquarelles avec lesquelles Maureen Wingrove excelle et qui lui valut, de la part de son beau-père, le surnom de Diglee, clin d'oeil à Modigliani.
Lecture, écriture, peinture, l'essentiel pour vivre. Pour survivre.

« Ressac » c'est une ode à la féminité, aux figures maternelles familiales et leur héritage, au tissage multigénérationnel dont nous sommes l'étoffe, parfois étouffée. Un texte féminin et féministe. C'est aussi une très belle et émouvante allusion à l'amour d'une femme pour une autre femme, Héloïse, la muse de Diglee.

« Ressac » enfin c'est le projecteur braqué sur la Bretagne, celle du Morbihan, en plein hiver, sur l'océan purificateur : « Il me faut suivre l'étroit couloir formé par les branches d'imposants cyprès noirs : traverser l'ombre pour atteindre la lumière. J'obéis religieusement, et débouche enfin sur le paisible tableau de la grande prairie. En arrière-plan, la mer. Son ressac, comme un crissement de taffetas, agressif et apaisant à la fois ».
Des paysages de plages nues, déchiquetées par les roches noires, adoucis par les grappes jaunes et duveteuses des mimosas, le mauve des bruyères, les ajoncs dorés, et le rouge carmin des camélias, pour sertir les errances et les pensées vagabondes, des paysages de prairies vertes constellées de maisons blanches aux volets bleus.

Une lecture qui m'a apaisée et m'a bercée. Une lecture remplie de magie, de liens, de coïncidences, de quelques brins d'ésotérisme. Un livre que j'aimerais avoir toujours à portée de main, pour de temps à autres, relire les si nombreux passages soulignés. Multiples pages cornées et nombreux passages soulignées : signes chez moi d'un livre aimé !

« Il fait froid dehors et je serre mon livre contre moi comme un trésor. L'envie d'une tasse de thé se fait sentir. Classique synergie du livre qui appelle la boisson chaude ».


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