Je dois l'annoncer d'emblée; la seule chose qui m'a véritablement attiré dans cet ouvrage, c'est le titre et le sous-titre: « L'éducation nationale, une machine à broyer. Comment sauver nos enfants ? ». J'ai cru qu'il s'agissait d'une défense des élèves passés au broyeur du corps professoral. Mais, en compulsant l'ouvrage, car j'ai l'habitude, comme beaucoup, de parcourir un livre avant de l'acheter ou de l'emprunter, il n'en est rien.
Hormis la citation de Marguerite Duras sur l'écriture que je partage, je lis le plan et les remerciements, et là je tombe sur Jean-Paul Brighelli; on le retrouvera d'ailleurs à la page 185, car de toute évidence le témoignage d'Isabelle Dignocourt constitue une opportunité en or pour un réactionnaire qui a fait la promotion du programme du FN pendant la dernière élection présidentielle. A dire vrai, je ne m'en étonne pas et je m'attends donc à lire un ouvrage naviguant dans les mêmes eaux. Eh oui, j'ai lu ce livre avec des préjugés qui se sont en partie confirmés.
Combien sont-ils ces enseignants à critiquer un système qui en réalité les protège plus qu'il ne les broie. Je concède à l'auteure les cas d'enseignants maltraités par l'Institution. Elle relève un seul cas qu'elle cite très généreusement. Mais, Isabelle Dignocourt qui enseigne les lettres classiques ne fait pas partie de cette catégorie d'enseignants. Elle a une véritable passion pour sa discipline (d'après ce qu'elle écrit) et elle tient à la transmettre aux élèves (qui témoignent eux-mêmes dans le livre pour dire à quel point leur enseignante est formidable et compétente).
Dans son témoignage, elle consacre tout un chapitre, le plus long, peut-être un peu trop d'ailleurs, aux réformes qui se sont succédés pendant ses 25 ans de carrière. Elle a vu passer 13 ministres. Elle déverse, trop facilement à mon goût, sa colère et son mépris à l'encontre des derniers ministres de l'Education nationale, notamment Benoît Hamon et Najate Vallaud-Belkacem. Elle se déchaine contre les experts et conseillers de la rue de Grenelle et voue aux gémonies les théoriciens et les praticiens du constructivisme et du pédagogisme (comme Meirieu). Là, nous sommes à la limite du complotisme. Elle s'attaque enfin à l'ancien président du conseil supérieur des programmes, le géographe Michel Lussault. A ce propos, elle ne fut pas aussi critique et virulente face à lui lors de l'émission de France culture du 26 octobre 2017; « L'Ecole manque-t-elle de pragmatisme ? » lorsqu'elle dut l'affronter. le courage avait soudainement disparu, les certitudes envolées et les généralisations tellement excessives qu'elles ont rendu peu crédibles les arguments de l'enseignante. Empêtrée dans ses contradictions dévoilées au moment de l'émission, Madame Dignocourt est en fin de compte tombée dans le piège qu'elle a tenté péniblement et maladroitement de dénoncer dans son livre : sortir d'une approche idéologique de l'instruction et de l'Ecole. Or, elle a choisi de prendre un chemin qui risque de l'amener sur des terrains davantage ensemencés par la préférence nationale et la méritocratie que par l'égalité des chances. Peut-être serait-elle bien inspirée de garder un peu de l'optimisme de Michel Lussault et de croire qu' « une école démocratique et de qualité est possible. »
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Ma relation avec le monde de l'éducation ressemble effectivement à une histoire d'amour, mais plutôt du genre "Je t'aime, moi non plus". Parce que, contrairement à quelques idées notablement reçues, voyez-vous, les professeurs ne sont pas seulement de bons élèves qui aimaient tellement l'école qu'ils ne se sont jamais résolus à la quitter, et je fais partie de ceux qui ne l'ont pas toujours aimée, voire qui l'ont, parfois, cordialement détestée. Et aujourd'hui plus que jamais.
Il existe aussi une race de professeurs qui n'ont pas eu une scolarité idyllique, qui n'ont pas tout aimé de l'école, qui s'y sont ennuyés, qui y ont fait des bêtises, qui n'ont pas été des élèves particulièrement brillants et même, révélation ultime, qui ont détesté certains de leurs professeurs !
L'Education nationale broie les gens, les élèves, ma famille. Elle me broie moi qui aimais mon métier, ce défi quotidien d'enseigner mais que lui importe ... Show must go on... (témoignage d'une enseignante)
Si mes élèves sont toujours mes amours, mon métier n'est plus qu'emmerdes.
Il n'y a pas que le Dieu Socle qui fait enfin son apparition dans la loi, il y a aussi ce fameux gros mot qui va grossir, grossir, grossir, sa divinité associée: la COMpétence.