De Paris aux ports de mer où ils étaient affectés, les forçats allaient à pied, la chaîne au cou, pesant pour chacun cent-cinquante livres, et n'ayant pour toute nourriture qu'une livre et demie de pain par jour et de l'eau souvent croupie comme boisson. Ils étaient encadrés d'archers munis, en dehors de leurs armes, de nerfs de bœuf et de bâtons.
Ces gardes, avant le départ, avaient pour habitude de dépouiller les prisonniers, de les mettre nus entièrement, quelle que fût la saison, et de les tenir ainsi une heure ou deux pendant lesquelles ils fouillaient à fond leurs vêtements, empochant tout ce qu'ils y trouvaient. Ensuite, on leur rendait ces hardes lacérées, durcies en hiver par le froid, et hop ! Au pas, mes drilles ! Ceux qui ne pouvaient marcher, ou suivre assez vite étaient bourrés de mousquetons. Il y avait bien des chariots pour les éclopés, les malades, mais ceux-ci préféraient se taire, parce que, sans cela, ils recevaient aussitôt une double ration de coups qui leur étaient donnés à cette fin de bien s'assurer qu'ils disaient vrai, et ne simulaient pas les impotents, pour se faire voiturer...
(extrait de "Aux galères" de H.Lavedan de l'académie française)