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Isabelle Taudière (Traducteur)
EAN : 9782707154521
308 pages
La Découverte (10/04/2008)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Les années Condor raconte l'histoire secrète des "sales guerres" conduites par les dictatures latino-américaines alliées des Etats-Unis, au cours des années 1970 et 1980. Pendant plus de dix ans, six gouvernements ont mené de concert des actions clandestines contre leurs opposants, enlevant et assassinant plus de 30 000 personnes. A l'initiative du président chilien Augusto Pinochet, et avec le soutien de la CIA, ils ont mis sur pied une organisation terroriste inte... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voilà une superbe enquête sur l'opération Condor, menée par la dictature chilienne de Pinochet de façon conjointe avec l'Argentine, l'Uruguay, le Paraguay, la Bolivie et le Brésil également aux mains de dictateurs durant les années 70. L'objectif de Condor fut de combattre et de détruire les mouvements d'opposition aux dictatures, qu'ils soient révolutionnaires ou démocratiques. Condor est responsable de milliers d'incarcération et d'interrogatoires menés sous la torture et suivis d'exécutions sans jugement ou de disparitions et même d'assassinats perpétrés à l'étranger. L'auteur, américain, insiste sur la complicité de l'administration des États-Unis, de la CIA et d'Henry Kissinger (par ailleurs prix Nobel de la paix, comprenne qui pourra...).
Cette enquête est puisée aux meilleures sources : témoins encore vivants et documents secrets déclassifiés. A lire absolument par ceux que cette époque terrible intéresse.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
En 1970, Kissinger, alors conseiller à la sécurité nationale, présidait le « comité des quarante ». ce groupe de hauts fonctionnaires avait été créé pour étudier et approuver des actions clandestines visant à inverser les résultats des élections démocratiques chiliennes, puis à organiser un coup d’État militaire pour empêcher l'investiture du socialiste Salvador Allende à la tête du pays. La CIA ne rendait compte de ses actions les plus secrètes qu'à Kissinger et à la Maison blanche – tellement secrètes d'ailleurs, que ni les autres membres du comité des quarante ni même l'ambassadeur
américain n'étaient au courant. La centrale du renseignement devait notamment fournir des « sulfateuses » (des pistolets-mitrailleurs) à deux groupes subversifs pour enlever le général René Schneider, chef des forces armées chiliennes, ultime rempart contre un coup d’État destiné à empêcher Salvador Allende, élu président de la République le 4 septembre 1970, de prendre ses fonctions.
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Les organisations révolutionnaires clandestines avaient un terrible secret qu'elles n'abordaient que rarement : la torture, appliquée méthodiquement et systématiquement par la DINA et les autres forces de sécurité, réduisait la plupart des êtres humains à l'état de pantins désarticulés, effondrés et totalement soumis à leurs interrogateurs. Il ne pouvait y avoir pire humiliation. Menottées à un cadre de lit métallique, nues et écartelées, électrocutées sur les parties les plus intimes et les plus sensibles du corps, les victimes perdaient tout contrôle physique. Leurs sphincters se relâchaient, leurs muscles se tétanisaient. Le corps tout entier tremblait et se tordait dans de violents accès de convulsions. Aux séances classiques les tortionnaires ajoutaient les pendaisons, submersions, asphyxies, passages à tabac, viols et simulacres d’exécutions. Certains détenus furent écrasés par des camions. C'était l'horreur portée à son comble, où aux odeurs se mêlaient la transpiration, les hurlements, le bruit sinistre des os qui craquaient et les relents de toutes sortes d'effluves organiques.
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A la fin 1975, l'Argentine connaissait le pire scénario qu'elle eut pu envisager : une guérilla très active dans les montagnes dans la province de Tucuman, des actions isolées mais incontrôlées de l'ERP et des Montoneros dans tout le pays, et - du coté du gouvernement péroniste - la campagne inefficace mais meurtrière des escadrons de la mort, ciblant des personnalités publiques associées à la gauche. Certains journaux appelaient ouvertement l'armée à reprendre en main le pouvoir et à rétablir l'ordre.
Le coup d'état militaire attendrait encore six mois mais, début octobre - à la suite d'une attaque des Montoneros sur une base militaire de la province de Formosa -, le gouvernement céda devant l'armée et l'autorisa à prendre en charge la lutte anti subversive dans tout le pays. Le décret 2270 donnait à l'armée des pouvoirs pratiquement illimités et, avec le recul, ses dispositions draconiennes peuvent être vues comme une invitation aux massacres qui allaient suivre. Le décret donnait en effet aux forces armées le pouvoir "d’exécuter toutes opérations militaires et sécuritaires jugées nécessaire pour éliminer l'action des éléments subversifs sur l'ensemble du territoire national".
Et au cas où il subsisterait le moindre doute sur ce nouveau mandat, quelques semaines plus tard, le général Jorge Videla, commandant en chef des forces armées, précisa dans une déclaration prononcée devant des dirigeants militaires latinos-américains rassemblés à Montevideo : "Si besoin est nous sommes prêts à faire mourir autant de gens que nécessaire en Argentine pour rétablir la paix dans le pays."
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La grande originalité de Condor, très clairement décrite dans les documents fondateurs - et sur laquelle Contreras [Chef de la DINA, service de renseignement chilien pendant la dictature militaire] insistera plus tard dans plusieurs interviews - , tenait à l'établissement d'une base de données centralisée à laquelle tous les pays membres enverraient leurs renseignements. Cette base de donnée serait installée au siège chilien de l'organisation, le centre de coordination, désigné sous le nom de "Condor Un". Elle regrouperait les renseignements les plus précieux des états membres, voire d'autres pays non membres, sur " les individus [...] les organisations et les autres activités, directement ou indirectement liés à la subversion ". Contreras avait à l'esprit le modèle des échanges internationaux d'informations de police institués par Interpol, à cette différence près qu'il n'avait aucune intention de s’encombrer des mesures de contrôle judiciaire, telles les mises en accusations, mandats d'arrêt ou demandes d'extradition.
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Avec l'élection d'Allende, le 4 septembre, la démocratie avait porté au pouvoir un marxiste qui avait entrepris de mettre en œuvre « la voie chilienne vers le socialisme », selon des modalités inédites et pacifiques. C'était là une situation totalement inacceptable pour Washington. Sous l'impulsion d'Henry Kissinger […] les États-Unis firent très clairement comprendre aux forces de la droite la plus extrême que la démocratie pouvait être sacrifiée au nom de la guerre idéologique. Les tactiques opérationnelles criminelles, dont les assassinats, étaient non seulement acceptables mais soutenues par des armes et de l'argent.
[...]
Lorsqu'en 1973 le général Pinochet remplit enfin l'objectif politique de Washington en renversant Allende, Kissinger et la CIA redoublèrent de zèle pour donner au dictateur tous les moyens de réussir. Devenu secrétaire d’état en septembre 1973, Kissinger fit comprendre à ses troupes que la défense des droits de l'homme n'était qu'une priorité très secondaire, et découragea l'ambassade de Santiago d'envoyer des rapports sur les exactions de Pinochet. Lorsque le nouvel ambassadeur à Santiago, David Popper, signala à Washington qu'il avait abordé la question des droits de l'homme dans une réunion au plus haut niveau, Kissinger griffonna sur le câble : « Dites à Popper d’arrêter ses discours de sciences politiques.»
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