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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans un petit village sur une île sénégalaise, tout le monde rêve de meilleurs jours ou plus simplement d'un avenir. L'Eldorado est l'Europe, devenue l'objectif de beaucoup de jeunes hommes prêts, au risque de leur vie, de tenter l'aventure. C'est l'histoire de 4 femmes, mères et épouses, qui espèrent le retour du fils, du mari, accompagné par la réussite sociale et financière que peut lui apporter l'émigration. Emigration car nous sommes dans le sens Afrique/Europe.

Difficile de commencer une critique face à ce riche ouvrage, tant il génère des émotions.

Le style : très fluide, riche, tour à tour revendicateur et poétique. L'auteure nous livre une magnifique écriture. Elle nous plonge au cœur de l'Afrique, avec ses couleurs, ses traditions.

Les personnages : nous partageons surtout la vie d'Arame, mal mariée, à qui l'océan à déjà prit un fils. Elle tente par tous ses pauvres moyens de nourrir les petits-enfants qu'il lui a laissé. Son deuxième fils est sans ressource, c'est pourquoi il ambitionne de rejoindre l'Europe, en espérant améliorer le quotidien de sa famille.
Ensuite, la meilleure amie d'Arame, Bougna. Bougna est une coépouse. Entre elle et la première épouse de son mari, c'est une compétition acharnée. Tout semble réussir à la progéniture de la première épouse alors Bougna pousse son fils à quitter le continent africain. Elle suggère aussi à Arame de faire la même chose avec son fils Lamine.
Et puis, il y a les deux belles-filles. Toutes, leur fils ou leur mari partis, attendent, espèrent.
Et puis, il y a le village, avec ses non-dits, ses secrets de famille, sa solidarité, ses petites jalousies et aussi ses mesquineries.
Les personnages sont merveilleusement décrits. Lecteur, on partage leur vie, leurs angoisses, leurs pensées les plus intimes. Tout doucement, dans l'attente, avec ces femmes, nous partageons leur difficile quotidien, leur condition de femmes soumises, asservies. L'Afrique vécue de l'intérieur, loin des clichés véhiculés par les touristes qui envahissent les plus belles plages du Sénégal. Cette Afrique que je retrouve au fil des pages, celle que je connais un peu pour régulièrement m'y rendre pour des missions de courtes durées de coopération. Celle où les petits villages sont des chaudrons de misère, sans ressource ou presque, sans eau courante, parfois sans électricité. J'ai aimé revire ces expériences grâce à ce livre.

Et puis le fond : riche et profond, parfois politique, parfois féministe, toujours émouvant. Il nous apporte un regard venant du côté de l'émigration. Pas celui que nous, Européens avons, pas celui de cette Europe qui dresse des barbelés à ses frontières pour se protéger des migrants. Pas de cette Europe égoïste, celle qui veut bien accueillir des immigrés si elle peut les trier, les sélectionner pour le profit de son économie. Ce livre crie l'injustice. Celle de la pauvreté, celle de l'inégalité. Et puis, il y a l'espoir. Celui qui n'abandonne jamais ces femmes qui attendent. Celui qui leur donne la force de continuer. Celui qui crée l'espérance et parfois, malgré l'angoisse, offre un peu de répit et de gaité à ces femmes courageuses.

Je pense que ma critique ne peut être que superficielle devant la richesse de ce livre. Fini, il me laisse de profondes réflexions, des émotions fortes. Je ne peux, pour bien finir, que vous inviter à le lire et à vous forger votre propre opinion.

Une dernière citation, qui claque comme la morale de ce livre : "Ceux qui nous font languir nous assassinent. "

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"Celles qui attendent" ce sont la mère et la femme d'Issa et de Lamine, ces jeunes aventuriers au rêve d'immigration vers l'Europe pour les faire vivre mieux.

Ce roman nous narre avec sensibilité la vie dans un petit village du Sénégal où l'aspiration au grand départ est omniprésente chez les jeunes. Des pensées humanistes ponctuent l'histoire : "Il n'est pas vrai que les enfants ont besoin de leurs père et mère pour grandir. Ils ont seulement besoin de celui qui est là, de son amour plein et entier"; elle est également émaillée de réflexions bien senties d'ordre politique à propos de l'alphabétisation : "Alphabétiser les filles, surtout en zone rurale, serait leur ouvrir, dans le mur des archaïsmes traditionnels, une brèche salutaire", à propos de l'immigration : "Alors quand on entend "immigration choisie", "on peut se demander : qui choisit qui, comment et pour quoi faire ?" ou encore à propos de l'aide humanitaire (voir citation).

Le style est très imagé et coloré de proverbes africains : "Ne choisit pas ton épouse un jour de fête dit l'adage, tu pourrais ne pas la reconnaître après", "Une calebasse de mil n'empêche pas le bélier de sortir de son enclos mais elle peut lui donner envie d'y revenir", "Pour garder un homme, il faut le tenir doublement par le ventre".

Ce récit est doté d'une belle écriture, avec une profondeur mais aussi des rebondissements qui romancent la vie des personnages dans un univers pourtant réaliste.
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" Celles qui attendent" est un roman de l' écrivaine sénégalaise Fatou Diomé . Cette écrivaine s' est établie depuis 1994 , en France .
En lisant ce livre , on ressent tout le drame de ces gens , jeunes et vieux qui quittent ou plutôt fuient leur pays pour un ailleurs qu' ils pensent meilleur .
Restent au pays les femmes , épouses , mères et enfants .Ces dernières pensent que lorsque les maris ou les fils retourneront au pays , ils vont débarquer avec une fortune et les biens qui leurs manquent .Les femmes qui restent font face à d' énormes responsabilités .Elles doivent s' occuper des enfants et des vieux . Souvent l' épouse n' est pas seule et elle doit co-habiter avec la deuxième épouse car la polygamie est permise .Ces familles vivent dans la précarité et sont démunies financièrement .Ces femmes ont des rêves et ne veulent pas vivre frustrées .
Il faut penser à ces femmes et se dire comment elles vont gérer tous les problèmes de la vie quotidienne ?
Plusieurs thèmes sont abordés : la pauvreté ,l'immigration ,la polygamie , l' analphabétisme , la précarité dans toutes ses formes .
Fatou Diomé a écrit ce roman avec ses tripes tellement il est fort ,puissant, dense et juste .Ce roman nous laisse deviner ce que sont les problèmes non seulement du seul Sénégal mais de toute l' Afrique . Et le responsable
de tout ce désastre : le colonialisme et le néo-colonialisme


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Il existe des textes comme cela où vous vous demandez si l'auteur va tenir le rythme, la cadence, la qualité qu'il a distillé au début de son roman. Si la pertinence de son analyse, l'exploration profonde de l'âme humaine à laquelle il s'est engagé ne va pas être remise par un scénario incohérent. Alors vous continuez votre lecture, de surprise en surprise, pris par le style relevé, la langue célébrée, dans un univers qui vous échappe complètement même quand vous pensez en connaître un bout.


C'est dans cet huis clos passionnant dans sa forme, douloureux sur le fond que je me suis enfermé avec Fatou Diome. Dans ce long roman où la voix, non les voix de celles qui attendent quelque part en Afrique un homme, un mari, un fils parti à l'aventure pour l'Europe s'exprime. Ici, ce sont des jeunes sénégalais d'une île sérère qui bravent l'Atlantique pour rejoindre l'Espagne, pour sombrer ensuite dans la clandestinité...

Fatou Diome pose deux personnages centraux. Deux femmes. Bougna et Arame. Elles sont amies, avec des tempéraments différents et elles évoluent dans des contextes matrimoniaux très spécifiques. Bougna est une co-épouse dans un foyer polygame où elle tente de s'imposer par tous les moyens. Inconsciemment, elle n'a sûrement jamais intégrée les valeurs de partage de ce système. Elle est égoïste, centrée sur ses propres hantises, concernée par son désir d'être reconnue face à une première épouse peu disserte mais dont la réussite de la progéniture par pour elle et renforce jalousie et rancoeur dans l'âme de Bougna.


Arame, elle, a été mariée de force un rescapé des guerres coloniales, grognon, irascible, stérile. Cet homme ne déverse que bile amer et insultes sur son entourage, enfermé dans l'enfer de sa déchéance physique et de secrets enfouis. le fils aîné d'Arame est mort en haute mer dans le cadre de la pêche. Et son fils cadet, Lamine, le seul qui lui reste, est au chômage sans aucune perspective d'avenir.


Alors que chaque jour est un challenge pour nourrir la ribambelle de gamins aimants que sont ses petites-filles et petits-fils ainsi que son mari grabataire, sa comparse animée par des intentions retorses, lui propose un deal délicat en lui vantant les possibilités d'une réussite possible pour leurs garçons par le biais d'une traversée vers l'Espagne...


Ce qu'il advient de nos clandestins, on ne le sait que très tard dans le déroulé du roman. C'est l'attente de ces femmes, de ces mères qui ont réussi à marier leurs fistons. C'est aussi l'attente de ces épouses modelées dans ce système qui vivent l'absence mythique de cet homme émigré sensé faire fortune et apporter espoir à sa famille. Sauf que les chimères ne se concrétisent pas, les appels se font rares et les mandats sporadiques...

De toutes ces attentes, qui diffèrent pour chacune de ses femmes, celle de Coumba épouse de Issa, le fils de Bougna est la plus pathétique. Épouse aimante et fidèle, mère dévouée, sa voix est celle qui porte le mieux la détresse de ces femmes car elle est la seule dont la démarche est complètement désintéressée. La charge de son discours est l'une des plus belles réussites de ce roman. C'est aussi le personnage sur lequel s'acharne le destin avec une cruelle efficacité. Enfin le destin, suivez mon regard...

"Les coups de fil s'étaient largement espacés. Les femmes accusèrent le coup. Mais on finit toujours par s'inventer une manière de faire face à l'absence. Au début, on compte les jours puis les semaines, enfin les mois. Advient inévitablement le moment où l'on se résout à admettre que le décompte se fera en années; alors on commence à ne plus compter du tout. Si l'oubli ne guérit pas la plaie, il permet au moins de ne pas la gratter en permanence. N'en déplaise aux voyageurs, ceux qui restent sont obligés de les tuer, symboliquement, pour survivre à l'abandon. Partir c'est mourir au présent de ceux qui demeurent."
Page 195, éditions Flammarion

Par ce roman, je découvre un texte magnifique de Fatou Diome. Un propos critique mais complet sur une petite communauté sénégalaise, sur les rapports complexes entre le nord et le sud, l'illusion de l'eldorado européen, sur la vanité du paraître, sur l'amour, sur les femmes, sur l'attente de celles qu'on ne voit pas, le tout porté par une très belle plume. Celle de Fatou Diome.

"Ceux qui nous oublient nous assassinent"
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Celles qui attendent :
Des mères qui poussent leurs fils sur le chemin risqué de l'exil, dans l'espoir d'obtenir des revenus substantiels et réguliers ; des femmes qui par amour épousent des hommes en partance ou déjà absents, en imaginant du prestige en retour ; des enfants encore tout petits et si innocents qui rêvent de jouets introuvables sur les étals du coin.

Comme c'est chic d'avoir son fils, son mari ou son père en Europe. Vous êtes regardés autrement dans les rues sénégalaises ; vous suscitez la respectabilité ; vous incarnez l'espérance… Une chimère !
Combien de destins sacrifiés ? Combien d'épouses esseulées, contraintes de veiller sur leurs belles-familles ? Que deviennent ces enfants qui grandissent sans père et pour qui "exilé" résonne comme un métier à part entière ? Ainsi, on attend de partir car il n'y a rien de mieux ?

Fatou Diome nous dépeint un miroir aux alouettes et casse le mythe de l'immigré parti libre et revenant avec des millions. La parole est judicieusement donnée à celles qui restent, celles qui vivent cette désillusion.
Juste, sensible, réaliste.
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L'immigration d'un point de vue original, voilà ce que nous offre ce roman. Il évoque les femmes dont on ne parle jamais, celles qui restent au pays et attendent un fils, un compagnon parti chercher fortune ailleurs.
Arame et Bougna, toutes deux voisines et amies, vivent sur une île sénégalaise et ont un fils qui a plié bagage pour l'Europe. Malgré l'inquiétude tenace, malgré la misère et les difficultés du quotidien et grâce à l'espoir toujours permis, elles survivent avec fatalité et optimisme, « parce qu'elles savent tout de l'attente ».
Fatou Diome traite un sujet dur avec chaleur et féminité. Ce texte est un petit bijou tant pour l'histoire menée avec beaucoup de sensibilité que pour l'écriture, lumineuse et limpide. A lire sans plus attendre.
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Un migrant sur deux est une femme. Voilà pour les statistiques. Dans ce roman, ce sont les jeunes gens qui quittent leur île sénégalaise pour se rendre en Espagne en pirogue. Les chalutiers européens pillent les ressources halieutiques, la faim est présente, les mères et grands-mères rivalisent d'ingéniosité pour nourrir les ventres affamés.
Les fils partent. Restent les mères, les épouses et les enfants. Ces femmes portent leur famille à bout de bras, les hommes ne servent pas à grand-chose dans ce roman si ce n'est à opprimer Celles qui restent.
Aramé, la grand-mère, mal mariée, s'occupe d'un époux grabataire qu'elle hait et des enfants de son fils aîné, décédé, abandonnés par leurs mères. Bourna, coincée dans un mariage polygame, rêve de prendre sa revanche sur la première épouse et envoie son fils en Europe, après l'avoir marié à une fille du village qui fera alors ses corvées à sa place. Coumba, jeune épouse abandonnée attend, subit l'absence de son époux tout en servant de bonne à tout faire à sa belle-famille. Enfin, Daba, contrainte de casser ses fiançailles par sa famille, épouse un homme déjà parti.
A travers ces quatre personnages, Fatou Diome fait un portrait sans fard de la société sénégalaise, de la place des femmes, des solidarités et des dettes qui s'y contractent non sans égratigner au passage l'Europe et son attitude envers l'Afrique : "Les pays européens ont [...] intérêt à maintenir l'Afrique tout juste en état de fonctionnement, assez pour rendre disponibles ses matières premières et ses jeunes forcenés de l'immigration, si nécessaires à la survie d'un continent vieillissant à la démographie moribonde."
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Celles qui attendent de Fatou Diome est assurément une de mes plus belles lectures de ces derniers temps. Un roman intemporel.

L'action se déroule sur une petite île de pêcheurs de la région du Sine-Saloum au sud-ouest du Sénégal. Sous le soleil et la chaleur, la vie ici n'est pas prospère : la pêche n'est pas assez rentable et l'élevage, comme le commerce, peu développés. Pour conjurer la pauvreté, les jeunes sont obligés de partir travailler pour la capitale Dakar ou, pour beaucoup d'entre eux, de gagner l'Europe via l'Espagne sur des embarcations de fortune, très souvent au péril de leur vie.

Celles qui attendent, c'est l'histoire d'Arame et Bougna, deux amies d'enfance, mères et grand-mère (pour Arame), qui fondent tous leurs espoirs d'une vie meilleure dans leur fils Lamine et Issa. Elles décident de les convaincre et d'organiser, non sans difficultés financières, leur départ vers l'Europe. Entreprise mêlée d'espoirs, de doutes et de peurs. C'est aussi le récit de la vie de Coumba et Daba, jeunes femmes et épouses des deux jeunes hommes promis au voyage, amoureuses et fragiles.

Fatou Diome fait au travers de ses personnages le récit saisissant du destin d'une communauté villageoise sénégalaise, en proie aux difficultés de la subsistance et à ses minces perspectives d'avenir. Avec une belle acuité et maîtrise, l'auteure aborde avec justesse les thèmes de l'immigration clandestine, de ses motivations et de ses risques, des promesses de l'Europe et de ses frontières fermées mais aussi du statut de la femme, de la famille en Afrique, du mariage, de la société patriarcale et polygame, du poids de la religion (islam et christianisme), de la communauté (ici les Sérères).
Le portrait aussi plus personnel, touchant de femmes (Celles qui attendent), celui de mères, d'épouses courageuses, qui agissent, doutent parfois mais ne cessent jamais d'espérer et surtout d'aimer.

Je conseille très vivement la lecture de ce livre édifiant, qui défait les préjugés et les idées fausses sur l'Afrique et sur les immigrés clandestins, qui donne à voir, à comprendre plus qu'à juger.

Pétri d'humanisme, de lucidité et de sincérité, Celles qui attendent est vraiment un très beau roman.
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Ce livre parle de l'émigration d'Afrique, mais il n'est pas comme les autres. Pas de pathos, pas de récit extraordinaire sur les dangers qui guettent les frêles embarcations qui franchissent la Méditerranée, pas de plaidoyer contre le racisme,...
Le sujet n'est pourtant pas si original, mais il est écrit de manière tellement juste et d'un point de vue qu'on a pas l'habitude de voir: les femmes qui attendent, qu'elles soient mères, amoureuses, épouses. Et en toile de fond, la vie quotidienne en Afrique noire, les mariages, les privations, les désirs.
Lamine et Issa sont deux amis d'enfance, des voisins dont les mères sont amies également. Ils vivent sur une petite île au large de Dakar. Et le lecteur est plongé dans ce Sénégal que j'ai la chance de connaître un peu; on y retrouve des rites, des rêves qui sont encore les mêmes. Les mères des jeunes hommes se sont mis en tête de les envoyer en Europe, et ils partent une nuit sans crier gare. Alors commence l'attente interminable de ces deux femmes, qui restent de longues semaines sans avoir de nouvelles, et qui organisent leur vie autour de ces absences. Coumba, l'épouse amoureuse, se languit de son Issa pendant que Daba, épouse sans mari, doit lutter contre les commérages des voisins quand elle tombe enceinte alors que son mari est à l'autre bout du monde.
Et soudain, Arame, la mère de Lamine, sans rien renier de sa culture, se rend compte qu'elle a subi un chemin qu'elle ne voulait pas, et qu'elle l'impose à Daba.

Ce récit est très touchant, et surtout il est divinement bien écrit. Quelle belle plume que celle de Fatou Diome!! Je ne connaissais pas cette autrice, j'ai emprunté ce livre par hasard dans ma bibliothèque, mais quel beau hasard. Je regarderai s'il y a d'autres ouvrages d'elle, car elle a un style qui m'a beaucoup touchée. Il y a dans ses mots, dans ses descriptions, tellement de poésie et de justesse.
Je crois que je garderai bien longtemps le souvenir de ce roman justement à cause non seulement de l'histoire, mais aussi de la forme. Bravo Mme Diome, vraiment.
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Magnifique ouvrage que « Celles qui attendent » de Fatou Diomé ! Tout d'abord une évocation juste et lucide de cette émigration clandestine de l'Afrique vers l'Europe. Émigration… puisqu'ici l'histoire est vue du côté des partants depuis une île du Sénégal.
Problème de migration donc qui rejoint une réflexion plus vaste sur les rapports toujours équivoques entre l'Europe et l'Afrique, entre pays nantis et pays en recherche de développement.
On suit avec intérêt, voire empathie, l'existence difficile de ces quatre femmes attachantes qui s'étiolent à attendre le retour d'un fils, d'un mari, embarqué sur une pirogue de fortune pour le mirage européen. Et, au fil de leurs journées bien remplies, on découvre la subtilité des chemins de survie de ces mères sur qui repose – quelle que soit leur situation matrimoniale – le souci de subvenir aux besoins de leur maisonnée.
On découvre aussi au fil des pages d'un récit concis et bien construit, les secrets de ces vies apparemment lisses et socialement codifiées à l'extrême. On pleure, on espère avec ces femmes-courage qui jamais ne baissent les bras.
D'une écriture limpide, Fatou Diomé nous décrit la complexité des sentiments qui animent ces épouses dans leur lutte éperdue pour capter l'amour de l'époux, amour qu'il leur faut cependant partager… polygamie oblige.
Mais l'auteure ne se contente pas de nous entraîner dans les péripéties tendres ou cruelles de ces héroïnes suivant leur destin entre cuisine, corvées d'eau ou de bois, ramassage des coquillages… Elle nous livre aussi ses réflexions incisives sur la polygamie, sur les déséquilibres Europe/Afrique, séquelles du colonialisme rampant qui affecte les mentalités occidentales, sur les désastres que cause la course effrénée au profit dans un monde consumériste qui entrave toute velléité de s'en sortir. Des paroles qui sonnent juste et dont on ferait bien de s'inspirer : « Aider quelqu'un, c'est l'aider à ne pas avoir besoin de vous » dit Fatou Diomé.

Une mention spéciale pour le style qui va à l'essentiel avec sobriété mais qui nous régale aussi de ses éclats poétiques, poésie des instants vécus… dont je n'ai pu m'empêcher « d'extraire » ces haïkus :

Les canards caquètent
d'un bout de la cour à l'autre
avec lenteur

Les deux amies
éclats de rire mêlés
à la rumeur des vagues
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