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Sous le charme de ce roman aussi solaire que mélancolique, c'est un périple au coeur du Sénégal qui vous attend à l'approche de ce magnifique livre.

L'auteure y relate dans une écriture incandescente les désillusions pour les immigrés à vouloir rejoindre la France, Terre de toutes les promesses. de chez elle à Strasbourg, elle est parvenue à échapper à la pauvreté de son pays ayant un don certain pour l'écriture. Elle se débat entre les rêves déchus de ses proches, la réalité ombragée de la France, la nostalgie qui peuple son coeur au souvenir de son pays.

Ce livre est une pépite qui ravira les amateurs d'histoires et légendes africaines. L'auteure nous raconte les secrets de sa Terre, les marabouts, les coutumes ancestrales, la surnatalité, les croyances dépassées. le tout s'articulant autour du football, coupe d'Europe, coupe du monde, une passion pour son frère et beaucoup de jeunes qui pensent être la prochaine star du ballon rond. Mais seules les noix de coco fracassent les têtes, la réalité est amère, un monde sépare l'Afrique et la France qui n'ont pas toutes deux les mêmes préoccupations.

La plume de Fatou Diorme est habillée d'une élégance folle, il y a comme de l'envoûtement dans ses mots tant toutes ses descriptions sont à fleur de peau. On pourrait souligner tout le livre tant il résonne au son du tam tam africain ou des rêves qui se fracassent par terre.

Un magnifique livre ode à l'espoir, la liberté sous un ciel qui est pourtant et au final, le même pour tous.
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Fatou Diome a 32 ans quand elle écrit « Le ventre de l'Atlantique ». Enfant illégitime, Fatou est née au Sénégal puis elle a émigré en France, à Strasbourg, où elle termine en 2003 un doctorat de lettres modernes. Rejetée par les siens pour cause d'illégitimité, elle se propose dans cet ouvrage de nous expliquer l'Afrique, mettant l'accent sur la vraie nature de l'Eldorado que représente la France pour les jeunes Sénégalais.

Dans ce premier roman, Fatou se met en scène : elle raconte, sans pudeur, son émigration, ses joies et ses déboires. Son regard est lucide, acéré et sans complaisance : elle dénonce les obstacles à l'immigration, les rigueurs de l'hiver strasbourgeois, les chimères, la pauvreté, la précarité des exilés, leur misère, la promiscuité des foyers Sonacotra, la ségrégation, le racisme et la solitude de ses frères Sénégalais, partis à la recherche d'un petit coin de paradis. La France, terre d'accueil, a un gout amer pour Fatou Diome. Elle se souvient. Son frère, voulait la rejoindre pour entrer dans un club de foot, devenir un champion et gagner des millions : l'argent, synonyme d'ascenseur social, était censé faire des miracles. Il la relançait au téléphone, sans arrêt, et lui demandait de lui payer un aller simple en avion pour venir en France. Fatou arrivera à l'en dissuader. Elle a eu du mal à lui faire comprendre et à faire admettre aux siens que cette France mythique vers laquelle ils portaient tous leurs regards ne valait pas leur petit coin de terre, Niodor, petite ile située au sud-ouest du Sénégal, lieu de naissance de la narratrice.

Le style de Fatou Diome est vivant, assez coulé, attachant, fleuri et parfois passionné. Vous découvrirez des scènes de vie du village, la gastronomie locale réduite au couscous de poisson, au thiéboudjéne et au poulet yassa, les coutumes ancestrales, les marabouts qui promettent monts et merveilles (« elle courra derrière toi comme un chien derrière son maitre »), les parents qui marient leurs filles de force, les petits commerce, les dettes qu'on ne peut rembourser, des émotions, des cris de désespoir et des joies. Dans le récit de Fatou Diome, l'Afrique en prend également « pour son grade », car, voyez-vous, l'Afrique n'est pas un Eldorado sauf pour quelques quinquagénaires occidentaux attirés par les beautés locales, tentés par de petits trafiques et se soulant au whisky dans des hôtels cinq étoiles pour touristes. Quelques touches de poésie émaillent l'ouvrage. Les personnages sont très typés : il y a Salie (en fait l'auteure) qui vit en France, Mandické qui veut devenir champion de foot dans un club Français, Sankélé jeune femme au destin tragique (puisque son mari jette en mer le fruit illégitime de ses entrailles), El-Hadj, l'homme de Barbès, revenu à Niodor après s'être enrichi à Paris, Paolo Maldini, superbe idole du football Italien, Ndogou, ex-collégienne et responsable du centre téléphonique de Niodor, Ndétaré, l'instituteur marxiste et syndicaliste qui apprendra quelques rudiments de français à Mandické, Moussa, immigré qui reviendra au pays en charter, encadré par les gendarmes, et qui se suicidera, incapable de se refaire une vie convenable au pays, Gnarelle, une seconde épouse (au Sénégal, c'est la polygamie), qui pour récupérer son mari n'hésitera pas à coucher avec un marabout, Garouwalé, grand adolescent toujours prêt à dire et à redire, et encore bien d'autres ...

Alors, ce premier roman vaut-il le détour ? Oui, si vous êtes passionné par les problèmes de l'immigration. Mais, autant vous le dire, dans cet ouvrage le football est partout, alors si vous n'êtes pas accroc à ce sport vous aurez probablement du mal à poursuivre votre lecture. Un autre point à noter, « Le ventre de l'Atlantique » a manifestement été écrit par une auteure que les thèses marxistes ne laissaient pas indifférente : en Europe, vous êtes d'abord noirs, accessoirement citoyens, définitivement étrangers (page 202). Alors, au-delà de l'absence de concessions, vous aurez peut être l'impression de lire un tract stigmatisant la condition ouvrière des immigrés Africains en France car l'Afrique y apparait comme manifestement manipulée par l'occident : génération africaine de la mondialisation, attirée, puis filtrée, parquée, rejetée, désolée, nous sommes les Malgré-nous du voyage (page 250). Un peu grosse, la ficelle ? Peut-être, car si l'Afrique peine à retenir les siens c'est aussi parce qu'elle ne se presse pas de bâtir les conditions de la confiance dans un avenir local. Maintenant, prenons un peu de recul. Ce que nous conte Fatou Diome, c'est le mal-être de tout être humain déraciné. Elle sent manifestement qu'elle n'est plus tout à fait Sénégalaise et qu'elle ne sera jamais tout à fait Française. C'est probablement la triste réalité de tout immigré, qu'il soit Africain, Brésilien, Russe, Chinois ou d'une autre nationalité. Fatou est une exilée en permanence (page 294); elle est désespérément en quête d'une terre d'accueil (page 295). Douce utopie ? On est toujours rattrapé par son histoire personnelle, accroché à ses racines. Alors oui, Fatou Diome souffre : elle écrit, répondant à une voix intérieure qui lui intime d'obéir, pour dire et faire tout ce que sa mère n'a pas osé dire et faire (page 262) mais aussi pour exprimer sa solitude d'immigrée et son regret d'être rendue si loin du rugissement des pagaies, des parfums de la mer et des algues de l'Atlantique. le mal du pays dans toute sa splendeur !

Un livre authentique, simple, à mi-chemin entre politique et roman auto-biographique. A ne pas négliger.
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Voilà un premier roman enthousiasmant qui montre avec un regard acéré, la chimère que représente la France pour de jeunes africains. Salie elle, est sur le sol français, seule après un mariage et un divorce qui la laisse seule et désemparée, elle découvre bien vite que l'Eldorado est jonché d'obstacles, bien loin de l'image rêvée. Que la précarité est le lot de nombreux exilés. Son jeune frère Madické, plutôt bon footballeur rêve de rejoindre sa soeur pour lui aussi « profité du Paradis idyllique ».
Un double regard que Fatou Diome (qui elle-même a vécu cette expérience en débarquant à Strasbourg) sait de quoi elle parle.
Son roman est réussit car il n'est jamais dictatique, l'auteur manie avec talent humour, légèreté, pour porter un regard lucide sur une triste réalité. le tout dans un style fluide, généreux et très attachant. L'espoir fait vivre, mais combien de temps ?
Un joli roman pour découvrir l'univers de Fatou Diome.
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Le Ventre de l'Atlantique c'est l'île de Niodior, île sénégalaise dans la région du Sine-Saloum. Sur ce morceau de terre battu par les marées les quelques habitants vivent essentiellement de pêche, d'agriculture vivrière et de rêves. Rêves d'évasion, rêves de richesse, rêves de sportifs adulés, tout les portes vers la France. Il reste à Niodior "une sorte de colonisation mentale". "À leurs yeux, tout ce qui est enviable vient de France."

L'héroïne, enfant illégitime, a fini par s'exiler et vit en France. Ce choix ne s'est pas fait de gaieté de coeur et elle ne vit que pour sa passion de l'écriture et pour son demi-frère Madické. Fatou Diome réussit à nous faire emprunter sa souffrance, sa double appartenance, elle est partout chez elle mais ne se sent nulle part légitime, Noire en France, égoïste et individualiste dans son village natal.

Madické est trop jeune pour comprendre et dédie tout son temps libre à sa passion, le football. Admirateur du joueur de la Squadra Azzurra Maldini, qu'il rêve de rencontrer une jour, il n'a d'yeux que pour la France et son équipe nationale composée de nombreux joueurs sénégalais. Lui et ses jeunes compagnons de jeu n'ont qu'un voeu : partir pour la France et y faire fortune. Les rares exilés rentrés avec succès au bercail, les poches pleines et la bouche conteuse, les poussent en ce sens.

Mais où est la vérité dans ce jeu de dupes ? Les hommes rentrés au village racontent-ils vraiment la façon dont la France, pays des Droits de l'Homme les a accueillis ? La vie en France est-elle aussi facile qu'il y semble ?
La soeur de Madické, elle, sait que le racisme y est toujours vivace, que le chômage y est bien présent et que, sans papiers et sans qualifications, la course à l'emploi est une chasse au trésor qui mène le plus souvent au poste de police. Après un petit séjour en cellule on vous remet finalement votre trésor, "une IQF, une invitation à quitter la France". Elle sait aussi que, "Blottis sous les ponts ou dans les dédales du métro, les SDF doivent parfois rêver d'une cabane en Afrique."

Aidée de Ndétare, l'instituteur du village qui tente sans repos de raisonner les jeunes de l'île, elle fait tout son possible pour que son petit frère adoré ne se trompe pas de chemin. Mais comment faire entendre raison à des enfants innocents ? Comment affronter son frère, ce jeune homme prêt à sortir ses griffes si on l'empêche de suivre son destin ?

C'est ainsi que Fatou Diome, utilisant adroitement sa propre expérience, aborde les différents problèmes liés à l'émigration et à l'immigration, sans langue de bois, sans épargner personne. D'une franchise absolue et avec beaucoup d'humour, elle dénonce aussi bien les indélicatesses de la France et son racisme perfide, que le poids du devoir qui accompagne la vie sur son île, une vie âpre et dédiée au partage. En comparaison, la vie occidentale et sa culture de l'individu libère des contraintes de la communauté mais en contrepartie confronte à "l'Ultra Moderne Solitude".

Le style de Fatou Diome est très abordable et sans fioritures, il a seulement manqué pour moi de fluidité et de constance : il est à la fois truffé de magnifiques perles telles :

"Pêcheur de fortune, il se sentait pris dans les filets du destin. Son horizon se liquéfiait sous ce longs cils noirs."

"Seul, face à l'eau, il dérivait comme une barque vers la mer noire de ses souvenirs."

"Sur ce coin de la Terre, sur chaque bouche de femme est posée une main d'homme."

"Le sentiment d'appartenance est une conviction intime qui va de soi ; l'imposer à quelqu'un, c'est nier son aptitude à se définir librement."

mais aussi de longueurs, entre autres sur le football qui occupe une grande place dans le roman. Non pas que je déteste ce sport (faux !), mais le résumé de la finale de la Coupe d'Europe France/Italie 2000 ne fût pas vraiment une sinécure pour moi... J'ai noté toutefois que c'était l'occasion pour Fatou Diome de dénoncer un marché juteux et une belle hypocrisie comme le recrutement de jeunes joueurs étrangers à qui on promet monts et merveilles mais qu'on renvoie sans scrupules et sans ballons dans leur pays d'origine s'ils ne tiennent pas leurs promesses. La peau noire est acceptable à condition de faire honneur au pays mais gare au faux pas ou de fabuleux français, vous redevenez juste Noir.

Bref, un bon premier roman avec de très belles choses et quelques longueurs qui me font baisser la note, mais "C'est un beau roman, c'est une belle histoire" et j'en recommande la lecture.

Je remercie chaleureusement mon ami aouatef79 qui m'a fait découvrir cette auteure vers laquelle je reviendrai sans hésitation.
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"Le Ventre de l' Atlantique", est le premier roman de l'écrivaine sénégalaise ,Fatou Diomé .Cette dernière , après quelques aléas de la vie ,s' est installée à Strasbourg après avoir divorcer d' avec son mari français .Elle s' est inscrite à l' université de cette ville où elle à fait des études supérieures et a obtenu son doctorat en Lettres françaises .
Ce roman est aussi autobiographique .Madické est le frère de Fatou il vit au pays , le Sénégal .Il a un rêve :devenir un footballeur professionnel à l'instar de son idole ,Paolo Maldini .En téléphonant chaque semaine à sa soeur pour lui venir en aide et rentrer en France pour réaliser son rêve .La soeur est harcelée et essaie de convaincre son frère qu' il y a une grande distance entre le rêve et la réalité .Elle lui explique la précarité des immigrés africains
en France .
Caustique et humoristique, le roman "Le Ventre de l'Atlantique",explore avec lucidité et perspicacité la question migratoire .L' auteure ,nous convie à
un voyage mental et social au coeur de l'immigration .Le thème de cette dernière est abordé à travers le prisme du foot-ball .
Il s' agit d' un récit poétique sur l' immigration ".Le Ventre de l' Atlantique",
est un roman qui a placé , son auteure ,Fatou Diomé ,comme une grande
figure de la littérature féminine africaine .
Un bon et beau roman qui mérite d' être lu et médité .




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Entre la France et le Sénégal, il y a l'Atlantique, qui charrie d'une rive à l'autre les rêves d'Eldorado des uns, et les regrets, la honte ou la nostalgie des autres.

Dans le sens sud-nord, Madické, comme beaucoup de jeunes hommes de son âge, se voit en future vedette du ballon rond arpentant les stades de France, et compte sur sa soeur Salie, installée à Strasbourg depuis plusieurs années, pour le faire venir sur cette Terre Promise. Une ambition légitime, claire et nette, et une conviction absolue que l'avenir est en Europe.

Dans le sens nord-sud, la situation est beaucoup plus complexe pour Salie qui, comme beaucoup d'émigrés, vit chichement, solitaire, et voudrait convaincre son frère que la France n'est pas le paradis qu'il s'imagine : « Pour Madické, vivre dans un pays développé représentait en soi un avantage démesuré que j'avais par rapport à lui, lui qui profitait de sa famille et du soleil sous les tropiques. Comment aurais-je pu lui faire comprendre la solitude de l'exil, mon combat pour la survie et l'état d'alerte permanent où me gardaient mes études ? N'étais-je pas la feignante qui avait choisi l'éden européen et qui jouait à l'éternelle écolière à un âge où la plupart de mes camarades d'enfance cultivaient leur lopin de terre et nourrissaient leur progéniture ? Absente et inutile à leur quotidien, à quoi pouvais-je servir, sinon à leur transvaser, de temps en temps, un peu de ce nectar qu'ils supposaient étancher ma soif en France ». Peine perdue, le nectar est amer pour Salie et la légende est entretenue par les exilés qui rentrent au pays en étalant leur fortune de pacotille, autant de poudre d'or jetée aux yeux de ceux qui ne demandent qu'à les croire. Tout, plutôt qu'avouer la précarité économique, voire administrative, vécue en France, et le temps fou mis pour économiser le prix du billet d'avion et celui des innombrables cadeaux à ramener obligatoirement au pays, sous peine de se faire traiter de radin, d'égoïste ou d'individualiste.

« Le ventre de l'Atlantique » montre donc l'océan d'incompréhension qui advient entre ceux qui partent et ceux qui restent, ceux qui échouent en exil sans oser l'avouer ou même rentrer au pays, et ceux du pays, impatients de partir, persuadés de réussir dans cet Ailleurs où l'herbe (surtout celle des terrains de foot) est nécessairement plus verte.

Roman de l'amère réalité de l'émigration, « Le ventre de l'Atlantique » est aussi le roman de la nostalgie du déracinement et de l'impossible retour au « comme avant » : « Irrésistible, l'envie de remonter à la source, car il est rassurant de penser que la vie reste plus facile à saisir là où elle enfonce ses racines. Pourtant, revenir équivaut pour moi à partir. Je vais chez moi comme on va à l'étranger, car je suis devenue l'autre pour ceux que je continue à appeler les miens. Je ne sais plus quel sens donner à l'effervescence que suscite mon arrivée. Ces gens qui s'attroupent autour de moi viennent-ils fêter une des leurs, me soutirer quelques billets, s'instruire sur l'ailleurs qui les intrigue, ou sont-ils simplement là pour observer et juger la bête curieuse que je suis peut-être devenue à leurs yeux ? »

Dans son premier roman (autobiographique), Fatou Diome n'épargne ni l'Occident, qui exploite les travailleurs migrants, ni l'Afrique, qui ne fait rien pour faire évoluer les esprits et améliorer le sort des plus précarisés : « Faites émigrer de vos têtes certaines habitudes bien ancrées qui vous chevillent à un mode de vie révolu. La polygamie, la profusion d'enfants, tout cela constitue le terreau fertile du sous-développement. Nul besoin de faire des mathématiques supérieures pour comprendre que plus il y a de gens, moins grande sera la part de pain à partager ».

Un roman à l'écriture fleurie et chatoyante, ample et lucide, mais dans lequel l'espoir de trouver le chemin de la liberté reste permis.
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Renaud l'avait dit :
C'est pas l'homme qui prend la mer
C'est la mer qui prend l'homme
Fatou Diome nous le chante mille fois mieux : la mer, celle dont on prend ses enfants les poissons, et qui se venge en prenant les hommes, celle dont le ventre recueille les morts et fait vivre les pêcheurs, celle qui berce les palmiers et adopte les racines des palétuviers, celle qui gronde parfois et se gonfle, la mer/mère /ventre de l ‘Atlantique, me paraît le principal protagoniste du roman.
Elle représente, cette mère, la tradition basée sur la nécessité d'accueillir l'autre en son sein, sur l'amour bienveillant des grand mères, sur des dictons (parfois antédiluviens), et aussi tout le carcan des traditions patriarcales: la mise au monde d'un enfant hors mariage, le retour d'un immigré qui devrait rapporter richesses et honneurs, et qui n'ose pas dire ses espoirs déçus, son vécu illégal dans un bateau français,(en Atlantique Nord) sa prison, son rapatriement honteux, sa déchéance, enfin, l'amour non accepté par le père, l'amitié entre deux hommes jugée honteuse, tout cela est rejeté dans les flots.

La marée montait, dit l'auteur en s'exprimant par vagues répétées. La marée montait comme la rumeur, comme les mauvaises pensées, comme la tradition fixiste, intolérante, cette marée qui charrie la boue, jointe à la brise nauséabonde.
La marée monta.
Et emporta dans son ventre amer celui qui déçoit le village.

L'ile de Niodior , au large du Sénégal, ressemble, effectivement, à un petit ventre, entouré par les deux bras de l'Atlantique.
Fatou Diome tisse les rêves de son frère avec sa réalité à elle, et pour cela, elle parle de son ile et d'elle même, pratiquement dans la même phrase. Puis elle détricote au fur et à mesure ces rêves de venir la rejoindre, elle dont la subsistance dépend du nombre de serpillères qu'elle use, étant femme de ménage à Strasbourg et pas invitée par Louis XIV.

Elle épingle les faux espoirs des petits footballeurs du village, pensant tous devenir un Zidane. Elle épingle les footballeurs français complètement incultes et pourtant se croyant drôles. Elle épingle la polygamie, bien sûr, dangereuse par l'excédent de population pauvre alors que la terre et la mer ne sont pas extensibles. Elle épingle la fausse amitié européenne, parlant des négros dans leurs dos. …. Elle épingle les femmes de l'ile dont l'avenir est de se marier, d'enfanter des garçons, parce que les filles iront se marier ailleurs, à quoi ça sert de nourrir des bouches inutiles. Elle épingle la cupidité lorsqu'elle revient au pays, elle épingle les français portant bannière des sportifs africains, sans pour autant leur donner un statut fixe. Elle épingle le tourisme sexuel, venant « visiter des paysages de fesses noires, au lieu d'admirer le Lac rose, l'ile aux oiseaux, nos greniers vides et nos bidonvilles si pittoresques. »
Dans une langue chantante, digne de Youssou N'Dour, mettant toujours le doigt sur chaque faiblesse, et drôle aussi par son retour au plus important dans la vie : Cupidon, ou « lézard frétillant, » Fatou Diome nous parle de son ile natale, de l'appartenance, de la difficulté de faire racine dans un pays, pourquoi lui et pas celui de sa naissance ?

Choisit-on l'endroit où l'on nait ?
Choisit-on l'endroit où on veut vivre ? Ou n'est-on pas toujours trimballés entre les nostalgies et les envies de retour, l'amour du pays de sable blanc, et le désir de culture occidentale ? Comment choisir ? et d'ailleurs , est on obligés de choisir ?
La meilleure manière de parler de ce superbe livre, c'est de laisser la parole à l'auteur, dont le nombre de mes citations.
Petit bémol, les longues pages décrivant des matchs de foot, qui remplace le sport national, la lutte( Cf Aminata Sow Fall) et entraine des envies de s'expatrier basée sur des chimères de richesse.
Ne pas rester sur ce bémol, cette coquine de Fatou Diome nous pique souvent : devant les publicités de couple qui s'enlace devant une canette de Coca ( qui ne fera pourtant pas, dit-elle, pousser le Sahara) les enfants de Niodior se posent la question : qu'est-ce qu'il va lui faire ?
Réponse : « t'es idiot ou quoi ? il va la niquer ».
Allez, un verre de bissap, son arôme, son piquant, jus d'hibiscus délectable.
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Dans ce premier roman très prometteur, Fatou Diome insufflait beaucoup de sa propre histoire à son héroïne, Salie, jeune sénégalaise émigrée à Strasbourg parce qu'elle n'avait pas trouvé sa place dans son village et pourvue d'un talent, l'écriture. Son jeune frère, Madické, passionné de foot, voit dans le ballon rond la possibilité d'un avenir radieux en Europe, un avenir au pays de l'opulence, où l'argent coule à profusion et où tout est facile. Et Salie a toutes les peines du monde à tenter de l'en dissuader...
Ce texte, très pédagogique, tente "d'expliquer l'Afrique" aux cartésiens occidentaux que nous sommes, et décrypte le miroir aux alouettes que représente pour les sénégalais un pays comme la France. Parallèlement, Fatou Diome met aussi le doigt sur la difficulté à faire admettre aux Sénégalais que la France n'est pas le paradis qu'elle semble être, vue des tropiques.
On dévore ce texte, bercé par une langue fleurie, sans complaisance, et pleine d'humour.
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Quand on lit la biographie de Fatou Diome, on ne peut que constater que sa vie ressemble grandement à celle de l'héroïne du Ventre de l'Atlantique. Une naissance que le Sénégal renie , l'obligeant à vivre avec sa grand mère, une passion très jeune pour le Français, une vie étudiante faite de débrouilles et un mariage qui l'envoie en France pour la laisser vite seule à Strasbourg.
Mais ce livre va bien au delà de l'histoire de l'écrivain. C'est avant tout la relation d'une expatriée avec ceux restés au pays. Ce sont les chimères qui se heurtent à la réalité , le rêve qui, au travers du crampon de quelques footballeurs, fait rêver l'Africain d'un monde meilleur où son talent pourra nourrir sa famille pour des décennies.
Salie vient de Niodior, une ile au sud du Sénégal.Une ile qui vit de la pêche en cette année 2000, où les femmes sont au service des hommes depuis qu'elles existent, où la religion musulmane a chassé les païens et les animistes . Une ile où plus on a d'enfants, plus on est respecté .Une île où un fonctionnaire puni par son gouvernement tente de tirer vers le haut des jeunes .
Parmi eux Madické, le frère de Salie , que tous appelle Maldini. Comme le footeux à la chevelure d'ange ? Lui même ce génial défenseur du Milan AC, Paolo le magnifique . C'est son idole à Madické , mais faut pas trop le dire parce que tous ses potes ne jurent que par l'équipe de France , ce pays où les plus chanceux de leurs frères rentrent dans les centres de formation , quitte à falsifier un peu leur année de naissance.

Madické rêve . Il a sous les yeux dans son ile l'éclatante réussite de quelques expatriés de retour. Sa sœur , son instit lui montrent la face caché de l'iceberg, le confrontent au racisme et aux difficultés de l'exil.
Ce livre , qui ne tombe jamais dans la dénonciation gratuite fait aussi la part belle à la culture sénégalaise, la cuisine, la musique , les marabouts, l'arbre à palabres et c'est un pur dépaysement de s'y plonger même si le sordide guette.
Une écriture poétique mais qui sait aussi appuyer là où cela fait mal, une histoire touchante dans un livre qui finalement est un assortiment de tranche de vie permettant à l'auteur d'atteindre son but.

Une petite parenthèse sur le foot. Certes , pour les non initiés, on peut y trouver quelques longueurs . cependant, dans le propos de l'auteur , cette double identification, cette coupe du Monde 2002 est historique pour le Sénégal . Sa victoire sur le France mais aussi son très beau parcours , la fierté de tout un peuple qui s'identifiait foobalistiquement aux "Bleus" me semble très pertinent ici.
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Une soeur aînée raconte sa vie en France et, en parallèle, celle de son frère resté sur une île sénégalaise. Bâtarde de la famille, différente des autres villageoises, elle est tout juste acceptée dans sa communauté et se sent étrangère en France. Son frère, lui, ne rêve que de football, a pris pour idole un joueur milanais et souhaite s'exiler en Europe à son tour. Sa soeur, aidée en cela par l'instituteur du village, tente de l'en dissuader. Y réussira-t-elle ? La fin du roman nous le dévoilera.
Ce petit livre traite pourtant de multiples sujets :
- la condition des femmes dans un pays où les hommes ont plusieurs épouses et où le but de celles-ci dans la vie est d'avoir beaucoup d'enfants ;
- la décolonisation dans les faits mais pas dans les coeurs et les esprits, la France étant encore le grand modèle, mi-aimé mi-détesté ;
- le racisme plus ou moins camouflé dont sont victimes les non-blancs en France ;
- l'exploitation de la crédulité de certaines par les marabouts ;
- l'espoir infondé mais entretenu par d'autres de faire fortune ailleurs sans chercher à la prospérité pour son propre pays.
Ce livre, par ailleurs plein d'humour et d'autodérision, est indispensable à l'étude de ce continent riche mais encore trop méconnu.
Merci aux bibliothécaires qui ont choisi le thème des écrivains africains pour le cercle des lectrices et lecteurs de ce semestre !
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