Publié l'an passé, "
La cote 400" est le premier roman de la française
Sophie Divry.
Il est ici question de l'histoire ou plutôt du monologue enflammé d'une bibliothécaire de province, responsable du rayon géographie, qui se plaint de...à peu près tout et tout le monde. Collègues, hiérarchie, lecteurs. Et quand il s'agit d'évoquer la fantaisie ambiante ou la démocratisation de la culture, elle a plus que son mot à dire...
Dès les premières lignes, je me suis demandée si j'arriverais à supporter cette femme aux airs supérieurs durant 65 pages. Celle-ci m'a d'emblée fait penser à ces gens/boulets qui vous harponnent pour ne plus vous lâcher avant d'avoir vidé leur sac, sans vous donner la possibilité de couper court.
Cette bibliothécaire s'adresse à un lecteur retenu prisonnier depuis la veille et découvert juste avant l'ouverture mais franchement, au vu de sa solitude avouée, je me suis demandée si elle ne s'adressait pas simplement à elle-même.
Psychorigide, aigrie et maniaque du classement, cette femme vit totalement repliée sur elle-même, se privant de loisirs, de vacances et de la présence d'un homme dans sa vie.
Reste son métier, ingrat, qui consiste à ranger le désordre laissé par des lecteurs peu respectueux en ce qu'ils n'hésitent pas à arracher des pages, à surligner ou à annoter des passages de livres.
Ces lecteurs qui ne sont là que pour draguer, profiter du chauffage ou lire des navets.
Ses collègues et le conservateur de la bibliothèque ne sont guère mieux lotis. Confortés dans leurs métiers, ils ne semblent pas prêts à changer les choses, à orienter les lecteurs vers d'autres livres en prenant le risque de les détourner des classiques habituellement prescrits à l'aveuglette.
De toute façon, personne ne l'écoute !
Et pourtant, au fil de sa tirade se dessine l'envie d'être remarquée, de signifier quelque chose pour quelqu'un, que ce soit pour ses lecteurs qui ne l'abordent jamais pour lui poser des questions ou pour Martin, ce jeune homme bien sous tous rapports (et à la nuque splendide) dont elle essaie en vain d'attirer l'attention dans ce sous-sol sinistre qu'est son lieu de travail.
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La cote 400" présente une vision amère du métier de bibliothécaire dont les tâches se résument à "classer, ranger, ne pas déranger".
Ne fréquentant plus les bibliothèques depuis plusieurs années, je ne saurais attester de l'universalité de ce sombre portrait. Néanmoins, je dois reconnaître que mes souvenirs de bibliothécaires ressemblent beaucoup au portrait dessiné ici.
Il me reste l'image d'une quinquagénaire avachie sur sa chaise, soupirant quand un lecteur lui demandait de l'aide pour repérer un livre et désignant de loin le rayon plutôt que de se déplacer, préférant continuer à rédiger ses fiches de rappels destinées aux retardataires.
Je reste néanmoins convaincue que tous les bibliothécaires ne sont pas à mettre dans le même sac et que l'auteure a volontairement choisi le mode de la caricature en plaçant dès le départ son personnage dans de mauvaises dispositions propices à la frustration.
Ayant échoué au CAPES, cette femme n'a pas envisagé le métier de bibliothécaire comme une vocation mais plutôt comme un second choix qui lui a permis de suivre un homme qui la quittera ensuite.
Elle se retrouve qui plus est dans une bibliothèque municipale si peu fréquentée qu'on pourrait entendre les mouches voler, et affectée au rayon géographie !
Dans mes jeunes années, je pense avoir fréquenté ce rayon une seule fois, pour consulter un atlas car j'avais oublié le mien dans mon casier...
L'aspect "conseil" du métier est donc ici totalement éludé faute de lecteurs à aiguiller.
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La cote 400" est un petit roman qui se lit d'un seul souffle mais, comme le soulignait Reka, avec des pincettes (même si il y a malheureusement du vrai dans ses plaintes) car il s'agit ici, comme dans tous les livres qui traitent d'un métier en particulier, d'une et non pas de LA vision du métier de bibliothécaire.
Malgré que cette femme m'ait tapé sur le système dans les premières pages, je dois reconnaître avoir beaucoup aimé son humour cynique lorsqu'elle abordait le statut du livre au fil de l'Histoire.
A tenter avec un certain recul !
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