Citations sur Les Violons du roi (15)
Les durillons laissés par l’outil, la couleur du vernis de mon dernier violon qui reste sous mes ongles et ces petits coups de canif qui ont entamé mes doigts en même temps que le bois dur d’un chevalet, disent ce que je suis vraiment : un ouvrier qui aime son métier. Le reste m’importe peu !
Le violon que tout le monde appelait le "Duc" depuis le jour où Niccolo Amati avait calculé, tracé et commencé à moduler au rabot l'épaisseur des voûtes, n'était plus à la place qu'il occupait la veille au soir. Entre deux altos il y avait un vide, et le garçon se dit que si le "Duc" n'était plus sur son fil, si incroyable que cela puisse paraître, c'est qu'on l'avait volé dans la nuit.
Un soir, alors qu'il s'y attendait le moins, Niccolo Amati lui dit en passant voluptueusement le dos de sa main sur le vernis du violon qu'il venait de terminer :
- Antonio (Stradivari), c'est le meilleur instrument que tu as fait. Je regarde sous tous les angles et je n'y vois que perfection. Quant à sa sonorité, nous venons de l'essayer ensemble et elle éclate de bonheur.
Son rôle de femme riche dans une ville décadente lui paraissait dérisoire. Il fallait qu'elle change à tout prix le cours de ce canal intérieur dont le courant nonchalant l'emportait vers une désespérante insignifiance.
Quand ce n'était pas le père qui répétait, c'était le fils, Antonio Lucio, qui jouait avec une ardeur rythmique surprenante, sans la regarder, la musique d'un concerto dont il venait en quelques instants de lire les notes sur le papier.
Francesca était intelligente. Elle avait compris tout de suite qu'elle devrait partager avec les violons l'âme et le coeur de son mari. Aussi avait-elle décidé, non pas d'apprendre le métier de luthier, mais de se familiariser avec les gestes, les recherches, les mots qui constituaient l'univers d'Antonio. Ainsi pouvait-elle l'écouter, le comprendre et même se passionner avec lui pour ces étranges et fragiles carcasses de bois qu'il lâchait comme de beaux oiseaux entre des mains inconnues après leur avoir appris à chanter sous la caresse de l'archet.
Surpris et admiratifs les mousquetaires du marquis firent un pas en arrière prêts à intervenir si l'affaire tournait mal, et le combat commença.
- Défends-toi, crapule! Et arrange-toi pour ne pas t'approcher à la longueur de mon épée car je t'éventre!
- Serais-tu le maître de ces mousquetaires de théâtre qui ne se font peur qu'entre eux? Dans ce cas, apprête-toi à souffrir. Ma lame démange mon bras.
- Et la mienne t'écorne l'oreille! répondit Gonzague en français, avec l'accent gascon hérité d'un capitaine français qui avait pris ses quartiers à Sabbioneta alors qu'il avait quinze ans.
Le luthier de Crémone était déjà connu des princes allemands, grands amateurs de musique, il devint célèbre chez les compositeurs qui, parallèlement aux Italiens, développaient l'art subtil du contrepoint et préparaient dans les châteaux des princes l'avènement d'une autre musique.
Quand ce n'était pas le père qui répétait, c'était le fils, Antonio Lucio, qui jouait avec une ardeur rythmique surprenante, sans la regarder, la musique d'un concerto dont il venait en quelques instants de lire les notes sur le papier.
- Je m'appelle Valeria. Et vous?
- Antonio Stradivari. Mes parents sont morts. Ils ne m'ont laissé que ce nom pour qu'un jour je le couvre de gloire. (p. 89)