AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Jolap


Désorientale n'est pas seulement un mot inventé. C'est un roman assez exceptionnel doté d'une structure inédite. La colonne vertébrale s'enroule sur elle-même puis s'étend à nouveau d'une façon tantôt vive tantôt langoureuse entrainant des dizaines et des dizaines de ramifications, de viscères avec au centre un coeur qui bat. Un coeur qui cogne la douleur de l'exil, celle de l'injustice mais qui chante aussi au rythme fou des amours répétés tant de fois et tant de fois rassasiés du bonheur d'exister.

C'est l'histoire d'une famille iranienne contée par Kimiâ Sadr le personnage principal. Une fresque extrêmement vivante de la famille Sadr, bourgeois intellectuels, sur quatre générations. L'arrière-grand-père est à la tête d'un harem de cinquante-deux femmes et a vingt-huit enfants. Bien sûr, seuls les acteurs principaux entreront en scène.

« Avec le temps et la distance ce n'est plus leur monde qui coule en moi, dit Kimiâ, ni leur langue, ni leurs traditions, ni leurs croyances, ni leurs peurs, mais leurs histoires…. Alors elle raconte ses impressions, ses sensations, ses émotions. Elle raconte l'évasion, la révolution, les risques, les armes, les mots en trop. Elle raconte le quotidien, les trahisons, les jours heureux et les galères.

L'auteur, Négar Djavadi, iranienne elle aussi, ne se prive pas. Elle nous conte des histoires et nous la suivons. Née en 1969 elle a grandi à Téhéran comme Kimiâ. Comme elle ses parents, des intellectuels, ont fait partie des opposants au régime du Chah puis de l'ayatollah Khomeiny. A l'âge de 11 ans elle a fui l'Iran et la révolution islamique avec sa mère et ses deux soeurs en traversant à cheval les montagnes du Kurdistan. Elle a vécu à Bruxelles et à Paris. La comparaison avec l'histoire du livre s'arrête là, Négar Djavadi, confie avoir eu une vie plus calme que celle de son héroïne Kimiâ.

Mais un auteur laisse toujours dans ses romans un part de lui. Et c'est justement son expérience qui lui a permis de bâtir, à partir de l'Histoire de son pays, un roman où les personnages, taillés sur mesure, ont de tels accents de vérité.

De nombreuses critiques ont été faites sur ce livre. Alors je laisse le soin à l'auteur de vous dire quelques mots de son ouvrage.
J'ai pris des notes lors d'une conversation audio quelle a accordé à un journaliste.

« Je suis iranienne, mais je me sens maintenant plus française qu'iranienne. Je me sens même apatride………….
Le monde s'ouvre malgré la douleur de l'exil. Je m'inscris plutôt comme citoyen du monde. On subit l'exil. C'est une injustice incroyable………Il faut trouver un chemin plus lumineux pour avancer......

L'écriture de ce livre m'a obligée à me poser, à revenir en arrière......

La mémoire est parcellaire, éclatée comme un puzzle…… J'ai voulu emmener le lecteur dans tout un univers et partager l'oralité de la culture iranienne, la complexité de son histoire, ses personnages.......

C'est en 1953, lors de l'opération AJAX menée par le Royaume-Uni et les Etats-Unis et visant à renverser le premier ministre Mohammad Mossadegh que la véritable révolution iranienne a commencé……….

Dans cette saga familiale les personnages sont très vivants……… Des personnages jaillissent alors qu'on les avait oubliés. Il y a des digressions comme dans les contes persans avec des personnages hauts en couleur. Puis il y a l'introspection plus intimiste dans la salle d'attente de l'hôpital Cochin.

J'avais envie de parler de la différence. L'homosexualité. La monoparentalité. La différence entre la culture française et la culture iranienne. On n'est pas que ça. Derrière tout ça il y a des histoires, des bonheurs, des malheurs……….
Et en Iran il y a les yeux bleus qui donnent un statut à part. On les admire. »

Désorientale c'est ce chemin sur lequel parfois on se tord un peu les pieds, on se trompe de route de temps en temps mais où on entend si bien les conversations, parfois quelques cris de douleur et souvent, très souvent le chant de l'espoir.

J'enlève la moitié d'une étoile. Pourquoi me direz-vous? Et bien le temps de quelques pages je me suis endormie sur le bord du chemin. Je ne vous dirais pas où, cela n'est pas très important et tellement passager! tellement personnel...

Je reviens d'un voyage magnifiquement orchestré, d'une manière un peu désordonnée, volontairement désordonnée comme les souvenirs qui surgissent comme bon leur semblent, un voyage très enjoué, très musical, un voyage tellement oriental..


Commenter  J’apprécie          10521



Ont apprécié cette critique (87)voir plus




{* *}