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Critique de oiseaulire


Ce livre de Chahdortt Djavann est un patchwork de textes de genres différents : autobiographiques, imaginaires, pamphlétaires. Installée en France , l'autrice ne veut plus obéir qu'à ses propres règles et délaisse les distinctions entre genres littéraires séparés en récits ou fictions.

Elle fut en effet contrainte de porter le voile jusqu'à son départ d'Iran à l'âge de vingt-quatre ans, après avoir été incarcérée et violemment battue à treize ans pour participation à une manifestation contre l'instauration de la République Islamique.

Tiraillée entre deux cultures, Chahdortt Djavann a honte et est révoltée : honte de son pays de naissance où des mollahs cyniques et corrompus jusqu'à la moelle terrorisent le peuple sous couvert de religion, financent le terrorisme international ; où la haine du féminin est institutionnalisée, où la répression est telle qu'on en devient lâche ; révoltée contre l'Occident, sa patrie adoptive, qui laisse faire, ne voit rien, se détourne, accepte, et à sa manière se soumet aussi à la barbarie.

Le martyre du peuple iranien est amplement connu par les articles de fond et les vidéos qui circulent sur la toile.

Pourtant, le regard des islamistes sur le mouvement #metoo m'a intéressée : il n'est pour eux rien moins que le mouvement des putains occidentales sans foi ni loi qui baisent librement et qui s'en vantent : car ne pas se voiler est une incitation au viol, viol qui n'en est plus un puisqu'il a été sollicité. Tel est le crédo de la République Islamiste.
Le mouvement est illisible également à de nombreuses femmes : presque toutes ont connu le viol et loin de le dénoncer, elles s'en cachent comme d'une faute personnelle ; porter plainte serait s'accuser elles-mêmes de débauche et s'exposer à la mort civile, pénale, à de nouveaux viols. Car les violences sexuelles sont utilisées en République Islamique comme une arme de dissuasion massive. Et leur dénonciation mène à la mort.

Tous les ans à Téhéran, de nombreuses jeunes filles sont victimes de crimes d'honneur, souvent en relation avec des différends familiaux qui ne les concernent pas directement, défigurées et aveuglées par des attaques au vitriol. Les enquêtes n'aboutissent jamais.

Le livre s'achève par la dénonciation de la condition atroce des enfants abandonnés de Téhéran, plus de trois mille chaque année, livrés aux mains de redoutables mafias ; vivant dans les rues, les bidonvilles et les décharges au sud-est de la ville, abusés sexuellement dès l'âge de trois ans, drogués, vendus aux enchères comme esclaves sexuels dans les pays du golfe et au Pakistan ; servant de magasins de pièces détachées pour les trafics d'organes, leurs corps pillés et vidés sont jetés sans précautions superflues dans les terrains vagues quand ce n'est pas directement dans les conteneurs à ordures. Les journalistes qui dénoncent le scandale sont incarcérés, torturés, assassinés par le régime, de même que ceux qui dénoncent l'hypocrite et abominable trafic de femmes.

De trahisons en trahisons à l'égard de son peuple, le régime hyper corrompu des mollahs ne faiblira jamais si un sursaut révolutionnaire ne le balaye pas. Et pour cause : tellement nombreux sont ceux qui se taisent, tellement avides de libertés sous son voile est la jeunesse, qu'un amoindrissement de son autorité se terminerait irrémédiablement en bain de sang contre les usurpateurs.

Je ne sais si ce roman est une oeuvre littéraire, car je l'ai trouvé un peu de bric et de broc, avec des parties juxtaposées sans transition.

Mais c'est un solide manifeste.
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