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Critique de moustafette


Avis mitigé pour ce recueil de nouvelles. C'est un genre que j'affectionne assez peu et sur les sept, seules deux ont retenu mon intérêt. Si la langue est souvent poétique, le style ne m'a pas complètement séduite. La chronologie est un peu brouillonne, et malgré un découpage annonçant "Aujourd'hui" et "Hier", je me suis régulièrement perdue.

Justement, "La Nuit du récit de Fatima", texte de 2002, est un de ceux que j'ai le plus apprécié. Récit à trois voix, entre transmission et évolution, il pointe la répétition d'un traumatisme et la lutte de la dernière génération afin d'y échapper. La modernité apportée par la colonisation y collisionne avec les traditions.

"Femme d'Alger dans leur appartement" date de 1978. Y sont évoquées ces femmes qui ont participé à la guerre de libération et qui en gardent encore des séquelles dans leurs corps, mais aussi dans leurs esprits, entre stérilité et folie, la prison et la torture se sont incrustées durablement. Fatma qui fut, avant de devenir la vieille masseuse et porteuse d'eau du hamman, une de ses porteuses de feu, nous offre à la fois un récit émouvant de sa vie et de sa douleur. Mais c'est aussi l'occasion de nous plonger dans une savoureuse évocation du rituel des bains publics, à une époque seule sortie au-dehors autorisée pour les femmes.

Enfin, la postface intitulée "Regard interdit, son coupé", nous ramène en 1832 lorsque Delacroix séjourne brièvement à Alger et pénètre dans l'univers interdit des femmes. "Cette abondance de couleurs rares, ces noms aux sonorités nouvelles, est-ce cela qui trouble et exalte le peintre ?" Ce tableau sert de point de départ à une fine analyse de la claustration féminine, rôle du regard interdit à l'étranger, limité au père, frère, mari, fils, ou limité par le voile pour la femme s'aventurant à l'extérieur. le "dévoilement", lui, équivaut à une mise à nu. "Une femme - en mouvement, donc "nue" - qui regarde, n'est-ce pas en outre une menace nouvelle à leur exclusivité scopique, à cette prérogative mâle ?" . Seule la figure de la mère est sans danger, corps sans jouissance, elle peut regarder et être regardée. Quant à la voix, entre chants et papotages seuls autorisés, elle se fit entendre à l'extérieur lors de la guerre et par le biais des récits des viols commis à leur encontre, soudant de façon illusoire les deux sexes avant que le silence envahisse à nouveau l'espace.

Omniprésente dans ces nouvelles, la main mise de l'homme sur la femme, le père d'abord, présidant à la destinée des filles via des mariages précoces, les frères prenant le relais si besoin, et le mari, séducteur puis tyran. Cet univers oppressant d'enfermement et de parole castrée laisse des relents d'angoisse et d'amertume bien après avoir terminé ce livre.
Lien : http://moustafette.canalblog..
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