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Critique de Soleney


C'est assez étrange de dire que j'ai abandonné le Grand Abandon... Pourtant, c'est vrai : je n'ai pas pu arriver jusqu'à la moitié.

J'ai voulu le lire parce que les thématiques abordées faisaient énormément écho en moi : on y parle d'une société de plus en plus mercantile, inégalitaire, prônant le travail comme sens de la vie avec l'argent comme objectif final. En réaction, un mouvement contestataire, souterrain, fondé sur le don, le volontariat, l'abondance et le lien à autrui se met en place sur des terres désolées qui n'intéressent plus personne. Les personnages sont des laissés-pour-compte en transition vers cette société parallèle. Eux qui n'arrivent pas à trouver leur place dans le « monde d'avant » cherchent un avenir dans ce « monde d'après ».
En fait, je suis moi-même dans ce genre de mouvance, en train de repenser ma façon de me déplacer (à vélo), de travailler (en woofing ou sur les chantiers participatifs), d'apprendre (par la pratique et non par la théorie), de me nourrir (véganisme) et de me loger (sous la tente, sur lesdits woofing et chantiers, chez des amis). Pour citer ma famille, je suis une écolo extrémiste.

Cory Doctorow utilise la science-fiction pour pousser à l'extrême les défauts du capitalisme et rendre exotique le combat écologique actuellement mené pour renverser la croissance. le but est certainement d'intriguer et de sensibiliser un large public. Pas de chance : je suis déjà sensibilisée, et hors mis les débats politiques (qui m'ont réappris la définition de l'anarchisme et permis de voir le communisme autrement), je me suis déjà posée la plupart des questions évoquées ici.
Malheureusement, je n'ai pas cru à ce contexte idéal dans lequel la grande majorité des abandonneurs ont fait un travail sur eux-mêmes (sans aide extérieure, c'est magique), ne sont plus matérialistes, acceptent de vivre dans l'inconfort, savent gérer leurs pulsions et leurs émotions, et le tout sans jamais avoir été sensibilisés à toutes ces problématiques (le « monde par défaut » ne propose visiblement toujours pas d'éducation à la conscience de soi, de l'autre, ou à une communication saine). C'est d'ailleurs étrange qu'aucun des protagonistes ne croisent de « familles écolo ». Pas d'enfants éduqués selon les préceptes du « monde d'après », pas de grands-parents qui militaient déjà à leur époque... A croire que la prise de conscience ne date que d'hier !
Pourtant, il existe déjà plein de sociétés parallèles qui tentent de repenser leur relation à l'environnement et à autrui, et on y croise des couples, des jeunes parents, des adolescents, des familles qui visent l'autosuffisance depuis déjà deux décennies, des étudiants curieux, des trentenaires en post-burn-out... Dans le Grand Abandon, les profils sont beaucoup moins riches.

On en vient donc à mon autre problème (admirez cette magnifique transition !) : je n'ai pas du tout cru aux personnages. Que ce soit Hubert, 27 ans, qui n'a que des « amis » de dix ans plus jeunes que lui et qui ressent le décalage générationnel comme une fatalité, l'insupportable Seth et la caricaturale Nathalie, ces trois premiers protagonistes ne m'ont absolument pas plu. Pareil pour Limpopo, trop parfaite, trop sûre d'elle, trop « supérieure ». Ils manquaient de finesse.
Et pas seulement eux : la façon dont certaines situations étaient amenées aussi. Certaines ne sont là que pour mettre en pratique une théorie à laquelle Hubert et ses amis ne croient pas (remember la prise du B&B). Idem pour les dialogues : j'ai eu la sensation qu'ils servaient à installer des débats propices à l'exposition de certains points de vue. Et à enseigner au lecteur en quoi le capitalisme et les ultra-riches sont mauvais et en quoi l'abandon est la solution aux problèmes modernes. Et si en soit j'adhère complètement au principe, j'aurais malgré tout souhaité un peu plus de nuance. Les personnages qui débattent sont presque tous du même bord politique : ils s'enseignent mutuellement leurs convictions, qui s'ajoutent les unes aux autres, allant jusqu'à traiter les zottas (les riches) comme une espèce étrangère (sous couvert que ce sont eux qui s'estiment d'une autre espèce que les pauvres… Qu'il est facile de parler pour les absents !). Aucune empathie, uniquement du jugement envers des personnes qui ont fait/hérité d'un choix de vie (très) différent. Chez les abandonneurs, il y a la théorie et il y a la pratique.

En résumé, j'ai fini par décrocher à cause des personnages qui ne m'ont pas touchée, de la société des abandonneurs qui ne me semblait pas réaliste (pour des écolos, ils étaient quand même très équipés en nouvelles technologie ! Remember le manteau à batterie qui diffuse de la chaleur...), de l'écriture, bourrative et prosaïque, et aussi de cette impression frustrante que l'auteur vient donner des leçons alors que (comble de l'orgueil !) je me sens plus au fait de son sujet que lui-même.
Grands dieux. Il faudrait me faire fouetter pour cela.
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