«Ce livre est une oeuvre de FICTION. Pensez le contraire à vos risques et périls.»
( première page, première phrase…)
Thomas Pynchon, auteur, et non des moindres, préface le dit livre, et dis ceci :
«Stone Junction est une épopée illégaliste pour notre époque de sentimentalité corrompue et d'honneur dégradé, avec son cortège d'usurpateurs sordides et de persévérances jacobitesques…» voilà, tout est dit, manque de bol pour moi, parce que je suis loin d'être
Pynchon, et c'est pile ça qu'il faut dire en fait. Enfin essayons, tout de même…
Pour poser un peu un contexte, je tente de vous résumer le fil conducteur (si tant est qu'il n'y en ai qu'un…) du roman.
Daniel Pearse, suite au décès, suspect de sa mère, Analee, est «embrigadé» dans l'AMO. L'AMO (Alliance des Magiciens et Outlaw) qu'est-ce que c'est ? Une espèce d'alliance plus ou moins officielle, de gens plus ou moins respectables, unis et réunis par leurs talents plus ou moins palpables, dans un but plus ou moins clair de quête d'un graal, qui ressemblerait à un diamant à 6 faces au centre duquel brille une flamme, qui ne s'éteint jamais et renfermerait, PEUT ETRE, le mystère de l‘Univers.
Voilà, allez salut les enfants, je vous laisse vous débrouiller avec ça.
Et pour le coup vous penserez alors que je vous parle d'un roman ésotérique paumé. Et ce n'est pas ça, et pas du tout.
C'est à la frontière entre le roman initiatique, le road trip haletant - sur fond de thriller – et la fiction qui pose des questions sur les fondements même de tout, du tout, de rien – surtout.
Là ou je suis restée, littéralement (c'est le cas de le dire) sans voix, c'est que les 500 et quelques pages se lisent à vitesse grand V tant l'histoire est prenante et tant les personnages sont entiers, complexes, loufoques, tordus, détraqués, surdoués, (humains en fait ?) et surtout combien, ils sont attachants.
Au fil de l'intrigue et du roman, tous vont apprendre quelque chose, leur talent, leur don, leur vice, à Daniel. Matt Stocker non sans un certain génie, l'initie aux joies éphémères des drogues, en TOUT genre. Will Bill Weber, sage parmi les sages, s'il en est, se charge de lui apprendre la paix intérieur, la méditation, le vide et la patience comme vertus immuables, et ce, bien évidemment, canne à pêche en main. Volta, qui est un peu comme le gourou de cet étrange bande va s'évertuer à lui enseigner la technique qui consiste à disparaître, purement et simplement, pas comme un prestidigitateur, non, non, pas de ça camarade, disparaître, devenir matière zéro, néant absolu, et oui (et le pire – ou le mieux - dans tout ça, c'est que telle que vous me lisez je suis réfractaire au possible à tout ce qui peux toucher, de près ou de loin, au fantastique, à la fantasy où l'ésotérisme.
Et là, là ça passe. Et ça passe tellement que la frontière entre imaginaire, fiction et réalité devient floue, jusque dans votre esprit. Jean Bluer, transformiste première classe, va permettre à Daniel de devenir un véritable caméléon, jusqu'aux bout des doigts, de la voix, de l'être presque. Willis Clinton, fait de lui un as de l'ouverture de coffres, portes, serrures, et toutes autres choses ayant, par définition, une fermeture inviolable. Johnny Sept Lunes, vieil indien mystérieux, va juste à un moment donné, lui apprendre la vie. Enfin, Bad Bobby va l'entraîner dans un sombre tournoi de Poker, passage hallucinant et hallucinatoire du genre un peu à la
Hunter S. Thompson dans
Las Vegas Parano.
C'est tordu, c'est glauque, et c'est jouissif, au plus haut point. Tout comme on finit presque par penser que OUI on peut disparaître physiquement, on se laisse complètement happer par toutes les réflexions plus ou moins philosophiques auxquelles l'air de rien
Jim Dodge nous amène, on est complètement conquis par la critique à peine revendiquée et pourtant inhérente au roman tout entier que l'auteur fait de la société en générale, et toutes les restrictions mentales, physiques, sociales qu'elle porte avec elle.
Bref ce livre est tout simplement, gigantesque. Tant par son histoire, que son écriture. On entre dans un monde complètement dingue, et pourtant tellement réel, sorti du quel vous restera un sentiment inouï de liberté.
Une dernière phrase, au passage :
« Je sais que dalle. Ça doit vouloir dire que je suis saine d'esprit. Ce qui est un excellent point de départ pour redevenir dingue.»
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