Impossible effort de l'amour pour atteindre à la fraternité du combat, à la grande sincérité virile devant la mort... L'amour des femmes prend place dans le cortège de la gloire ; il relève alors le succès et n'est pour le combattant qu'un changement d'armes. Mais au-dessus demeurent toujours la camaraderies des héros, le complot d'honneur, la communion nationale ou partisane. Barrès, qui consent aux femmes, n'est pas leur victime. Derrière l'entreprise, que poursuit l'égotiste et le nationaliste, de se refaire une âme complète, on distingue sans mal la nostalgie du corps complet, le rêve hermaphrodite, que la pudeur contient, d'un loyal et libre guerrier, débarrassé de l'humiliant désir des femmes.
Un peu anarchiste, un peu socialiste, un peu catholique, un peu viveur, un peu décadent, un peu tout, à la fin il se blase de lui-même, de ce jeu que fait l'ennui avec l'exaltation, et simplement il ouvre la porte sur une terre qui, d'instinct, il reconnaît pour sienne, qui lui parle et qui, seule, le guérira.
Je ne puis vivre que selon mes morts.
« Personne ne soupçonne l'existence des Murs Blancs. Pourtant cette propriété a marqué l'histoire intellectuelle du XXème siècle. Elle a été aussi le lieu, où enfants, nous passions nos dimanche après-midi : la maison de nos grands-parents…
Après la guerre, ce magnifique parc aux arbres centenaires niché dans le vieux Châtenay-Malabry, est choisi par le philosophe Emmanuel Mounier, pour y vivre en communauté avec les collaborateurs de la revue qu'il a fondé : Esprit. Quatre intellectuels, chrétiens de gauche et anciens résistants, comme lui, Henri-Irénée Marrou, Jean Baboulène, Paul Fraisse, Jean-Marie Domenach, le suivent avec leurs familles dans cette aventure. Ils sont bientôt rejoints par Paul Ricoeur.
Pendant cinquante ans, les Murs Blancs sont le quartier général de leurs combats, dont la revue Esprit est le porte-voix : la guerre d'Algérie et la décolonisation, la lutte contre le totalitarisme communiste, la construction de l'Europe. Et bien sûr, Mai 68... Une vingtaine d'enfants, dont notre père, y sont élevés en collectivité. Malheureusement, les jalousies et les difficultés nourries par le quotidien de la vie en communauté y deviennent de plus en plus pesantes… Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles cette histoire est tombée dans l'oubli, et que personne n'avait pris la peine de nous la raconter jusqu'alors. Pourtant, beaucoup d'intellectuels, d'artistes et d'hommes politiques y ont fait leurs armes : Jacques Julliard, Jean Lebrun, Ivan Illich, Chris Marker, Jacques Delors et aussi… Emmanuel Macron. C'est grâce à leurs récits et confessions que nous avons pu renouer avec notre histoire : transformer un idéal difficile en récit familial et politique. »
L. et H. Domenach
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