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Critique de Plumeetencre




"La vraie loi, celle que nous subissons tous les jours, est celle qui donne toujours l'avantage aux hommes."

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Sous une chaleur écrasante, marteau à la main, quinze femmes concassent des pierres  quotidiennement pour en faire du gravier. Un véritable travail de forçat auquel elles sont contraintes,  afin de subvenir aux besoins de leur famille respective.

Apprenant la construction d'un aéroport international à  proximité et de ce fait l'accroissement des besoins en matières premières, ces compagnes d'infortune décident ensemble d'augmenter le tarif proposé aux entrepreneurs qui les exploitent depuis trop longtemps. 

Ceux-ci ne l'entendent toutefois pas ainsi. Bientôt secondés par une milice armée, ils tiennent à asseoir leur autorité en réprimant le mouvement contestataire. 

Menaces, humiliations, coups, tirs, emprisonnements, réquisition de la marchandise … autant de tentatives d'intimidation qui viennent légitimer le combat désormais en marche, de ces femmes résolues à ne rien céder.

"Ces hommes qui ont volé nos cailloux pensent que parce que nous sommes femmes nous allons nous taire comme d'habitude. Quand ils nous battent au foyer, nous ne disons rien, quand ils nous chassent et prennent tous nos biens à la mort de nos maris, nous ne disons rien, quand ils nous paient moins bien qu'eux-mêmes, nous ne disons rien, quand ils nous violent et qu'en réponse à nos plaintes ils disent que nous l'avons bien cherché,  nous ne disons toujours rien et aujourd'hui ils pensent qu'en prenant de force nos cailloux, encore une fois, nous ne dirons rien. Et bien non! Cette fois-ci ils se trompent! Trop, c'est trop!"

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Ce qui n'était au départ que simple revendication d'ordre économique - être rémunérées au prix juste - se mue  progressivement en une lutte implacable pour la reconnaissance de leurs droits. 

Portée jusqu'au sommet du gouvernement, l'affaire pourrait bien faire grand bruit. Méréana, choisie comme porte-parole des opprimées, saura-t-elle faire entendre leur voix? 

En marge des négociations, dans un enchevêtrement de flash-back, les parcours individuels marqués par la misère, la guerre civile, la maladie (Sida, paludisme), les violences domestiques et sexuelles mais aussi les manquements du système corrompu se dévoilent. 

"Même si aujourd'hui  vous êtes logées à la même enseigne, chacune y a échoué en empruntant la route particulière de sa souffrance."

Ces portraits croisés particulièrement émouvants mettent en exergue une condition collective des plus déplorables et révoltantes. 

Viennent cependant contrebalancer la noirceur ambiante, une pointe d'humour salutaire ainsi que les valeurs de solidarité,  d'entraide, de courage ou encore de détermination illuminant le récit.

Écrivain d'origine congolaise, Emmanuel Dongala signe avec Photo de groupe au bord du fleuve un roman social, humaniste et engagé réellement poignant. 

Sans concession ni complaisance, il dénonce les travers de la société africaine qui profondément traditionaliste maintient abusivement les femmes sous le joug patriarcal et marital.

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Leur combat est devenu au fil des pages le mien. Puisse-t-il devenir le vôtre…
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