AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782702102558
232 pages
Calmann-Lévy (01/04/1994)
4.06/5   9 notes
Résumé :
Ce lieu sans limites, roman baroque et noir paru en 1974, a été salué par la critique comme un chef-d'oeuvre.
Dans « Ce dimanche-là », José Donoso, à travers l'analyse des rapports ambigus d'une femme de la bourgeoisie chilienne, Chepa, et d'un homme du peuple, Maya, utilise avec un talent féroce et novateur le vieux symbole du maître et de l'esclave.
Sous les yeux étonnés des membres de la bonne société comme des domestiques, ces deux êtres se livrent... >Voir plus
Que lire après Ce dimanche-làVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
C'est dimanche. Une cloche sonne dans l'église du quartier.Dehors il pleut et il fait froid. Une odeur dorée, tiède, une odeur de dimanche qui emplit l'auto, de dimanche, de ce dimanche-là…..les empanadas de Violeta pour le déjeuner dominical d'Alvaro et Chepa avec leurs filles, gendres et petits-enfants….

Don Alvaro, Chepa, Violeta, Maya…. Les deux premiers un couple de la haute bourgeoisie chilienne, les deux autres, une bonne et un homme du peuple, ex-prisonnier. José Donoso avec brio nous entrevoie la relation chassé-croisé de ces quatre personnages qui ne sont pas exactement à leur place sur l'échiquier social . Derrière ce déjeuner de famille qui a lieu tous les dimanches chez Alvaro et Chepa , se cache un tout autre monde de décadence moral, de solitude,de misère et d'égoïsme nourri par la charité…. Des personnages introduits par la porte de derrière donnent une vision assez effarante d'un monde d'apparence dont la superficie lisse et brillante laisse vite voir l'hypocrisie social qui bat son plein .…. Relations émotionnelles entre aristocratie et gens du peuple au coeur du roman , deviennent profondément tragiques sous la plume de Donoso, qui les décortique avec brio en employant divers styles narratifs qui créent une mise en abyme déroutante,« Violeta n'était rien d'autre que la succession éternelle de l'image du miroir dans le miroir , parce qu'en réalité , qui que ce fût, Violeta n'avait aucune importance »…..Une narration rétrospective , qui alterne pensées et désirs des personnages engoncés dans leur carcan sociale exprimés en directe , avec un narrateur, tiers personne qui vient approfondir, souligner leurs ingénuités, leurs inconsciences et leurs frustrations. S'y ajoute la voix d'un petit-fils qui contribue à cette mise en abyme, donnant une vision tout autre des grand-parents. Les petits enfants surnommant Alvaro, La Poupée avec l'idée seule que leur grand-mère adorée Chepa puisse «  faire la sieste » avec La Poupée les emplissant d'horreur 😁 !

Une lecture complexe où les personnages cherchent désespérément une sortie de secours à leur fausseté , leur frustration et leur solitude. La solution est en eux, mais arriveront-ils ? Première rencontre avec l'auteur chilien José Donoso dont la prose m'a éblouie.
Commenter  J’apprécie          8521
Ce dimanche-là, comme tous les autres dimanches, le jour du seigneur et des empanadas. Les femmes sont parties à la messe, les hommes au bistrot. le soleil tape, la sueur dégouline déjà de sous ma chemise. Même la poussière a la flemme de s'envoler et reste collée à la route. Je m'installe devant la télévision, mieux que la messe, le feuilleton, façon télénovelas, épisode 69 qui raconte des histoires d'amour, des histoires de sexe et surtout des histoires d'empanadas. Et à propos d'empanadas, celles de Violetta sont si exquises qu'elles mettraient à genoux le curé de la paroisse avant son vin de messe. Elles parfument la cuisine jusqu'aux étages regroupant les chambres qui d'habitude présentent plus des odeurs de naphtaline. Mais le dimanche est un jour particulier, et ce parfum quel délice, j'imagine le jus de la viande qui coule dans ma bouche lorsque je mords dedans et englobe mon palais... C'est chaud, c'est exquis, c'est divin. Comme une bouteille de vin. C'est brûlant, c'est sublime, c'est divin. Comme un entrelacement de jambes et de sexes entre les draps blancs.

Ce dimanche-là, comme tous les autres dimanches, j'ouvre un bouquin, un vieux truc des années soixante-dix. Je me laisse porter par son auteur, un chilien que je ne connais pas encore. Et je suis pris par l'histoire de cette bourgeoisie chilienne, de ses amours et ses parties de sexe entre la haute société et les domestiques. Je découvre un monde de violence et de cruauté, un monde de désir et de frustrations, un monde de solitude. Je garderai en mémoire longtemps les empanadas de Violeta, celles que l'on déguste un dimanche sous la tonnelle du jardin, le verre de vin à portée de main. Pourquoi est-ce qu'on est emporté par un bouquin ou le bouquet d'un verre de vin ?
Commenter  J’apprécie          333
Grâce à la qualité et à l'originalité de son style, contribuant à la création d'un univers narratif très personnel, José Donoso sort définitivement le roman chilien de son carcan tellurico-régionaliste. Comme dans ses autres romans et nouvelles, l'auteur dépeint une société chilienne, dans Ce dimanche-là, où les rapports intergénérationnels et sociaux sont conflictuels : poids des non-dits, pulsions enfouies, désirs, obsessions prennent des accents proches de la folie. La prose de José Donoso est sinueuse, raffinée, enveloppante, se déployant harmonieusement, combinant des accents parfois lyriques, parfois dramatiques, tendres ou violents, où la voix du narrateur garde une froide distance. L'écriture de José Donoso observe le monde avec ironie et cruauté, enracinée dans un humour noir grotesque, parfois tragique, souvent pathétique. Cette écriture très talentueuse s'ouvre à la polyphonie, aux jeux des perspectives croisées et à une intertextualité nourrie de musique et d'art. Une oeuvre de très grande qualité.
Commenter  J’apprécie          160

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
…la sieste, en général, c’était quelque chose de très étrange , un jeu inexplicable des adultes, une partie des choses qu’ils appelaient « importantes » parce que nous n’avions pas accès. Un après-midi, désireux qu’on m’emmenât le plus vite possible chez ma grand-mère, je me juchais sur une chaise et une caisse pour regarder la sieste de mes parents du haut de la lucarne de la salle de bains.D’abord je m’alarmai parce que je crus qu’ils étaient victimes d’une attaque qui les faisaient contorsionner à moitié nus dans la pénombre chaude de leur chambre, sous les draps. Puis je crus que mon père blessait ma mère , la tuait peut-être, et je fus sur le point de crier. Mais je m’aperçus que ce n’était qu’un jeu, parce qu’ils murmuraient des mots tendres.
Je descendis soulagé mais effrayé . Avec un autre genre de peur.
Commenter  J’apprécie          354
Une... deux... trois.. quatre..
Non, trois. La dernière n'est pas la bougie d'une « petite chapelle», mais le reflet du phare de l’auto sur une boîte en fer-blanc jetée sur la voie du chemin de fer qui va au port. Mais elles continuent plus loin : quatre, cinq. On dit que ce sont des accidents dus au train. C'est faux. De l'autre côté grandit de plus en plus ce bidonville, un filet qui ramasse les gens que la ville rejette comme des détritus : un labyrinthe de briques crues, de pierres, de gravats, de boîtes en fer-blanc, de planches, de zinc, entassés n'importe comment en désordre, des gens qui arrivent avec des branches et des briques, les assemblent avec un peu de terre, les consolident avec quelques pierres et quelques clous, et alors une nouvelle cellule s'agrège à ce cancer qui ne cesse qui de croître. Plus loin une décharge publique. Plus loin encore le fleuve. Et encore au-delà, des tours d'émetteurs, de signalisation, des réservoirs de gaz et des lumières rouges qui bougent ou qui restent immobiles signalant quelque chose.
Chepa ne connaît ce bidonville que de jour et seulement sa partie extérieure, celle qui donne sur une rue qui vomit les habitants en haillons du bidonville et les disperse à travers la ville pour chercher du travail, pour voler ou pour s'amuser. Ce sont eux les âmes des morts des « petites chapelles ».
Commenter  J’apprécie          132
Alvaro Vives part de bonne heure tous les dimanches pour aller chercher les empanadas chez Violeta. Il aime le lent trajet toujours par les mêmes rues jusqu'à l'autre bout de la ville, non seulement pour la paix que procure une habitude ininterrompue, mais aussi parce que les empanadas de Violeta sont véritablement magistrales - un déjeuner dominical chez Chepa et Alvaro Vives, répètent les amis et parents invités, n'est pas un déjeuner sans les empanadas de Violetta : cette pâte parfumée, légère, et la farce juteuse, cuisinée avec un équilibre très étudié. Oui, après avoir mangé une empanada de la Violeta des Vives, à côté toute autre semble faite de chiffons mous et farcie d'un hachis puant le cadavre.
Commenter  J’apprécie          92
L'auto, presque à son insu, s'est dirigée vers les rues bien connues qui deviennent de plus en plus étroites. Au-dessus des fils électriques apparaît le clocher des Sacramentinos. C'est apaisant d'entrer l'après-midi dans une église presque déserte : s'asseoir sur un des bancs du fond, l'odeur d'encens, quelque chose en or qui brille, la file des dévotes devant le confessionnal, on tousse et l'on s'emmitoufle, et le nasillement d'autres dévotes dans la nef. Un de ces jours elle y reviendra comme avant.
Commenter  J’apprécie          100
L'odeur des empanadas emplit la maison, cette odeur de pâte chaude, grillée, d'oignon et de piment et le jus rouge de la viande bouillant dans l'enveloppe de pâte, réchauffe cette sacro-sainte odeur de dimanche depuis le début de la mémoire.
Commenter  J’apprécie          142

Video de José Donoso (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de José Donoso
José Donoso parle 'en espagnol) de la genèse de son roman L'obscène oiseau de la nuit
autres livres classés : chiliVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (22) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
371 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *}