DOMINIQUE, revenant avec des petits fours : Oui, on
sait. Le jour même de vos noces, en sortant de l’église,
une gargouille monstrueuse s’est décrochée de la
façade, elle a écrasé le pauvre homme.
CATHARINA : Une fin tragique, son crâne était fendu
en deux. La gargouille ne s’est même pas brisée. Une
fois décrochée du crâne de Federico, elle a été restaurée
et remise sur la façade avant de l’église Saint-Denis. À
chaque fois que je passe devant, je vois à la place de la
gargouille, la tête fendue de Federico. J’ai l’impression
qu’il essaie de me dire quelque chose. Il m’arrive de
faire un détour pour ne plus avoir à subir cette terrible
image.
En revanche, je peux affirmer une
chose, l’amour est au-dessus de toutes les lois
humaines, de tout degré temporel et à une échelle
infinie plus grande que l’immensité elle-même. Il vogue
au grès de son désir. Rien ni personne ne peut arrêter sa
course. Un coeur aimant trouve toujours une place, une
âme, une plaie, un coeur malade à soigner. Enfin,
lorsque le temps de la guérison est arrivé, il cherche un
autre coeur à soigner, un autre coeur à aimer. Nous
sommes tous des locataires de l’amour que seul le temps
maîtrise.
CATHARINA, coiffée d’un chapeau à plumes de
perroquet : Dans ma culture, nous buvons quelque
chose de plus fort pendant les obsèques, un vin de
paille, par exemple. Te reste-t-il de ce petit vin délicieux
que tu m’avais fait goûter pour les dix-huit ans d’Iris ?
Comment s’appelle-t-il déjà ?
SOPHIE : Ah oui, je vois. Dominique, apporte-nous le
vin de paille du Domaine Dambrun.
CATHARINA : Ah oui, il s’agit bien de ce petit vin qui
me ravive les papilles.
Toutes ces petites phrases génériques, abstraites qui
vous avalent et font de vous une amie en CDD, voire en
freelance. La solitude a été ma plus grande amie.
Bizarrement, ce sujet reste tabou. On ne parle pas de la
solitude, car si l’on est seule c’est que nous n’avions pas
su solliciter de l’intérêt chez l’autre, donc nous
devenons indésirables.
CATHARINA : Ah oui, je vois. Bachir, grand brun,
avec un sourire à faire chavirer toutes les volailles.
VICTOIRE : Oui, Bachir le boucher. Un jour, il lui a
écrit un mot qu’elle m’a lu. Si mes souvenirs sont bons,
il disait : « Ma princesse Sophie, ton huile coule à flots
sur mon corps… Le suc de ta peau reste encore sur le
bout de ma… »