![]() |
Roland Dorgelès - Les Croix de bois - 1919 : le groupe de combat est la cheville ouvrière de l'armée française. Quelques hommes placés sous l'autorité d'un caporal et qui constituent en se multipliant par milliers les cellules d'un gigantesque corps ordonné. "Les Croix de bois" raconte l'histoire d'une de ces entités plongées dans l'enfer d'une guerre que les soldats ne comprennent pas. Chacun sent bien que le massacre perpétué ne profite qu'à une minorité assise sur des privilèges que la populace va payer cruellement de son sang pendant quatre ans. le boche est détesté non pas pour son but de guerre qui échappe il faut bien le dire à tout le monde mais parce qu'il tue et démembre les camarades, les frères, les pères, d'autres français. Quelque part dans le reclus de la tranchée les combats deviennent des confrontations presque domestiques contre les voisins indélicats qui occupe la tranchée d'en face. Chaque escouade est alors une petite famille, souvent turbulente, râleuse mais solidaire dans les épreuves qui l'accablent. Jacques c'est Roland Dorgelès lui-même, un jeune biffin rempli des idéaux de reconquête distillés dans une école qui depuis le conflit de 1871 conditionne la jeunesse à espérer la revanche par les armes sur les horribles prussiens. Engagé volontaire il va combattre au milieu de ce groupe hétéroclite qui mélange des soldats issus de tous les territoires et de toutes les classes sociales. L'ensemble des combats est rapporté avec un réalisme éreintant qui transforme le lecteur en témoin oculaire de l'infâme boucherie. Car ici il est vraiment question de chair à canon quand on voit avec quel entêtement la hiérarchie envoie ces hommes se faire tuer. On se bat partout pour quelques mètres de terrain, dans les tranchées à coup de pelles et de couteau, dans les villages au milieu des maisons éventrées par les obus et même dans les cimetières cachés dans les tombes ou subsistent encore des cadavres en décomposition. Et ces troufions courageux crèvent souvent dans les pleurs appelant leur mère pour les plus jeunes ou s'affligeant pour les autres d'une femme ou d'un enfant qu'ils ne reverront plus. Quand les soldats sont tués ils sont remplacés par des adolescents dont on ne veut même pas connaître le nom tellement ils disparaissent vite déchiquetés eux aussi par les obus et les balles. L'absurdité se mêle à la cruauté quand la compagnie doit tenir une position que les allemands sont en train de miner sans que le commandement s'inquiète de l'évacuer. Aucune compassion n'est à attendre des généraux, il faut juste tenir ou mourir. Et alors que les médailles sont distribuées comme des petits pains sur le bord du Jourdain, chaque soldat sait que la seule récompense à attendre dans cet enfer c'est une croix de bois sur le monticule de terre qui leurs servira de dernière demeure. de par son humanisme qui semble au milieu du chaos murmuré par les millions de victimes, "Les Croix de bois" est le pendant terrible du chef d'oeuvre d'Enrich Maria Remarque "A l'ouest rien de nouveau" dont il partage l'épouvantable proximité avec ces hommes ordinaires plongés dans une des pires hécatombes de l'histoire de l'humanité... terrifiant
+ Lire la suite |