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Critique de Diabolau


Je poursuis mon tour d'horizon (au long cours) des écrivains témoins de la première guerre mondiale et qui ont écrit sur le sujet. John Dos Passos fut mon premier américain, mais pas le dernier, puisque Compagnie K de William March attend sagement sur ma pile à lire.
Nous voici donc en compagnie des soldats Fuselli, Chrisfield et Andrews, que nous allons suivre de leur mobilisation ou de leur engagement en 1917, jusqu'aux combats de 1918 (à peine abordés, l'armistice étant signé à peine à la moitié d'un livre bien long), puis enfin en 1919 alors que leur hiérarchie les maintient en France pour "l'armée d'occupation" (de l'Allemagne) ou d'autres motivations qu'elle se garde bien de leur donner, et cette opacité est un trait commun à toutes les autres armées belligérantes.
Enfin très exactement, c'est surtout Andrews que nous allons suivre, les autres s'effaçant progressivement et n'étant bientôt plus évoqués que de loin en loin, et même très loin pour Fuselli, dont on ne saura même pas ce qu'il est devenu, et c'est dommage car son côté "carriériste" était assez intéressant et changeait de la désinvolture des deux autres.
Il s'agit d'un roman clairement engagé dans la veine pacifiste, antimilitariste et anticléricale. L'armée et les hommes d'église en prennent pour leur grade de façon parfois assez savoureuse, et d'une façon ou d'une autre, les trois protagonistes finissent tous par déserter, chacun pour une raison qui leur est propre. Andrews, anarchiste notoire, n'hésite pas à sympathiser pour les manifestations pro-bolcheviques de 1919, dans des passages qui m'ont semblé particulièrement intéressants.
Il semblerait que ce livre, écrit par un ambulancier engagé volontaire avant même l'entrée en guerre de son pays, ait eu beaucoup de succès aux US en 1921, ce qui ne laisse pas d'étonner quand on voit son niveau d'athéisme et d'antimilitarisme, dans un pays réputé pour son patriotisme et son obsession religieuse.
Malgré ces points d'intérêt, l'ensemble de cette lecture ne fut pas une expérience des plus agréables, hélas.
C'est trop descriptif, trop contemplatif... On s'ennuie parfois à mourir, surtout dans la deuxième partie, quand Andrews est à Paris. Par ailleurs, je n'ai jamais vu autant d'adjectifs de couleur. À ce stade-là, c'est un toc : parfois une dizaine par page ! Même les personnages sont systématiquement décrits par leur teint, et l'on finit par ne plus voir que ça. Jugez de ces quelques exemples : "ils entrevirent la vallée de la Seine, où la brume bleutée mettait sa patine sur les feuilles nouvelles couleur de pois vert. Puis le train pénétra dans de vastes plaines où, sur la brume violacée de l'horizon, chatoyait le vert glauque des jeunes avoines et le vert doré des champs de blé nouvellement ensemencés. L'ombre bleue du train filait rapidement..." Ou ici : "La péniche était la dernière d'une file de quatre, en train de décrire une large courbe au milieu d'une étendue de fleuve argentée, couverte de plaques étincelantes et claires vert paon et gris lavande, bordée de chaque côté par des plantations de frêles peupliers bleus. le ciel était d'un gris marbré lumineux, moucheté de place en place de taches couleur d'oeuf de rouge-gorge."
Les chapitres sont extrêmement longs et auraient gagné à être raccourcis, surtout qu'au sein d'un même chapitre on passe parfois d'un lieu à l'autre, d'un personnage à l'autre, brutalement et sans préavis.
Les dialogues sont parfois d'une trivialité déprimante, bien que pouvant à l'occasion être très longs, et ce sont hélas souvent d'ailleurs les dialogues les plus longs qui sont aussi les plus triviaux, la victime principale de tout cela étant l'intérêt du lecteur.
La vision des Français (les "grenouillards") n'est pas brillante... Les femmes, en particulier, ne sont pas farouches.
En résumé, un texte bien long et pompeux dont l'aspect idéologique est l'unique intérêt, même si la fibre anarcho-communiste de Dos Passos ne fut qu'une brève passade, puisqu'il fut, à la fin de sa vie, un ardent Maccarthyste et un farouche partisan de la guerre du Vietnam.
Comme quoi, y a que les cons qui changent pas d'avis. Ou pas.
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