Trois roman magistraux pour décrire l'histoire de l'Amérique industrielle, le capitalisme en marche, la dépossession progressive des petites gens, des ouvriers, des itinérants, de ce qui fondait l'idéal Américain et avait pour nom liberté. Les personnages se croisent, certains deviennent puissants et riches, d'autres meurent, s'épuisent, s'abiment. A ces récits multiples s'ajoutent l'écho de voix qui resteront floues et anonymes, et des pages épiques et musicales qui dressent les portraits des grands de ce siècle, des chercheurs, hommes politiques, industriels qui ont marqué de leur empreinte l'histoire politique et sociale des Etats-Unis du XXe siècle.Le tout écrit dans un style épique et énergique, celui d'une tragédie moderne et implacable, qui reflète par son style même l'impossibilité de résister à la mise en marche de la machine implacable qui a pour nom modernité.
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En se rasant pendant que son bain coulait le matin, il voyait passer entre son visage et le miroir de longues processions de chenets, de grilles, d'accessoires de haut fourneau, de pompes, de machines à hacher, de vrilles, d'étaux, de burettes, de boutons de tiroir et il se demandait comment on pouvait s'y prendre pour les rendre séduisants pour le commerce de détail. Il se rasait lui-même avec un Gillette, pourquoi se rasait-il avec un Gillette au lieu d'un autre rasoir ? Bessemer était un beau nom, qui sentait l'argent, les laminoirs puissants et les gros directeurs descendant de leur limousines. Ce qu'il fallait faire, c'était intéresser l'acheteur, lui faire sentir qu'il était un rouage dans une organisation puissante, pensait-il en choisissant sa cravate. Bessemer, se disait-il à lui-même en prenant son petit déjeuner. Pourquoi nos clavettes seraient-elles plus séduisantes que n'importe quelles autres clavettes, se demandait-il en montant dans le tramway. Cahoté dans la foule suspendue aux poignées de cuir, regardant sans les voir les en-têtes du journal, des maillons, des ancres, des coudes en fer, des viroles, des accessoires de tuyauterie se bousculaient dans sa cervelle. Bessemer.
42e PARALLÈLE.
Thorstein parlait l'anglais avec un certain accent. Il souffrait d'une incapacité congénitale à dire : oui. Son esprit avait été modelé sur les vieilles Sagas norvégiennes, sur le gros bon sens paysan de son père et sur des réalités précises comme la menuiserie ou les batteuses mécaniques.
Il ne parvint jamais à s'intéresser beaucoup à la Théologie, à la Sociologie et à l'Économie politique telles qu'on les enseignait au Carleton College, où les professeurs s'occupaient de rafistoler les dogmes éculés des vieux commerçants de la Nouvelle-Angleterre farcie de Bible, pour en faire des maximes destinées à orner, une fois encadrées, les murs des bureaux de commissionnaires en gros.
LA GROSSE GALETTE.
Quand approcha l'anniversaire de l'Armistice, en 1919, le bruit courut en ville que, cette fois, les locaux seraient détruits pour de bon. Un jeune homme de bonne famille aux manières courtoises, Warren O. Grimm, ancien officier du Corps Expéditionnaire que l'Amérique avait envoyé en Sibérie, considéré dans son pays comme un spécialiste de la lutte anti-bolchevique et des questions syndicales, fut choisi par les hommes d'affaires afin de diriger les troupes de patriotes cent pour cent groupées dans la Ligue Civique de Protection, et d'inspirer à Paul Bunyan la crainte de Dieu.
Le premier exploit des braves patriotes consista à s'emparer d'un marchand de journaux aveugle qu'ils piétinèrent, assommèrent et jetèrent dans un fossé à la frontière du canton.
1919, L'AN PREMIER DU SIÈCLE.
Paru en 1929, grand succès de librairie, aussitôt traduit en plusieurs langues et adapté à la radio et au cinéma, Berlin Alexanderplatz d'Alfred Döblin est un monument de la littérature allemande au temps de la République de Weimar. Visiblement inscrit dans le sillage d'Ulysse de Joyce (1922) ou de Manhattan Transfer de Dos Passos (1925), même si l'auteur a contesté s' être inspiré d'eux, il participe du renouvellement moderniste du genre romanesque et le procédé du « montage », à l'époque tour à tour exalté et décrié, semble y servir une exploration nouvelle du monde urbain. Pourtant, écrivain prolixe et passionné de questions philosophiques, Döblin n'en était pas en 1929 à son coup d'essai et l'intérêt de Berlin Alexanderplatz dépasse peut-être aujourd'hui celui d'un grand « roman de la ville ».
Retrouvez sur notre webmagazine Balises, le dossier "Berlin Alexanderplatz, portraits d'une ville" en lien avec la rencontre : https://balises.bpi.fr/dossier/berlin-alexanderplatz/
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