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Citations sur Dossier de l'art, n°236 : Jérôme Bosch, visions de génie (6)

Réputé ésotérique, voire hermétique en ce qu’il paraît parfois supposer un spectateur ayant fait l’objet d’une initiation, l’univers pictural de Jérôme Bosch continue à se prêter à une infinité d’interprétations incapables d’épuiser un œuvre hérissé de signes contradictoires. L’écoulement des siècles, l’enracinement de l’œuvre dans le terreau culturel fertile du Moyen Âge tardif, le caractère singulier d’un artiste qui eut d’innombrables émules, mais peu de devanciers véritables, enfin, le goût évident pour l’abstrus de l’intéressé, tout concourt à rendre la peinture de Bosch absconse et son élucidation ardue. Cela est assurément vrai pour ses œuvres les plus ambitieuses, lesquelles s’inscrivent dans la description hallucinée et maniaque d’un univers métaphysique transcendant une perception immédiate du monde. Ça l’est aussi pour des œuvres plus modestes par le propos et le dispositif mobilisé et relevant d’un registre moins évidemment religieux. Cette impression s’avère trompeuse, car ces peintures témoignent immanquablement d’un pessimisme drastique, d’origine monastique, qui conduit à porter sur l’humanité un jugement dépréciatif et à concevoir le monde comme un lieu foncièrement mauvais.

"Les tribulations des hommes. La part du diable", Alexis Merle du Bourg
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La Nef des fous est probablement l'ouvrage le plus lu au début du XVIe siècle. Sa veine caustique trouve un écho parmi les prédicateurs catholiques et les réformés. Le personnage bouffonesque de Grobianus, patron des rustres, réapparaît dans les oeuvres de Thomas Murner comme dans celles du pasteur Friedrich Dedekind. En France, le pantagruélisme ressemble au grobianisme. Rabelais adopte cependant un regard bienveillant et amusé sur la condition humaine, s'inscrivant davantage dans la parodie que dans la critique. Dans le Quart Livre, l'épopée maritime des compagnons de Pantagruel est une variante joyeuse de La Nef. Erasme rejette également la gravité de Brant au profit d'un ton ludique. Son Eloge de la folie peut s'interpréter comme une réfutation du moralisme de La Nef des fous : la frivolité peut aussi conduire à la connaissance (p. 78).

La Nef des fous, chef d'oeuvre de la littérature humaniste
Delphine Mercuzot,
département des manuscrits
Bibliothèque nationale de France
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Le panneau central paraît lui aussi montrer l’Éden, puisqu’il est dominé par les quatre fleuves du paradis décrits dans la Genèse, mais il met en scène une multitude de jeunes hommes et femmes dans un état d’innocence, qui s’accouplent, mangent et s’adonnent à tous les plaisirs. Notons la présence singulière de femmes noires et l’échelle curieuse de certains animaux, comme les oiseaux qui paraissent surdimensionnés. Notons aussi certains détails amusants, comme le personnage enfermé dans une moule géante et dont le postérieur laisse échapper une perle, ou celui dont le postérieur sert de vase à fleurs. Il nous paraît aussi intéressant de relever que les constructions minérales qui se dressent sur les quatre fleuves évoquent les assemblages de naturalia et d’artefacta, les collections de coraux qui se développent au début du XVIe siècle dans le milieu habsbourgeois. Il n’en reste pas moins que le panneau central représente l’état de nature par opposition au volet droit qui réunit, en enfer, tous les objets fabriqués par la main de l’homme : outils, instruments de musique, etc. Au milieu de la nuit infernale surgit un monstre hybride, un homme-arbre dont le visage, peut-être celui du peintre, nous regarde, et qui porte sur la tête l’objet de ses obsessions : une cornemuse, métaphore usuelle de la luxure. Reste à observer un détail mis en exergue dans l’angle inférieur droit : une truie religieuse extorque un testament à un homme.

"L'Au-delà", Frédéric Elsig, à propos du Jardin des délices, conservé au musée du Prado
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Quels éléments permettent d’attester, aujourd’hui, la paternité d’un tableau de Jérôme Bosch ?
Il existe une série de tableaux dont la paternité a été rendue indiscutable par les documents d’archives – par exemple, le Saint Jean l’Évangéliste conservé à Berlin et le Saint Jean-Baptiste de Madrid. Ce sont des œuvres de référence auxquelles ont pu être comparées les autres. Après avoir établi leur base de données, les experts se sont employés à définir les critères qui trahissent la présence de la main du peintre, mais c’est toujours un faisceau de résultats qui conduit à la certitude. Ainsi par exemple, une étude minutieuse a été conduite sur les oreilles des personnages ; elle a montré que Jérôme Bosch avait une certaine façon de les peindre. Une même analyse a été conduite sur sa manière de représenter le nez ou les mains.

Entretien avec Charles de Mooij, directeur du Noordbrabants Museum
Propos recueillis par Armelle Fayol
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Le dépouillement des sources écrites et l'analyse des oeuvres ou, plus précisément, du processus de création permettent de rectifier définitivement l'image d'un artiste marginal, tenté par l'ésotérisme. Jérôme Bosch est au coeur du système. Par sa formation, il s'inscrit parfaitement dans les normes qui régissent le métier de peintre. En fréquentant le réseau aristocratique à travers la Confrérie de Notre-Dame, il s'ouvre à la clientèle de la cour, pour laquelle il produit sur mesure des oeuvres d'une profonde originalité, qui lui assurent en retour un considérable succès commercial. Dès le début du XVIe siècle, son atelier répond ainsi à une demande croissante du marché de l'art, basé principalement à Anvers, entraînant nombre de copies et de pastiches jusqu'au milieu du XVIe siècle, apogée de ce goût incarné alors par Bruegel L'Ancien. (p. 22)

Qui fut Jérôme Bosch ? Un maître, plusieurs mains ?
Frédéric Elsig
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La critique des errements humains se fait plus générale avec "Le concert dans l'oeuf" qui dénonce tout à la fois la crédulité, l'inconduite, le goût de la ripaille et plus généralement la déraison [remarquable permanence de l'entonnoir renversé sur la tête...] d'un groupe "générique" d'individus parmi lesquels nombre de religieux, ce qui ajoute au propos critique l'habituelle charge anticléricale. La meilleure version connue est celle du musée de Lille. S'agit-il de la copie fidèle d'un original perdu ou d'une adaptation libre (jusqu'à quel point) ? L'oeuvre s'éloigne cette fois du prosaïsme d'une scène de genre pour s'inscrire dans une fantasmagorie satirique proche de "La Nef des fous" du Louvre, à cela près que le groupe des fêtards est embarqué à bord d'un oeuf. Celui-ci a suscité nombre de commentaires. La tradition alchimique associe, en effet, le monde et l'oeuf générateur de vie. D'autres exégètes moins férus d'occultisme se sont contentés d'observer qu'en néerlendais "door" désigne à la fois le sot et le jaune d'oeuf... (p. 51)

La part du diable. Affreux, sales et méchants
Alexis Merle du Bourg
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