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Faton (01/02/2016)
4/5   2 notes
Résumé :
Cinq cents ans après la mort de Jérôme Bosch, sa ville natale, Bois-le-Duc, accueille la plus grande réunion jamais organisée de ses œuvres : vingt tableaux et dix-neuf dessins, soit la quasi-totalité du corpus, au sein duquel neuf ensembles viennent d’être restaurés. Dossier de l'Art se penche à cette occasion sur l'œuvre fascinant d'étrangeté du peintre ainsi que sur les dernières découvertes et attributions révélées au terme d'un colossal projet de recherche de 7... >Voir plus
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Que lire après Dossier de l'art, n°236 : Jérôme Bosch, visions de génieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Oeuvres transmises, perdues, cachées, détruites, réapparues, copiées, démembrées, vendues, volées, rachetées et finalement disséminées de par le vaste monde. L'histoire de l'art s' apparente à un jeu de piste où sont menées des enquêtes d'un genre un peu spécial, le plus souvent jamais vraiment élucidées. Certaines oeuvres de Jheronimus Bosch (entre 1450 et 1455 - 1516) sont aussi sujettes à quelques "embrouilles" d'experts et ce Dossier de l'art s'en fait l'écho. Certaines, probablement perdues, sont connues par les copies de suiveurs de l'artiste. Certaines signées, à priori autographes, suggèrent cependant le doute et d'autres encore, réputées de son atelier, seraient pourtant de la main du maître. Allez savoir… Cinq siècles plus tard, si de nombreuses questions sont toujours loin d'être résolues, le portrait de l'artiste, lui, commence à se faire plus précis.

Quatre morceaux d'un même polyptyque dont la paternité n'est pour le coup pas contestée - la partie centrale est perdue -, séparés par l'atlantique (deux en Europe, deux aux E.U.) se trouvent actuellement réunis par la grâce d'une rétrospective que sa ville natale de Bois-le-Duc dédie à Jérôme Bosch. Ils suffiraient à eux seuls pour raconter l'extraordinaire fortune de l'oeuvre de ce peintre né et mort en Brabant septentrional à la fin de l'âge gothique et à l'aube de la renaissance ; il s'agit de : « La nef des fous », conservée au Louvre ; « Le Voyageur », à Rotterdam ;  « La mort de l'avare » ou « L'usurier », à Washington ; et « La Gloutonnerie » à New Haven. A côté d'oeuvres plus immensément connues, comme « Le Jardin des délices » et « Le Chariot de foin » (signé, mais que des historiens attribuent à un peintre de l'atelier), conservées toutes les deux au musée du Prado, ou des trois triptyques vénitiens prêtés par la Gallerie dell'Accademia ou le musée du Palazzo Grimani, le lecteur découvre avec ébahissement, dans ce numéro édifiant, combien l'oeuvre de Bosch est sujette à de très épineuses et délicates questions d'attributions et de chronologie, autant que susceptible de se prêter à un champ d'interprétations inépuisables.

L'événement, introduit par le commissaire de l'exposition Charles de Mooij, fait bruisser le petit monde de l'art car l'état des recherches a beaucoup progressé ces dernières années, révélant son lot de surprises. Les études récentes liées aux douze campagnes de restauration menées ici et là depuis 2009, ont permis en effet aux experts de mieux délimiter le périmètre des oeuvres attribuées à Jérôme Bosch, vingt tableaux et dix-neuf dessins en tout et pour tout, en l'état actuel des connaissances. Les résultats sont mis à la disposition du public dans l'imposante monographie qui accompagne l'exposition. Mais, à tous ceux qui ne pourraient la lire, ce numéro offre vraiment de quoi satisfaire toutes leurs curiosités. Deux dossiers passionnants, pour leurs aspects à la fois scientifiques, techniques et méthodologiques, documentent l'un, la restauration des triptyques vénitiens par la main experte de Maria Chiara Maida de l'Accademia de Venise, et l'autre, celle de « La Nef des fous », le seul Jérôme Bosch du Louvre acquis en 1918, racontée à plusieurs voix par l'équipe du Centre de Recherche et de Restauration des musées de France. Scotchant, pour ceux que le sujet intéresse.

Toutes considérations indispensables qui n'occultent en rien, bien entendu, l'essentiel : la belle composition visuelle de ce numéro chargée d'apporter son appui au décryptage d'un univers étrange (dans lequel le roi d'Espagne Philippe II voyait « une satire peinte des péchés et des délires des hommes »), remis au goût du jour au XXe siècle par les surréalistes. Car le répertoire absolument personnel de Bosch, dominé par une profusion de créatures fabuleuses ou monstrueuses, inquiétantes, frappe immédiatement, continue de fasciner et d'interroger le spectateur du XXIe siècle. L'évocation du contenu et de la symbolique complexe des grandes oeuvres est rendu accessible par les commentaires précieux de deux spécialistes, sans les lumières desquels elles resteraient probablement hermétiques. Leurs deux points de vue se complètent d'ailleurs parfaitement et restituent la cohérence de ces représentations au sein de l'oeuvre entier, affinant et précisant au passage l'image d'un artiste volontiers taxé d'ésotérique.

L'un, Frédéric Elsig, après l'exposé des éléments biographiques concernant le peintre et son atelier et les indispensables clés stylistiques permettant d'aborder l'oeuvre ("Qui est Jérôme Bosch"?), examine « L'au-delà selon Jérôme Bosch ». Autrement dit les idées philosophiques et religieuses qui alimentent ses « visions » et qu'illustrent les oeuvres majeures dites eschatologiques - où son imagination est totalement débordante -, telles les jugements derniers de Vienne et de Bruges, mais surtout le fameux triptyque du «Jardin des délices », conçu comme une réflexion possible sur la destinée humaine, la représentation d'une utopie en réponse à une question théologique posée au XVIe siècle (p.34) . Alexis Merle du Bourg explore, lui, à la fois une peinture religieuse nettement moins « excentrique », inspirée des épisodes de la vie de Jésus – Nativité, scènes de la passion, représentation des saints ou des prophètes – (« L'oeuvre de Dieu"), et une peinture d'inspiration profane, très populaire largement diffusée par des copies, narrative, en prise avec un monde hanté par le péché, dont les sujets empruntent aux croyances, proverbes, divertissements ou travers de l'époque, (« La part du diable »).

Bosch renouvelle ainsi la tradition flamande : verve satirique et fantaisie débridée au service d'un humanisme cependant foncièrement pessimiste, nourri aux sources littéraires de son époque (« L'ars moriendi », « La Nef des fous » de Sebastian Brant publiée en 1494, ou encore les manuscrits enluminés peuplant les scriptoria des nombreux monastères de Bois-le Duc). Dans la droite ligne du répertoire très populaire de Jérôme Bosch, Pieter Bruegel l'ancien reprend et adapte plus tard son illustre maître, assurant leurs deux passeports pour la postérité.

Comme à son habitude, le magazine renvoie in fine à un dossier complémentaire : page dédiée à Philippe le Beau, duc de Bourgogne et mécène ; quelques autres à la découverte du Brabant septentrional et de ses villes, pour un itinéraire touristique et artistique organisé en 2016 à l'occasion de l'année Bosch ; « La Nef des fous »  de Sebastian Brant : flash sur une oeuvre littéraire de grand succès, publiée en allemand en 1494, et un ultime contrepoint contemporain, hommage du plasticien Jan Fabre à Jérôme Bosch.

Incontournable lecture avant de se rendre à Bois-le-Duc.

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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Réputé ésotérique, voire hermétique en ce qu’il paraît parfois supposer un spectateur ayant fait l’objet d’une initiation, l’univers pictural de Jérôme Bosch continue à se prêter à une infinité d’interprétations incapables d’épuiser un œuvre hérissé de signes contradictoires. L’écoulement des siècles, l’enracinement de l’œuvre dans le terreau culturel fertile du Moyen Âge tardif, le caractère singulier d’un artiste qui eut d’innombrables émules, mais peu de devanciers véritables, enfin, le goût évident pour l’abstrus de l’intéressé, tout concourt à rendre la peinture de Bosch absconse et son élucidation ardue. Cela est assurément vrai pour ses œuvres les plus ambitieuses, lesquelles s’inscrivent dans la description hallucinée et maniaque d’un univers métaphysique transcendant une perception immédiate du monde. Ça l’est aussi pour des œuvres plus modestes par le propos et le dispositif mobilisé et relevant d’un registre moins évidemment religieux. Cette impression s’avère trompeuse, car ces peintures témoignent immanquablement d’un pessimisme drastique, d’origine monastique, qui conduit à porter sur l’humanité un jugement dépréciatif et à concevoir le monde comme un lieu foncièrement mauvais.

"Les tribulations des hommes. La part du diable", Alexis Merle du Bourg
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Le panneau central paraît lui aussi montrer l’Éden, puisqu’il est dominé par les quatre fleuves du paradis décrits dans la Genèse, mais il met en scène une multitude de jeunes hommes et femmes dans un état d’innocence, qui s’accouplent, mangent et s’adonnent à tous les plaisirs. Notons la présence singulière de femmes noires et l’échelle curieuse de certains animaux, comme les oiseaux qui paraissent surdimensionnés. Notons aussi certains détails amusants, comme le personnage enfermé dans une moule géante et dont le postérieur laisse échapper une perle, ou celui dont le postérieur sert de vase à fleurs. Il nous paraît aussi intéressant de relever que les constructions minérales qui se dressent sur les quatre fleuves évoquent les assemblages de naturalia et d’artefacta, les collections de coraux qui se développent au début du XVIe siècle dans le milieu habsbourgeois. Il n’en reste pas moins que le panneau central représente l’état de nature par opposition au volet droit qui réunit, en enfer, tous les objets fabriqués par la main de l’homme : outils, instruments de musique, etc. Au milieu de la nuit infernale surgit un monstre hybride, un homme-arbre dont le visage, peut-être celui du peintre, nous regarde, et qui porte sur la tête l’objet de ses obsessions : une cornemuse, métaphore usuelle de la luxure. Reste à observer un détail mis en exergue dans l’angle inférieur droit : une truie religieuse extorque un testament à un homme.

"L'Au-delà", Frédéric Elsig, à propos du Jardin des délices, conservé au musée du Prado
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La Nef des fous est probablement l'ouvrage le plus lu au début du XVIe siècle. Sa veine caustique trouve un écho parmi les prédicateurs catholiques et les réformés. Le personnage bouffonesque de Grobianus, patron des rustres, réapparaît dans les oeuvres de Thomas Murner comme dans celles du pasteur Friedrich Dedekind. En France, le pantagruélisme ressemble au grobianisme. Rabelais adopte cependant un regard bienveillant et amusé sur la condition humaine, s'inscrivant davantage dans la parodie que dans la critique. Dans le Quart Livre, l'épopée maritime des compagnons de Pantagruel est une variante joyeuse de La Nef. Erasme rejette également la gravité de Brant au profit d'un ton ludique. Son Eloge de la folie peut s'interpréter comme une réfutation du moralisme de La Nef des fous : la frivolité peut aussi conduire à la connaissance (p. 78).

La Nef des fous, chef d'oeuvre de la littérature humaniste
Delphine Mercuzot,
département des manuscrits
Bibliothèque nationale de France
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Quels éléments permettent d’attester, aujourd’hui, la paternité d’un tableau de Jérôme Bosch ?
Il existe une série de tableaux dont la paternité a été rendue indiscutable par les documents d’archives – par exemple, le Saint Jean l’Évangéliste conservé à Berlin et le Saint Jean-Baptiste de Madrid. Ce sont des œuvres de référence auxquelles ont pu être comparées les autres. Après avoir établi leur base de données, les experts se sont employés à définir les critères qui trahissent la présence de la main du peintre, mais c’est toujours un faisceau de résultats qui conduit à la certitude. Ainsi par exemple, une étude minutieuse a été conduite sur les oreilles des personnages ; elle a montré que Jérôme Bosch avait une certaine façon de les peindre. Une même analyse a été conduite sur sa manière de représenter le nez ou les mains.

Entretien avec Charles de Mooij, directeur du Noordbrabants Museum
Propos recueillis par Armelle Fayol
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Le dépouillement des sources écrites et l'analyse des oeuvres ou, plus précisément, du processus de création permettent de rectifier définitivement l'image d'un artiste marginal, tenté par l'ésotérisme. Jérôme Bosch est au coeur du système. Par sa formation, il s'inscrit parfaitement dans les normes qui régissent le métier de peintre. En fréquentant le réseau aristocratique à travers la Confrérie de Notre-Dame, il s'ouvre à la clientèle de la cour, pour laquelle il produit sur mesure des oeuvres d'une profonde originalité, qui lui assurent en retour un considérable succès commercial. Dès le début du XVIe siècle, son atelier répond ainsi à une demande croissante du marché de l'art, basé principalement à Anvers, entraînant nombre de copies et de pastiches jusqu'au milieu du XVIe siècle, apogée de ce goût incarné alors par Bruegel L'Ancien. (p. 22)

Qui fut Jérôme Bosch ? Un maître, plusieurs mains ?
Frédéric Elsig
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