À quel mouvement artistique rattacher Hubert Robert ? Comment le situer par rapport à ses contemporains, de Fragonard à David ? Son siècle est celui des Lumières. Imprimant en Europe des idées neuves qui marquent un tournant historique majeur, celles-ci ne définissent pas pour autant dans le domaine des arts une période : aussi ne parle-t-on pas de « peinture des Lumières ». Associées à la critique des pouvoirs, au développement du goût, à l’idée d’un public dont la faculté de juger doit être éduquée, elles contribuent à établir un nouvel équilibre entre raison et sensibilité, rationalité et « cœur ». L’homme des Lumières est un être vivant et sensible qui pense : un être esthétique, selon l’étymologie. Le changement est de taille : pensée et sensibilité ne sont plus opposées. L’expérience esthétique s’en trouve modifiée, et avec elle la conception de l’art et les choix des artistes. Ce sont les spécialistes de littérature qui, les premiers, introduisent l’adjectif « préromantique » qu’adopte à son tour l’histoire des idées. On considère que le romantisme en France domine les années 1820-1850. Les classifications nous aident à saisir comment et quand surgit une nouvelle ère. Le développement de l’histoire de l’art comme discipline implique d’expliquer les passages, de dégager des intervalles partiellement autonomes, sans toutefois rompre la continuité de l’histoire. « Préromantique » décrit moins la préparation du romantisme des années 1820-1850 qu’il ne désigne une époque artistique demeurée longtemps sans nom, ce long intervalle de la seconde moitié du Siècle des lumières. Hubert Robert y appartient pleinement.
Un paysagiste préromantique ?, Danièle Cohn
L’exposition d’un ensemble d’œuvres de Robert au Salon de 1767 suffit à l’imposer sur une scène parisienne aussi prompte à s’engouer qu’à se dégoûter. La peinture de ruines y tenait une place significative avec des tableaux comme le Bassin entouré d’une colonnade, peut-être identifiable avec la version de l’Ermitage ou encore le Pont sous lequel on voit les campagnes de la Sabine (Philadelphie). La réputation de celui que l’on surnommera « Robert des ruines » (encombrant surnom, dont le peintre finira par se prévaloir jusque dans son testament) se cristallisa soudain.
"Robert des ruines", Alexis Merle du Bourg