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André Markowicz (Traducteur)
EAN : 9782742730971
379 pages
Actes Sud (09/01/2001)
3.85/5   43 notes
Résumé :
Ce livre est plus connu sous le titre «Le bourg de Stépantchikovo et sa population».Par une lettre, le narrateur est invité à rejoindre son oncle de toute urgence dans le village de Stépantchikovo, où il devra épouser une jeune gouvernante qu'il n'a pourtant jamais vue. Rendu sur les lieux, il pense se trouver dans un asile de fous : l'entière maisonnée est soumise à la tyrannie imbécile d'un tartuffe de province, animé d'une haine inexpugnable envers le monde qui a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Selo Stépantchikovo i évo obitatli
Traduction : André Marcowicz

ISBN : 9782742730971

Roman souvent trop méconnu de son auteur, "Le Bourg de Stépantchikovo ..." poursuit dans la veine comique du "Rêve de l'Oncle" mais, outre qu'il fait près de trois-cent-quatre-vingts pages, les lecteurs le trouveront, au choix, soit moins, soit plus grinçant que le précédent. Enfin, cela dépend des moments car, s'il est vrai que les protagonistes majeurs des récits, qu'il s'agisse de Maria Alexandrovna dans "Le Rêve ..." et de Foma Fomitch Opiskine, dans "Le Bourg ...", appartiennent tous deux à l'espèce des Tartuffe et des donneurs de leçons, toujours prêts à se croire persécutés et / ou à tramer des complots pour parer aux persécutions dont ils se croient victimes, Opiskine est cependant nettement plus sincère que la mère éplorée rêvant de faire de sa fille, et ce, par tous moyens, une princesse mariée à un vieillard sénile.

C'est un peu comme si Dostoievski avait repris son canevas, l'avait approfondi, modifié certains détails essentiels et produit non pas une suite mais une sorte d'aboutissement particulièrement peaufiné.

Ici aussi, dès le départ, il est question de mariage, entre le narrateur et la gouvernante de son oncle, le colonel en retraite Iégor Illitch Rostaniev, lequel s'est installé en son domaine de Stépantchikovo pour y passer la fin de sa vie. le narrateur, dont le nom nous restera toujours inconnu à la différence du prénom, Sergueï et de son diminutif, Sérioja, n'est pas mécontent de se marier et surtout de revoir son oncle et sa famille et se rend donc à Stépantchikovo où, en tous cas au domaine, il lui semble débarquer dans une véritable maison de fous.

C'est que son oncle a recueilli tout d'abord sa mère, l'insupportable générale Krakhotkine, lorsque celle-ci est devenue veuve et que la bonne dame s'est amenée avec toute une petite cour de parasites qu'elle vénère et encense tous les jours que Dieu fait en recommandant à son fils de suivre leur avis en tous les domaines. Parmi la bande, Melle Perepiellitsyna, dame de compagnie de la générale et surtout ce personnage, inspiré de Tartuffe mais parlant cependant beaucoup moins religion, semi-honnête et dévoré par un complexe très net d'infériorité qu'est Foma Fomitch Opiskine, dont le but, dans la vie, est, selon ses propres dires : "de démasquer, au nom de Dieu, le monde entier dans ses ignominies."

Vous imaginez le programme et ses conséquences ...

Le colonel, homme bon mais faible, se laisse entièrement dominer par sa mère et Opiskine et se plie à tous leurs caprices en matière d'éducation, d'exploitation agricole, d'achat et de vente de serfs ... Il n'est pas jusqu'à la composition des menus ou les partitions à jouer sur lesquels Opiskine n'ait un avis toujours opposé à celui du colonel mais devant lequel s'extasient la mère de celui-ci, sa dame de compagnie et, en général, toute leur suite dont un certain Paul Siemyonitch Obnoskine, séduisant parasite de vingt-cinq ans qui, ayant besoin d'argent, va semer le scandale dans le domaine.

Le roman alterne scènes comiques, humour souvent noir et une gravité profonde qui n'est pas encore celle des grandes oeuvres de Dostoievski. Si l'on rit de sa faiblesse, on ne peut que plaindre le malheureux colonel en retraite, détester sa mégère de mère et soutenir à fond les deux enfants du colonel, Sacha (seize ans) et Illioucha (huit de moins). Ceux-ci n'en peuvent plus de voir leur père sans cesse humilié et rabaissé par Opiskine, l'un des personnages les plus curieux qu'ait créé l'auteur, en qui se mêlent un sadisme incontestable, une manque de confiance en soi (probablement en raison de ses origines), une profonde érudition et une véritable manie de faire la leçon à tout le monde sur tout et rien.

Opiskine critique toutes et tous - sauf ses rares privilégiés. A peine arrivé, Serioja lui fait mauvais effet et, pour la jeune gouvernante, Nastassia Yevgrafobna, fille du serf Yéjévikine, lui aussi humblement soumis (quoique râlant à mi-voix) au tout-puissant Opiskine, il préfèrerait de beaucoup Obnoskine, "un homme bien."

Mis à part que l'"homme bien" enlève une vieille fille fort sympathique ma foi, parce que toujours gaie, mais guère intelligente, de dix ans son aînée, Tatiana Ivanovna, dont la richesse attire la convoitise et du fils et de sa mère, Anfissa Piétrovana Obnoskina, qui faisait partie elle aussi du cercle intime de la générale Krakhotkine ...

Le scandale est indicible. Je préfère vous laisser lire ses péripéties pour vous en faire une idée exacte et, bien entendu, renverse la situation du tout au tout.

Néanmoins, tout se terminera assez bien et Opiskine, ayant rabattu un peu de sa superbe, restera l'hôte du colonel tandis que, ô surprise et coup de théâtre final, c'est Rostaniev lui-même qui finit par épouser la jolie gouvernante.

Froid, désagréable, sachant toujours tout mieux que les autres, volontiers snob et affichant une supériorité intellectuelle exaspérante mariée à une humilité réelle ou feinte, Opiskine annonce les grands personnages qui vont peupler les livres à venir. A noter que, tout comme par exemple chez le juge Porphiri (Porphyre) Pétrovitch de "Crime & Châtiment", une ambiguïté terrible caractérise Opiskine, capable de gestes nobles et bons, capable aussi de raisonner. La différence, bien sûr, c'est que le juge est en quelque sorte obligé de se montrer ambigu alors qu'Opiskine ne l'est pas. Peut-être en fait vaudrait-il mieux le rapprocher des Pavel Troussotzki et Alexei Veltchaninov du remarquable "Eternel Mari", dont l'ambiguïté foncière, au-delà la mort de la petite Lisa, a quelque chose d'infiniment plus choquant que celle du juge Porphiri Petrovitch et de celle, issue d'un navrant complexe d'infériorité soigneusement occulté, de Foma Fomitch Opiskine.

A moins d'être un inconditionnel de son auteur, vous n'avez certainement pas lu "Le Bourg de Stepantchikovo & Sa Population ..." Ce faisant, vous êtes passé à côté d'un roman qui assure la liaison entre les oeuvres du début de la carrière de Dostoievski et celles de sa maturité. Franchement, vous auriez tort de vous priver. Alors, faites un petit effort ... ;o)
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Ce roman reste aujourd'hui l'un des plus méconnus de DOSTOÏEVSKI, il est temps de lui rendre justice.

« le Bourg de Stépantchikovo et sa population » est singulier pour ne pas dire unique dans l'oeuvre de Fédor DOSTOÏEVSKI. Rédigé en 1859, soit quelques années après le retour du bagne de l'auteur, il est aussi antérieur à tous les grands romans fresques qui ont hissé DOSTOÏEVSKI au sommet de la littérature mondiale. D'ailleurs, est-ce vraiment un roman ? Car son atmosphère, piaillante et bruyante comme une grande partie de l'oeuvre du russe, est éminemment théâtrale, entre théâtre de boulevard et drame sociétal. Farce grinçante en même temps que comédie de moeurs sadique, « le Bourg de Stépantchikovo et sa population » est une sorte de petit chef d'oeuvre dans le style, découpé en deux parties distinctes.

Le narrateur Sergueï Alexandrovitch, 22 ans, est aussi le neveu de Iégor Illitch Rostanev, brave homme veuf et héritier du village de Stépantchikovo. Sergueï Alexandrovitch quitte St Pétersbourg et s'apprête à rejoindre son oncle lorsqu'il apprend qu'un certain Foma Fomitch Opiskine, être visiblement abject, est venu s'installer sur le domaine. Les rumeurs vont alors bon train, alors que le narrateur fait halte près du bourg avant son arrivée. Il tombe enfin dans les bras de son oncle et les discussions sont toujours axées autour de Foma Fomitch, personnage central mais que pourtant l'auteur ne montre en direct qu'à partir de la fin du premier tiers du livre.

L'oncle Iégor, homme effacé, timide, soumis, père de deux enfants, ne souhaite pas se remarier. Sa mère vit avec lui et elle est littéralement envoûtée par Foma Fomitch. Mais Foma Fomitch, homme tyrannique et acariâtre, est un jour humilié devant témoins. Une profonde animosité entre Iégor et Foma se met alors en place… Et le ton du récit change radicalement.

Mettant en scène de nombreuses séquences d'humiliations, préfigurant ainsi « Humiliés et offensés » rédigé deux ans plus tard, DOSTOÏEVSKI entache perpétuellement ses personnages de mauvaise foi. Gouailleurs, cancaniers, vils, belliqueux, ils représentent ce que la société russe connaît de pire. Tableau de portraits effrayants d'un monde à la dérive, entre satire et bouffonnerie, dépeignant des êtres lâches, pathétiques, faibles et manipulateurs, couards et n'hésitant pas à détester leur propre personne en public pour mieux attirer l'attention sur eux et faire pitié.

Mais ce qui porte d'une force prodigieuse ce roman de moeurs, c'est inévitablement le style et le rythme imposé par l'auteur. DOSTOÏEVSKI, plus que jamais ici, use de l'écriture orale, pour laquelle il possède un don certain, renforce l'aspect théâtral et grotesque. Il s'exprime comme le peuple, fait parler haut et fort ses personnages, leur donne une libre parole, leur laisse le crachoir dans un rythme endiablé. Et nous atteignons des sommets de littérature.

« le Bourg de Stépantchikovo et sa population » est sans doute l'oeuvre de DOSTOÏEVSKI la plus proche de l'univers de GOGOL (auteur qu'il admirait) : situations absurdes, héros pathétiques, scènes de pure bouffonnerie : « … il me déplut beaucoup, juste en passant la porte et en apercevant toute la société autour du samovar, de soudain me prendre le pied dans le tapis, de chanceler, et, en luttant pour ne pas tomber, de me retrouver soudain au milieu de la pièce. Honteux comme si, d'un coup, j'avais ruiné toute ma carrière, mon honneur et ma réputation, je restais là sans bouger, rouge comme une écrevisse et posant un regard absurde sur l'assemblée. Je mentionne cette aventure, complètement insignifiante en elle—même, uniquement parce qu'elle eut une influence extrême sur mon humeur pendant quasiment toute la journée et, donc, sur mes relations avec certains des personnages de mon récit ».

Ce roman follement cynique pourrait paraître presque improvisé tant il « part dans tous les sens ». Pourtant il me paraît élaboré jusqu'au moindre détail. Je ne parviens pas à imaginer que l'arrivée du personnage principal se situe par hasard exactement au premier tiers de l'histoire, et son humiliation au milieu, quasi à la page près. Au fil de l'histoire, le ton s'assombrit, le climat plonge dans une tension noire, devient l'un de ces textes que l'on pourrait appeler « à la Dostoïevski », tout en gardant son aspect théâtral, mais devenant malséant, nous obligeant à suivre avec horreur les scènes les plus choquantes.

Et puis il y a la cerise sur le gâteau, cette traduction incroyable de André MARKOWICZ, qui a opté pour la traduction dans la tradition : tout traduire, les redites comme les hésitations, qui sont comme une signature chez DOSTOÏEVSKI : « Quarante ans que je vis, et, jusqu'à présent, jusqu'au moment où je t'ai connu, je m'étais toujours dit que j'étais, bon, un homme… enfin, et tout ça, quoi, comme il faut. Et je ne remarquais même pas que j'étais plus pécheur que le bouc, un égoïste de première grandeur, que je n'avais fait que du mal, je m'étonne encore que la terre me supporte ! ». Car tout DOSTOÏEVSKI est dans ces longs dialogues, monologues parfois, le génie se cache dans ces tirades folles, qui sont un feu d'artifice en même temps qu'une déchirure pathétique des protagonistes.

Peut-être mieux que quiconque, DOSTOÏEVSKI avait vu les travers, jusqu'au moindre détail, de ses contemporains, ici il l‘exprime dans un livre hybride : entre théâtre et roman, drame profond et comédie hilarante et jubilatoire, entre légèreté et tragédie. Ce texte est un chaînon évident entre les deux DOSTOÏEVSKI distincts, celui d'avant le bagne, celui d'après. Il n'est pas encore mystique, pas encore « halluciné », et il est évident qu'il prend un immense plaisir à écrire cette histoire, lui que d'habitude on sent tiraillé, torturé par la moindre idée qu'il a à mettre en scène. Ici il se lâche, il se déploie, il fait oeuvre de liberté, il s'amuse comme un gosse. Ce roman mériterait une reconnaissance égale aux principaux chefs d'oeuvre de l'auteur, il n'a rien à leur envier, malgré un ton à l'opposé de ses grandes fresques, en tout cas dans la première moitié du roman. Pourtant, il fut fort mal accueilli lors de sa parution, DOSTOÏEVSKI ayant soit disant perdu son génie, le bagne l'ayant transformé et rendu médiocre. Personnellement, je vois dans ce roman une vraie passerelle entre ses oeuvres passées et futures (en gros l'avant et l'après bagne).

« le Bourg de Stépantchikovo et sa population » se doit d'être lu dans une traduction de MARKOWICZ pour prendre toute sa force. D'ailleurs, il y a longtemps, j'avais lu ce texte dans une autre traduction, l'avait apprécié, mais pas à sa juste valeur. Ici il colle au plus près du style, de la réalité de DOSTOÏEVSKI. Je place ce roman très haut dans son oeuvre, dans le peloton de tête. Pourtant il n'est jamais cité nulle part en référence, est même considéré comme une oeuvre ratée et mineure, permettez-moi d'y entrevoir une certaine injustice, ou bien mes goûts sont d'une subjectivité aveugle. Mais ce qui me met en rage, c'est qu'il me fut offert par l'un des plus grands amis que j'ai sur Terre (pensez donc, 36 années d'amitié indéfectible !), et que la couverture du livre en question est introuvable sur cette satanée toile, il me faut donc me rendre à l'évidence et partager un visuel qui n'a rien à voir avec celui que je possède, à mon grand désarroi. Pause.

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Ce roman de 1859 a plusieurs titres : le bourg de Stièpantchikovo et sa population, ou Stièpantchikovo et ses habitants, Mémoire D un anonyme, ou encore Carnet d'un inconnu (Stépantchikovo).
L'anonyme ou l'inconnu en question est le jeune narrateur, Serge Alexandrovitch dit Serioja, âgé de vingt-deux ans et étudiant à Saint-Pétesbourg. Il est appelé à Stépantchikovo par une lettre de son oncle, veuf et colonel à la retraite, qui lui demande de venir pour des affaires importantes. Serioja s'inquiète, il aime beaucoup son oncle qui s'est occupé de lui dans son enfance, et il connaît son immense capacité à être conciliant car il sait qu'il est « bon à donner sa chemise à la première réquisition ». Retiré à la campagne avec sa fille de quinze ans, Sachenka, et son fils de huit ans, Ilucha, cet oncle recueille sa mère après la mort de son second mari devenu impotent, et d'un caractère méprisant, impatient et impitoyable, auquel pourtant elle vouait une adoration due à son titre de général. La mère du colonel s'installe chez son fils affublée de Foma Fomitch Opiskine, qui fut le lecteur du général à la fin de sa vie, ainsi que de quelques « dames pique-assiettes ». La maison de Stépantchikovo devient alors une véritable « arche de Noé ».
Foma Fomitch est le personnage principal du roman. Agé d'une cinquantaine d'année, égocentrique et jaloux, il se venge de ses années de misère et d'humiliation comme bouffon et souffre-douleur par d'incomparables aptitudes de parasite , il joue comme un virtuose de l'admiration de la générale et des dames pique-assiettes, ainsi que de la bonté du colonel toujours prompt à reconnaître des torts imaginaires. Tout le talent de Foma Fomitch est maintenant au service de sa propre mise en scène. Il fait appel à la morale, à Dieu, feint de ne rien demander pour lui-même, d'être au service des autres. Ce faisant, il s'installe confortablement, et prétend régenter la vie du colonel, ses amours, et son futur mariage.
Quand Sérioja arrive à Stépantchikovo, il est pris dans le tourbillon d'une maison de fous, traversée de psychodrames incessants, d'intrigues et de manoeuvres secrètes, dans une atmosphères tendue de cris, de larmes et de portes qui claquent. Il en conçoit maux de tête et désespoir de comprendre ce qui se trame, quand bien même il juge Foma Fomitch et les manigances dont est victime son oncle à leur juste valeur.
Stépantchikovo est un roman très drôle, le texte est savoureux, on se laisse emporter dans le tourbillon, on apprécie les descriptions toujours très fines des caractères et des personnages , le dénouement de la crise est surprenant, et on admire enfin l'adaptation de Foma Fomitch à une situation qui s'était brusquement retournée contre lui.
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Je suis un peu partagée à propos de ce livre.... Ici, nous découvrons un Tartuffe à la russe, mais un Tartuffe de classe internationale. Il a complètement pris sous sa coupe toute la maison de l'oncle du narrateur, pourtant un ancien soldat qui devrait avoir plus de poigne, et terrorise son petit monde en prétendant perpétuellement qu'il va les abandonner s'ils ne rampent pas à ses pieds. Toujours pour leur bien en plus, parce qu'il est, lui, pur, noble, pieux, etc
Alors certes, c'est parfois très drôle. L'écriture est extraordinaire.
Mais....et bien au bout d'un moment, je n'ai plus supporter que le narrateur passe son temps à expliquer comme son oncle est bon, noble et tout. Se laisser manipuler par le bout du nez est une chose, mais il laisse le pique-assiette maltraiter sa famille. Sa fille de quinze ans en a honte, proteste dans l'une des premières scènes quand le narrateur arrive sur les lieux de la comédie de cette maisons de fous. L'oncle n'est pas bon, il est horriblement faible et laisse sans protection ceux qui en ont besoin.
J'ai aimé le livre et détesté beaucoup des personnages, et bonjour le drôle de mélange!
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Avec mon oncle, les conversations étaient d'un autre genre.

- "Avant, vous étiez qui ?" demande par exemple Foma, après un repas plantureux, installé dans un fauteuil moelleux (et il y a un serviteur derrière le fauteuil qui, avec une branche de tilleul toute fraîche, chasse les mouches au dessus de lui). "A qui vous ressembliez avant moi ? Maintenant, j'ai quand même jeté en vous une étincelle de ce feu divin qui brûle à présent au fond de votre âme. Je vous l'ai jetée, cette étincelle du feu divin, oui ou non ? Répondez, je vous l'ai jetée, oui ou non, l'étincelle ?"

A dire le vrai, Foma ne savait pas lui-même pourquoi il avait posé cette question. Mais le silence et la confusion de mon oncle l'avaient excité à l'instant. Lui qui avait été si écrasé et si patient, il s'enflammait à chaque fois comme de la poudre à la moindre contradiction. Le silence de mon oncle lui avait paru offensant, et, à l'instant, il insistait pour obtenir une réponse.

- "Répondez donc : elle brûle en vous, oui ou non, l'étincelle ?"

Mon oncle se tortille, se torture, ne sait quoi entreprendre.

- "Permettez-moi de vous faire remarquer que j'attends," remarqua Foma, d'une voix offensée.

- "Mais répondez donc, Iégorouchka *!" reprend la générale, en haussant les épaules.

- "Je vous le demande : elle brûle, en vous, cette étincelle, oui ou non ?" répète Foma d'un air condescendant, prenant un bonbon dans la bonbonnière, laquelle est toujours placée sur la table devant lui. Cela, c'est une disposition de la générale.

- "Je te jure, j'en sais rien, Foma," répond enfin mon oncle avec un regard désespéré. "Je suppose qu'il y a quelque chose dans ce genre-là. Tu sais, tu ferais mieux de ne rien me demander, je serais encore capable de répondre des bêtises ...

- Parfait ! Alors, d'après vous, je suis insignifiant au point que je ne mérite pas de réponse - c'est cela que vous avez voulu dire ? Eh bien, parfait, j'accepte d'être rien.

- Mais enfin, Foma, mais au nom du Ciel ! Quand est-ce que j'ai dit ça ?

- Non, c'est justement cela que vous avez voulu dire.

- Mais je te jure que non !

- Parfait ! je veux bien être un menteur ! donc, d'après votre accusation, je cherche exprès des raisons de disputes ; cela aussi, ça s'ajoutera à la liste des offenses. Je supporterai tout ... [...]

* : en français dans le texte original
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[...] ... - "Alors, vous pensez que ça ne manquera pas de se faire, ce mariage dégoûtant, contre nature, avec cette imbécile folle ?"

Mizintchikov me scruta du regard.

- "Les crapules !" m'écriai-je avec fougue.

- Remarquez, leur idée est assez fondée : ils affirment qu'il doit faire quelque chose pour sa famille.

- Parce qu'il n'en a pas assez fait !" m'écriai-je, indigné. "Et vous, vous pouvez dire que c'est une idée solide - épouser une imbécile vulgaire !

- Bien sûr, je suis d'accord avec vous, c'est une imbécile ... Hum ! C'est bien que vous aimiez tellement votre oncle ; je compatis ... même si, avec son argent à elle, lui, son domaine, on peut se l'arrondir drôlement ! Remarquez, ils ont aussi d'autres raisons : ils ont peur que Iégor Ilitch n'aille épouser cette gouvernante ... vous vous souvenez, la jeune fille, là, bien intéressante ?

- Mais ... est-ce que c'est vraisemblable, ?" demandai-je, très ému. "Je pense que c'est une calomnie. Dites-moi, au nom du Ciel, ça m'intéresse au plus haut point ...

- Oh ! il est amoureux fou ! Seulement, bien sûr, il le cache.

- Il le cache ! Vous pensez qu'il le cache ? Bon, mais elle ? Elle, elle l'aime ?

- Elle aussi, c'est très possible. Remarquez, elle, elle ne peut qu'y gagner, à ce mariage : elle est très pauvre.

- Mais quels faits avez-vous pour confirmer votre hypothèse, qu'ils sont amoureux l''un de l'autre ?

- On ne peut pas ne pas le remarquer ; de plus, je crois qu'ils ont des rendez-vous secrets. On affirme qu'ils entretenaient une liaison illicite. Seulement, je vous en prie, n'en parlez pas. Je vous le dis sous le sceau du secret.

- Peut-on y croire ?" m'écriai-je. "Et vous, et vous, vous m'avouez que vous y croyez ?

- Bien sûr, je n'y crois pas entièrement, je n'y étais pas. Remarquez, c'est très possible. [...]
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Imaginez-vous un petit homme, le plus insignifiant, le plus lâche, un vrai débris de la société, dont personne n'a rien à faire, qui est complètement inutile, complètement dégoûtant, mais est empli d'un amour-propre sans limite et qui, de plus, se voit privé absolument du moindre don qui pourrait justifier ne serait-ce qu'un tant soit peu cet amour-propre maladivement exaspéré. Je préviens à l'avance : Foma Fomitch est l'incarnation de l'amour-propre le plus illimité, mais, en même temps, d'un amour-propre particulier, à savoir, justement, celui qu'on ressent dans une nullité des plus totales, et, comme cela arrive généralement dans ces cas-là, un amour-propre humilié, écrasé par tout une série d'échecs terribles, qui purulent depuis longtemps et font suinter de vous l'envie et le fiel à la moindre rencontre, à la moindre réussite dont vous êtes le témoin. Inutile d'ajouter qu'à tout cela vient se mêler la susceptibilité la plus monstrueuse, la méfiance la plus délirante.
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A ses débuts, Dostoïevski avait présenté des personnages de ce genre avec une certaine sympathie, parfois teintée d’une condescendance ironique, comme dans Le Double, dans la dernière œuvre écrite avant son départ pour la Sibérie, Netotchka Nezvanova, il souligne que le ressentiment du musicien raté Efimov contre la terre entière n’a aucune cause sociale. Ce roman marquait une évolution : le personnage tendait à endosser lui-même la responsabilité morale des conséquences de ses actes. Avec Foma Fomitch, Dostoïevski remet directement en cause les présupposés moraux philanthropiques de l’école naturelle, dont il avait quelques temps épousé les valeurs.
P. 260
Il est néanmoins possible de rattacher ce personnage a un thème déjà présent dans Netotchka Nezvanova. En mettant en scène Efimov, Dostoïevski soulignait la nécessité de surmonter la réaction instinctive du moi humilié, qui est de rendre les coups reçus ; chaque épisode important du roman illustrait d’une certaine façon les conséquences néfastes de l’incapacité à dépasser le ressentiment et les ravages d’un égoïsme incapable de pardon ou de pitié. Dans Le Bourg de Stépantchikovo et sa population, Dostoïevski essaie d’incarner pour la première fois l’idée dans un personnage positif, qui est sa première tentative visant à créer l’idéal de l’ « homme parfaitement bon » auquel il revient à plusieurs reprises par la suite. La juxtaposition et l’association de Foma et du colonel – l’opposition frontale entre un membre de l’intelligentsia égocentrique et une âme simple de Russe, débordant de charité et d’amour – est un modèle qui devait être repris dans d’autres ouvrages.
p. 262
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J’avoue que je n’étais pas tranquille. Mes rêves romantiques m’apparurent assez sots dès mon arrivée à Stépantchikovo. Il était près de cinq heures de l’après-midi. La route longeait le parc de mon oncle. Après de longues années d’absence, je retrouvais le grand jardin où s’était si vite écoulée une partie de mon heureuse enfance et que j’avais tant de fois revu en songe dans les dortoirs des lycées. Je sautai de ma voiture et marchai droit à la maison. Mon plus grand désir était d’arriver à l’improviste, de me renseigner, de questionner, et avant tout de causer avec mon oncle.

Je traversai l’allée plantée de tilleuls séculaires et gravis la terrasse où une porte vitrée donnait accès de plain-pied dans la maison. Elle était entourée de plates-bandes, de corbeilles de fleurs et de plantes rares. J’y rencontrai le vieux Gavrilo, autrefois mon serviteur et maintenant valet de chambre honoraire de mon oncle. Il avait chaussé des lunettes et tenait un cahier qu’il lisait avec la plus grande attention.

Comme nous nous étions vus deux ans auparavant lors de son voyage à Pétersbourg, il me reconnut aussitôt et s’élança vers moi les yeux pleins de larmes joyeuses. Il voulut me baiser la main et en laissa choir ses lunettes. Son attachement m’émut profondément. Mais, me souvenant de ce que m’avait dit M. Bakhtchéiev, je ne pus m’empêcher de remarquer le cahier qu’il avait dans les mains.
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