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EAN : 9782742737635
59 pages
Actes Sud (30/11/-1)
3.97/5   484 notes
Résumé :

"Je suis un homme ridicule. Maintenant, ils disent que je suis fou. Ce serait une promotion, s'ils ne me trouvaient pas toujours aussi ridicule. Mais maintenant je ne me fâche plus, maintenant je les aime tous, et même quand ils se moquent de moi…"

Lassé du monde, détourné du suicide par une rencontre fortuite, le héros de ce monologue imprécatoire plonge dans un profond sommeil. Son rêve le conduit alors vers un univers utopique, un double de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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Essence pure de Dostoïevski, un condensé de son génie, cette nouvelle. Plus connu pour ses énormes romans, l'auteur russe signe là une nouvelle, très courte mais grandiose. Nous suivons les élucubrations d'un homme qui se dit être ridicule (le terme de ridicule au début du livre est confus…nous savons juste que plus il apprend des choses, plus il se dit être ridicule. C'est pour moi la conscience de notre petitesse face à la science et au savoir). Tentant de prendre de la distance pour devenir du rien, un zéro absolu jusqu'au fond de son âme, sans émotion et sans sentiment, il est prêt à se suicider. le revolver est acheté depuis deux mois, et une nuit particulière sera la bonne : « le ciel était terriblement obscur, mais on pouvait nettement distinguer les nuages, avec, entre eux, des taches noires insondables. Tout à coup, dans une de ces taches noires, j'ai remarqué une toute petite étoile, et je me suis mis à la regarder fixement. C'était parce que cette toute petite étoile m'avait donné une idée : j'ai décidé de me tuer cette nuit-là. ».

Pourtant, la rencontre inopinée avec une petite fille désespérée cette même nuit, détresse qu'il va ignorer et mépriser, fera surgir chez notre homme, face à son revolver, de multiples pensées et interrogations ; il finira par s'endormir. Alors, en rêve, lui est révélée la Vérité.

Dostoïevski nous transmet un message universel, celui du rejet d'une vie guidée par la raison et celui de l'Amour brut, viscéral. « La conscience de la vie est supérieure à la vie, la connaissance des lois du bonheur – supérieure au bonheur, voilà ce qu'il faut combattre ! ». Vivre les choses sans les intellectualiser, être heureux sans savoir pourquoi nous le sommes. L'Amour n'a pas de raison. le narrateur, suite à ce rêve, non seulement décide de vivre mais de prêcher cet Amour. Il devient alors ridicule mais le terme de ridicule prend à la fin de la nouvelle une toute autre signification : ridicule d'y croire, ridicule d'avoir cet espoir d'un retour du paradis perdu, ridicule d'aimer ceux qui se moquent de lui.

Nouvelle messianique, christique…ou plutôt critique du christianisme. Notre personnage critique ce paradoxe de vouloir à la fois ériger des temples, de prier pour un paradis alors que les fidèles font tout pour ne pas le faire advenir : « ils voulurent tellement redevenir innocents et heureux, l'être une fois encore, qu'ils succombèrent devant le désir de leur coeur, comme des enfants, déifièrent ce désir, érigèrent des temples, et se mirent à prier leur propre idée, leur propre “désir”, tout en croyant pleinement, dans le même moment, qu'il était impossible et irréalisable, mais l'adorant jusqu'aux larmes et se prosternant devant lui. ». Suffit-il de croire en un Dieu pour ensuite ne pas vivre selon ses préceptes ?

J'ai aimé dans cette nouvelle son côté fantastique, l'importance accordé au rêve. L'écriture fluide, directe. le ton ironique. A lire pour découvrir le talent de nouvelliste de Dostoïevski, à lire les yeux fermés !
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Si Dostoïevski est plus connu pour ses - énormes - romans, voici une nouvelle certes bien plus courte mais non moins exceptionnelle.
Nous voici, nous, lecteurs, plongés dans l'âme d'un homme moqué par tous, qui est et se dit ridicule. Acceptant la fatalité, il tente alors de se détacher petit à petit du Monde pour devenir jusqu'au fond de son âme, un zéro absolu, sans réelle pensée, sans émotion, sans attachement aucun à la Vie. C'est ainsi qu'un jour, se promenant dans la rue, il prend la décision de se suicider le soir même. Mais une fois assis, le revolver devant lui, il s'endort et alors lui est révélée la Vérité.

Ce petit ouvrage se lit fort rapidement et est tout à fait formidable. Prônant un message universel, Dostoïevski nous fait le portrait d'un narrateur, qui, transformé par son songe, est animé par le rejet d'une vie guidée par la raison, et prône l'Amour brut, sans conscience de lui-même. Il veut que les Hommes vivent la vie telle qu'elle est, menant ainsi au bonheur, plutôt que de continuellement rechercher ce qu'est la vie; et place la vie au-dessus de la conscience de la vie, et le bonheur au-dessus de la connaissance de ce qui fait le bonheur. Et ainsi, le plus naturel des sentiments de la Vie, qui mène au bonheur, hors de toute raison, est l'amour. le narrateur décide donc de prêcher l'amour, et privilégie la foi à la connaissance. Si croire est un acte naturel et irrationnel (propre à la nature de l'Homme, et donc inhérent à la vie), la raison qui privilégiera plutôt la connaissance de toute chose ne peut mener au bonheur qui est pourtant ici le bien suprême

Je ne peut que recommander cette nouvelle à tous, lecteur de Dostoïevski ou pas !
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I Have A Dream. Dostoïevski signe ici une courte nouvelle fantastique et engagée sur la place de la religion dans la vie des hommes à la fin d'une ère de forte industrialisation qui a vu la science et la rationalité succéder à la foi et à l'ésotérisme.

Ce texte m'as fait penser (excusez cette petite fantaisie, mais en littérature tout est permis) au Monsieur Scrooge de Dickens qui renaît à la vie en une nuit, porté, comme notre narrateur, par une sorte de fantôme dans un songe initiatique.

Je suis toujours un peu perplexe face à la genèse d'une humanité pure et bonne. Cet historique de la naissance de la corruption du monde est quelque peu manichéen. Mais peut-être a-t-il le mérite de nous montrer que chez l'homme la bonté est instinctive et même si le monde est corrompu, les hommes gardent ce désir utopique et cette conscience de ce que le monde devrait et pourrait être, et cet instinct Dostoïevski l'explique par l'allégorie du paradis perdu.

Par la foi retrouvée, l'ancien nihiliste nous propose sans suspense (suffit hélas de lire la 4ème de couverture) d'arrêter de réfléchir, de penser, d'analyser et plutôt d'agir pour la vie, pour les autres et pour le bonheur sans se perdre dans des pérégrinations mentales sans fond sur la connaissance, le savoir et la science.

Certes le narrateur est touché par la grâce divine, mais on aurait tort de ne pas voir dans cette nouvelle une critique féroce de la religion et notamment du christianisme. En effet notre narrateur fustige le paradoxe de ces fidèles qui érigent des temples et prient pour un paradis sans être fichus de le faire advenir hinc et nunc, dans cette vie. Les peuples croient tout à fait possible un monde parfait dans l'au-delà et s'abritant derrière cette croyance renoncent à le faire éclore sur la terre. Comme s'il suffisait d'adorer un Dieu pour se dispenser de vivre selon ses préceptes.

Pour finir sur la forme, je vous parlerai des deux écoles de traduction, la française et l'allemande (Actes Sud) par André Markowicz. J'ai appris que si la tradition française est d'adapter le style de l'auteur à la langue et la culture française quitte à le dénaturer (enrichir le vocabulaire, langage soutenu, tournures de phrase alambiquées etc.) afin de le rendre plus fluide et attractif pour le public français, la tradition allemande met un point d'honneur à restituer la langue de l'auteur dans toute son originalité. J'ai désormais le souci de trouver la meilleure traduction pour éviter le maximum de perdition de l'oeuvre originale sauf que j'avais déjà acheté ce livre avant de prendre conscience de ces différentes traductions ! Au final tout va bien j'avais l'édition d'Actes Sud avec la traduction « à l'allemande » qui me parait être la meilleure philosophie (d'ailleurs : qu'en pensez-vous ?).

Le style est très vivace, saccadé, excité, empreint d'ironie et sans boursouflures. le fantastique, c'est-à-dire la part du rêve, est pittoresque. Cela permet au lecteur de vivre de manière vertigineuse le songe du personnage. En perspective : de belles réflexions sur l'onirisme et l'état psychosomatique du sommeil paradoxal. A lire les yeux fermés !
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Voilà un livre bien étrange …

D'abord j'ai eu beaucoup de mal à comprendre ce qu'il fallait entendre par « homme ridicule »…. Faut-il comprendre « homme qui fait l'expérience de l'absurdité », un peu à la façon de Camus ? Et je penchais pour cette définition, surtout quand le protagoniste nous dit que plus il fréquente l'université plus il prend conscience de son ridicule et qu'il ajoute que tout lui est égal.

Ou devrait-on plutôt parler d'un homme qui refuse de jouer la comédie humaine, de donner le change, un homme mal adapté à son environnement ou à la vie, plus simplement, plus largement ? Qu'en aurait pensé ce cher Darwin ?

Ou alors plus simplement il s'agit peut-être d'un homme un peu naïf qui croit en la Vérité qu'il aurait rencontrée dans un moment d'illumination, au cours du fameux rêve.

Là aussi, avec ce fameux rêve, j'ai eu du mal à comprendre où Dostoïevski voulait en venir ! S'agit-il de nous faire comprendre que quoi qu'on fasse la corruption, la jalousie, le mal, … sont de ce monde, qu'il n'y a aucune alternative (un peu comme dans Ferrer et son Sud qui nous dit laconiquement « un jour ou l'autre il faudra qu'il y ait la guerre, on le sait bien », phrase douloureuse à chaque fois) ? Ou faut-il y voir un avertissement que la Science portée en religion ne sauvera pas l'humanité et j'y verrai un pressentiment des crimes de Staline dans la phrase « les ‘sages' s'efforçaient aussi vite que possible d'exterminer ceux qui ne l'étaient pas et qui ne comprenaient pas leur idée » ? Ou est-ce un formidable message de fraternité qui nous dit d'aimer notre prochain comme nous-mêmes et que rien d'autre ne compte? Oui, peut-être est-ce cela qu'il faut comprendre. À y réfléchir, c'est quand même l'amour du prochain, à travers la petite fille éplorée, qui sauva l'homme ridicule du suicide, non ?

Bon, vous l'aurez compris, j'ai du mal à rentrer dans l'univers de Dostoïevski, mais je m'accrocherai, je m'accrocherai…
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Wouch ! Je crois que pour mon premier auteur russe (et oui, c'est la honte...), et pour mon premier Dostoievski, j'ai choisi le bon. le très bon, même !
Je l'ai commencé hier soir, alors que j'étais moi-même un peu cuite (C'est très ponctuel, je vous rassure, un motard alcoolo est un motard mort. La raison en étant comme qui dirait un besoin de "déconnecter" suite à de menus soucis de début de semaine qui ne m'intéressent plus du tout aujourd'hui...). le livre était à côté de moi et je l'ai attrapé.
La première page est étrange. Et j'ai tourné pour lire la seconde... Et ainsi de suite jusqu'à plus de 30 pages... Halluciné et Hallucinant voyage que de lire ce bouquin en étant soi-même un peu parti, c'est une étrange expérience.
Je pense que le nouveau traducteur, qui n'a pas cherché semble-t-il à "améliorer" quoi que ce soit du style ou de la façon d'écrire, rend exactement l'espèce de délire qui précède "le rêve".
Or, pour qui l'a vécu, cette sensation de "nonsense" est vraiment très réaliste. Alors oui c'est halluciné, mais en fait, non. Je ne suis pas claire, je sais. Mais pour moi, Dostoïevski a clairement vécu tout ce qu'il a écrit dans cette nouvelle, du moins ce qu'il se passe avant le rêve.
Après, le rêve mystique, en lui-même, redevient assez classique, et m'a moins touchée, même après l'avoir relu "à jeun" ce matin... le "paradis perdu", ma foi, ça me laisse assez froide, car je sais combien l'être humain peut être moche, au fond, et je ne crois pas une seconde qu'on pourrait échapper à la société qu'on a construit depuis des millénaires. Les cultures vont et viennent, mais à la base, c'est toujours la même rengaine, la loi du plus fort qui écrabouille et esclavagise les plus faibles.
Mais c'est une belle nouvelle, le rêve d'un homme ridicule, ridicule d'y croire, ridicule de vouloir ce monde-là, ridicule de rêver de coopération et non de compétition.
Je sais que je suis une femme ridicule... mais, contrairement au personnage du livre, je n'ai aucun espoir, je n'y crois pas une seconde.
Bref, j'ai un beau coup de coeur pour ce très court Dostoïevski, idéal pour découvrir l'auteur, ce qui était mon cas... ça donne envie de lire autre chose de lui !

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Citations et extraits (67) Voir plus Ajouter une citation
Je suis un homme ridicule. Maintenant, ils disent que je suis fou. Ce serait une promotion, s'ils ne me trouvaient pas toujours aussi ridicule. Mais maintenant je ne me fâche plus, maintenant je les aime tous, Et même quand ils se moquent de moi --- c'est surtout là, peut-être que je les aime le plus. Je me moquerais bien avec eux, pas de moi-même, non, mais en les aimant, si je n'étais pas si triste quand je les vois. Si triste, parce qu'ils ne connaissent pas la vérité, et, moi, je connais la vérité. Oh qu'il est dur d'être seul à connaître la vérité ! Mais, ça ils ne le comprendront pas. Non, ils ne comprendront pas.
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L'homme le plus intelligent, d'après moi, c'est celui qui se traite d'imbécile au moins une fois par mois. Mais personne n'en est plus capable aujourd'hui. Autrefois, tout imbécile se rendait compte, une fois l'an au moins, qu'il était réellement un imbécile. À présent, c'est fini. Et l'on a tellement brouillé les cartes qu'il n'est plus possible de distinguer l'homme intelligent de l'imbécile. Ils l'ont fait exprès.
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Quand ils devinrent méchants, ils parlèrent de fraternité, d’humanité et comprirent ces idées. Quand ils devinrent criminels, ils inventèrent la justice et s’imposèrent toute une série de codes pour la conserver et, pour se conserver les codes, ils instaurèrent la guillotine. Ils ne se souvenaient qu’à peine de ce qu’ils avaient perdu et ne voulaient même plus croire qu’un jour ils avaient été innocents et heureux.
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Le ciel était terriblement obscur, mais on pouvait nettement distinguer les nuages, avec, entre eux, des taches noires insondables. Tout à coup, dans une de ces taches noires, j'ai remarqué une toute petite étoile, et je me suis mis à la regarder fixement. C'est parce que cette toute petite étoile m'avait donné une idée :j'ai décidé de me tuer cette nuit-là. Cette décision, je l'avais prise depuis déjà deux mois, et, tout pauvre que j'étais, j'avais acheté un très beau revolver et, le jour même, je l'avais chargé. Mais deux mois s'étaient déjà passés, et il était toujours resté dans son tiroir ; mais tout m'était tellement égal que j'avais fini par vouloir tomber sur une minute où ça me serait moins égal - pourquoi ça, je n'en sais rien. Et donc, de cette façon, tous les soirs, en rentrant chez moi, je me disais que j'allais me brûler la cervelle. Je guettais la minute. Et là, donc, maintenant, cette petite étoile m'avait donné l'idée, et j'ai décidé que ce serait absolument pour cette nuit. Et pourquoi cette petite étoile m'a donné cette idée, je n'en sais rien.
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N'est-ce pas égal que ce soit ou non un rêve si ce rêve est venu m'annoncer la Vérité ? Car si, une seule fois, vous avez su la vérité, et si vous l'avez vue, vous savez bien qu'il ne peut pas y en avoir d'autre, que vous dormiez ou que vous viviez.
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Quel est le plus impressionnant des romans russes ? Un roman-fleuve, une dinguerie sublime qui met en scène quatre frères qui sont surtout quatre fils, autour d'un père détesté et détestable ?
« Les frères Karamazov » , de Dostoïevski, c'est à lire en poche chez Actes Sud Babel.
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