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Critique de Cricri124


Fichtre, voilà un roman torturé mais passionnant ! C'est en quelque sorte la voix refoulée d'un clandestin de la vie, d'un homme en souffrance, prisonnier de sa soif de reconnaissance et de son amour propre qui ne semble pouvoir exister que par et pour la souffrance. Il s'est créé un monde intérieur, un monde en quête du beau et du sublime que la littérature lui procure, mais un monde qui se heurte au monde extérieur.

Je me suis lancée dans cette lecture d'abord parce que le livre est très court, ce qui n'est pas si fréquent parmi les romans de Dostoïevski et ensuite, parce que j'ai lu quelque part, ou entendu, que c'était un condensé des grands thèmes qu'il développera ensuite dans Crime et châtiment, L'Idiot, Les Possédés, Les Frères Karamazov. Il parait aussi qu'il a inspiré Freud, et même Nietzsche. Je vous laisse imaginer ce que cela peut donner sur un livre de 180 pages.

Il s'ouvre avec ces lignes : « Je suis un homme malade…Je suis un homme méchant. Un homme repoussoir, voilà ce que je suis. »
Tout un programme…

Notre « méchant » homme, le narrateur, est terré dans son sous-sol depuis vingt ans quand il décide de mettre par écrit ses pensées. Dans la première partie (il y en a deux), il s'adresse à une assemblée imaginaire (le lecteur ? lui-même ?), qui ne lui répond pas mais dont il imagine les répliques. C'est un monologue quasi fantasmagorique, une logorrhée, vive et alerte, parsemée d'envolées lyriques, sur sa vision du monde, des hommes et de lui-même. Il y crache son mépris, sa rage, débat sur le beau et le sublime, sur la jouissance de la souffrance, sur les lois de la raison et de la conscience, sur le galvaudage du bonheur et tout un tas de trucs …

« D'où vient que vous êtes si fermement, si triomphalement persuadés que seul le positif et le normal – bref, en un mot, le bien-être – sont dans les intérêts des hommes ? Votre raison ne se trompe-t-elle pas dans ses conclusions ? Et si les hommes n'aimaient pas seulement le bien-être ? Et s'ils aimaient la souffrance exactement autant ? Si la souffrance les intéressait tout autant que le bien-être ? Les hommes l'aiment quelquefois, la souffrance, d'une façon terrible, passionnée, ça aussi, c'est un fait. Ce n'est même plus la peine de se rapporter à l'histoire du monde ; posez-vous la question vous-même si seulement vous êtes un homme et si vous avez un tant soit peu vécu. »

La deuxième partie illustre concrètement ses propos. Elle semble plus mesurée car le narrateur raconte et revient sur les événements qui l'ont conduit dans ce sous-sol. Mais l'est-elle vraiment ? Deux scènes sont particulièrement édifiantes : celle de la prostituée, et peut être plus encore, celle de l'officier. Elle est proprement hallucinante et nous fait passer d'une phrase à l'autre par des émotions contradictoires. Et c'est sans doute le plus frappant dans ce livre : Il nous fait passer sans ménagements de l'antipathie à l'empathie, de la compassion à la révulsion, au malaise etc…

Vraiment, un livre à découvrir. C'est pessimiste mais fascinant et troublant. Il repose sur le psychisme du narrateur et ses contradictions et nous entraine dans la spirale infernale du masochisme moral.
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