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sur 2515 notes
Dostoïevski a écrit son meilleur roman en dernier et il en était parfaitement conscient.
Les Frères Karamazov sont un véritable drame spirituel où il reprend génialement tous les problèmes qui hantent son oeuvre. Dostoïevski y explore en effet tous ses thèmes favoris, en projetant les unes contre les autres diverses perspectives existentielles concernant la foi, la rationalité, le bien et le mal, le rapport au religieux ou a l'athéisme, etc.
Le chapitre intitulé « le Grand Inquisiteur » est un chef d'oeuvre littéraire, philosophique, moral et religieux en soi. Il s'agit d'un conte philosophique rempli d'ironie fait par Ivan à son frère Aliocha pour lui présenter la question de la responsabilité de l'humain envers le divin. Jésus s'y fait reprocher par un inquisiteur espagnol à la Renaissance de nuire à l'Église et de rendre malheureuse l'humanité. En refusant l'omnipuissance, Jésus surestimerait l'humanité en lui laissant une liberté dont cette dernière serait indigne et qu'elle ne saurait utiliser. L'inquisiteur croit que l'Église toute-puissante permet de palier à ce manque de jugement commis par Jésus en enlevant cette liberté à l'humanité de manière à lui rendre son bonheur rendu impossible par son divin fondateur.
Une autre idée forte que l'on trouve dans le roman, c'est la conclusion que, si Dieu n'existe pas, l'humanité est livrée à elle-même dans l'amoralité la plus totale. Cette pensée n'a rien d'originale puisqu'on la trouve déjà chez Paul dans le Nouveau Testament : « Si les morts ne ressuscitent pas, Mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (1 Cor 15, 37), mais elle est explorée de manière très marquante par Dostoïevski, qui aborde les travers d'une vie purement matérielle aux désirs infinis condamnée à l'insatisfaction sans repos.
La croyance en Dieu permettant, au contraire, exactement comme dans la Critique de la raison pratique de Kant, d'ouvrir la possibilité d'une existence morale digne de ce nom et une espérance permettant de vivre dans la sérénité.
Dostoïevski prévoyait une suite dans les derniers mois de sa vie, l'action aurait repris vingt années plus tard. Peut-être l'a-t-il écrit au Paradis? Si Dieu existe, peut-être aurons nous l'occasion de la lire dans l'autre monde...
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Tuer le père en trois leçons.
Après les écrits de Freud, Camus et Zweig sur ce roman, il était important qu'ODP vienne un peu baisser le niveau.
Le psy rêveur à barbe a qualifié l'auteur des Frères Karamazov de névrosé, bisexuel refoulé épileptique dans une préface dont j'ai compris une phrase sur trois. le copain de Sartre et des platanes (désolé) a de son côté (passager) puisé dans ce monument de 950 pages la genèse de « l'Homme révolté », celui qui dit toujours non. Enfin, le grand biographe des vedettes à ombrelles (et éventails) ou rouflaquettes sortait de chez Jardiland quand il compara sans emphase les personnages Dostoïevski à « des géants de la forêt, bruissants et vivants, dont les cimes touchent le ciel, tandis que par des milliers de filaments nerveux ils prennent racine dans le sol de l'épopée et que leur réseau sanguin se ramifie à travers des milliers de pages ». Il avait la chlorophylle poétique entre deux nouvelles de héros suicidés. Avec son meurtre aux circonstances mystérieuses, son enquête et son procès théâtralisé, Les Frères Karamazov suit la trame d'un roman policier. Fiodor Karamazov, la victime, n'a pas volé son sort d'homicidé. Être détestable, il a plumé et rendu folles ses deux épouses et il n'a pas une once d'affection pour ses trois fils : Aliocha (ou Alexis selon les pages), le benjamin, le saint du roman qui consacre sa vie à la religion et à répandre le bien autour de lui, le cadet Dimitri (Mitia pour les intimes), fêtard romantique, panier percé en dette d'affection et Ivan, aîné cultivé qui cultive son nihilisme. Cette progéniture légitime, complétée par un bâtard envieux et épileptique, au nom de bousin, Smerdiakov, a toutes les raisons d'hâter la succession. Dimitri ne cache pas sa détestation pour ce vieux qui lui refuse sa part d'héritage et qui convoite l'élue de son coeur ardent.
Si ce roman est un monument de la littérature, c'est qu'il explore avec génie les questions existentielles de tous ses personnages autour de la foi, de la liberté, du mal et du libre-arbitre (non, pas celui qui fait appel à la VAR, amis footeux).
Certains passages, et notamment celui consacré au poème d'Ivan, « le Grand Inquisiteur », sont incandescents et inflammables. Je vous le résume à ma sauce. La foi reposant sur la liberté de croire sans preuve, la résurrection du Christ tant attendue survient à Séville en pleine inquisition, barbecues d'infidèles et planchas de fornicateurs. Après quelques miracles recyclés des évangiles, le Grand Inquisiteur décide de brûler l'ancien crucifié (pas étonnant qu'il se fasse attendre quand on voit comme il est reçu !) en toute connaissance de cause, pour qu'il ne prive pas l'homme du doute, de l'espoir et de la possibilité de choisir entre le bien et le mal. Sans Dieu, il n'y a plus de frontières entre le bien et le mal. Avec, comment lui pardonner nos souffrances et accepter la justice des hommes ? Les absents n'ont pas toujours tort.
J'ai bien mis deux cents pages et une bonne partie de mes fêtes de fin d'année à rentrer dans le roman tant les digressions morales et la présentation des personnages m'ont parfois demandé une endurance de moine copiste, dont j'ai déjà hélas la coupe, et une patience de pêcheur face à mon impatience de pécheur. La suite du roman est une expérience de lecture assez unique par la richesse des personnages et des dialogues qui portent la narration à un niveau de quasi perfection.
Dernier roman de Dostoïevski, auteur avec qui il ne faut pas compter ses heures, il ne me reste plus qu'à remonter le temps de sa bibliographie.
Incontournable.




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Dostoïevski achève et publie Les Frères Karamazov en 1880, quelques mois avant sa mort. La Russie connaît alors son apogée territoriale, mais se trouve écartelée entre une volonté de modernité soutenue par le Tsar Alexandre II et par les intellectuels, au rang desquels Dostoïevski et Tolstoï, et des fondements archaïques reposant sur le servage des moujiks.
Ayant connu dansa jeunesse, la Sibérie et le bagne du fait de ses idées progressistes, Dostoïevski est, à la fin de sa vie, ayant acquis notoriété et sécurité matérielle, un nationaliste russe convaincu, attaché à la monarchie et à l'église, fondements de son pays, contre les dévoiements qu'il a pu observer durant ses années d'errance en Europe Occidentale. Cet homme n'est plus le Joueur, ni même le Raskolnikov en quête d'exception de 1866, et il est certain qu'il écrit là son "chef" d' "oeuvre", au sens propre.
Paradoxalement, l'ayant lu il y a quelques années, j'avais fini par mélanger les personnages entre eux et l'histoire se confondait avec celle de Crimes et Châtiments, et d'autres romans, alors que le Joueur par exemple, premier roman lu de lui, se détache toujours clairement.
Faux paradoxe en fait, car cela s'explique très bien par le style inimitable de Dostoïevski : Les Frères Karamazov sont des personnages archétypes ne cessant de s'opposer et se rapprocher, souvent par paires, dans une démarche dialectique visant en fait à analyser l'âme humaine -ou l'âme russe- dans toutes ses facettes et contradictions. Dostoïevski nous restitue ainsi une fresque romanesque, mais surtout tout un monde, digne de la meilleure fantasy, ou de Zola et Balzac, sauf que l'action ou la société ne sont pas au coeur du récit ; ce sont les transports de l'âme que met à nu Dostoïevski. Ses personnages sont en perpétuel mouvement intérieur, totalement déconstruits, et souvent dans l'outrance. Les nihilistes ou les grandes spiritualités ne trouveraient sans doute rien à redire à cette vision de la condition humaine : l'homme, en dehors du monde spirituel, chez Dostoïevski, erre dans le néant, n'est qu'une planche de bois ballotée par l'océan.
En fait, l'élément qui redonne cohérence au récit de Dostoïevski -bien qu'il puisse être lu et relu à différents niveaux de lecture- est sans doute sa réflexion philosophique permanente.
On ne s'ennuie pas en le lisant. Ses dialogues sont riches et variés, par leurs thèmes et leur style moderne. Le scénario est riche, construit autour de l'énigme (quasi policière) d'un parricide, et des sentiments complexes et flottants entre personnages. Il y a aussi de la tragédie Shakespearienne chez Dostoïevski.
Mais ses dialogues et rebondissements, pour moi, ne sont que prétexte, et sans doute est-ce pourquoi je les avais partiellement oubliés. le questionnement de Dostoïevski, et c'est ce qui marque le lecteur à mon sens, plane en permanence sur la scène des hommes ; et il y participe parfois -tel les dieux homériques- par un commentaire de leurs actes et pensées.
Pour autant, cette pensée omnipotente reste questionnement plus que science, et des philosophes aussi différents que Nietzche, Camus et Freud ont pu s'inspirer de lui pour des conclusions toutes différentes. Contrairement à Tolstoï, à la fois plus terrien et mystique convaincu, Dostoïevski continue de plâner dans un doute aérien, ne tranche rien. Il n'est pas étonnant qu'il ait séduit le père de la psychanalyse. Dostoïevski, faisant taire ses propres inquiétudes, est un analyste des passions humaines, dont il observe de manière quasi-scientifique tel ou tel impact sur les êtres et les rapports humains.
Pour finir, nous avons donc là un très grand livre -dont le nombre de pages ne doit pas rebuter : il se lit d'un traite dès que l'on est pris par le souffle de son auteur, comme dans un Victor Hugo-, plein d'une sagesse incertaine -qu'on retrouve chez Camus par exemple-.
Je n'aurai qu'un seul regret : que mon baluchon pour l'île déserte babeliesque soit trop étroit pour y caler mes deux tomes des Frères Karamazov.
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« Les Karamazov de Dosto, c'est le roman philosophique ! »
Voilà comment l'imposture sur pattes qui m'a tenu lieu de prof de philo qualifia il y a trente ans ce roman. Qualification jetée comme un slogan publicitaire, et hélas (la formule lapidaire étant le seul moyen d'expression de cette « prof » incapable d'assurer des cours qu'elle délégua toute l'année à ses élèves sous forme d'exposés, se contentant d'éructer ici et là) non étayée.
Ainsi m'a t-il fallu une éternité pour oser briser le totem de cette assertion tétanisante et me lancer dans ce Dostoievski-là qui me faisait si peur, persuadée que je n'y comprendrai rien. Perception fausse bien sûr, mais j'en veux encore à cette incapable de n'avoir pas su éclairer en son temps ses jeunes élèves sur ce roman qui aborde en effet la quasi-totalité du programme de philo : la religion – la spiritualité – le mysticisme, la conscience, la morale, la justice, le droit, la beauté, le bien – le mal, l'inné – l'acquis …
Tout cela encapsulé dans ce drame familial et magnifié par les personnages incandescents des trois frères positionnés chacun, qui dans la souffrance, qui dans l'extase, à des degrés opposés sur ces questions essentielles : Yvan l'athée cynique, Aliocha le pur religieux, et Dimitri, tiraillé entre ses deux figures. Autant dire qu'il est difficile au lecteur de ne pas se questionner lui-même à un moment ou un autre du roman quand celui-ci, par le biais de l'un des personnages, lui tend un miroir. Difficile aussi de ne pas s'extasier devant l'énormité de ce roman, sa profondeur, sa portée, sa sensibilité, que, faute de savoir l'appréhender d'un point de vue philosophique, j'ai savouré sur le plan littéraire et adoré retrouver la plume heurtée et à vif de l'auteur, en particulier dans des chapitres comme « le grand Inquisiteur », « Les femmes croyantes », « Illioucha »…
Grande expérience de lecture que ce roman qui enrichit son lecteur !
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Ce roman captivant est un des livres que j'emporterais sur une île déserte tant il est riche de significations et de multiples interprétations possibles ! J'avais dévoré cet énorme pavé l'été de mes dix-sept ans, profitant d'une vaste plage de temps libre tant l'isolement rural est propice à la méditation poétique et métaphysique, et les questions sans réponses des personnages et plus largement celles de l'auteur sur le sens de la vie, Dieu, la mort, le bien, le mal avaient fait écho aux miennes.
L'odieux Féodor Karamazov est assassiné. de ses trois fils : Dimitri, le débauché, Ivan, le savant, Aliocha, l'ange, tous ont pu le tuer, tous ont au moins désiré sa mort. Mais qui est le vrai coupable ? Comme dans Crime et Châtiment, Dostoïevski part d'une intrigue de roman policier pour nous emmener sur d'autres terrains : philosophiques, politiques, religieux, métaphysiques.
Aliocha est un jeune homme altruiste, ce qui lui vaut d'être aimé de tous, même de son père. Il est persuadé que Dieu existe, a foi dans l'homme, malgré la méchanceté et la question problématique du mal. Il a soif d'absolu et veut vivre dans un monastère auprès d'un saint, le staretz Zossima, dont les qualités morales et humaines l'ont profondément marqué. Il se positionne par rapport au socialisme, idée nouvelle dans les cercles intellectuels, qui n'est pas que la question ouvrière mais aussi celle de l'athéisme : créer un paradis sur terre sans Dieu. S'il avait été sûr que Dieu n'existe pas, il aurait été socialiste.
Ivan est un étudiant qui, comme Raskolnikov dans Crime et Châtiment, écrit des articles pour gagner sa vie. Ce savant athée écrit des articles de théologie sur les tribunaux ecclésiastiques. À la différence de son frère, il est persuadé que Dieu n'existe pas mais il est tourmenté par le problème du mal, de la cruauté inhérente à l'espèce humaine et finit par conclure que « si Dieu n'est plus, tout est permis ». La justice humaine est trop faible, un homme intelligent peut user de duplicité, de dissimulation pour la contourner, y échapper. Sans l'idée de Dieu que les hommes ont créée pour assurer la cohésion sociale, celle de la vertu disparaît et il n'y a plus de limite morale, le crime est permis dans la mesure où le criminel n'est pas pris, il n'est même pas soupçonné.
Dimitri, surnommé Mitia, est un homme de mauvaise vie qui aime cependant son frère Aliocha, qu'il considère comme sa conscience morale, tant à ses yeux, il est charismatique. Lui seul a le pouvoir de le ramener sur le droit chemin. Mitia est le coupable idéal du meurtre de son père : il l'a forcément tué et lui a volé son argent, vu ses antécédents. Ce ne peut être que lui mais est-il vraiment coupable ? A-t-il vraiment envie d'être innocenté ? Ne se considère-t-il pas coupable d'une autre façon, d'autres crimes qu'il doit expier par rapport à l'ensemble de sa vie ? En sera-t-il capable ? Aura-t-il le courage d'affronter la rudesse de l'existence au bagne, s'il est condamné ?
Dostoïevski nous fait découvrir la société russe de la deuxième moitié du XIXe siècle et ses débats idéologiques houleux entre jeunes révolutionnaires, théoriciens de l'anarchisme, du socialisme, du nihilisme : la négation de Dieu et la destruction radicale des anciennes structures sociales, des institutions. Lui-même était tiraillé entre l'idéal chrétien, au point d'écrire dans une lettre : « Si quelqu'un me prouvait que le Christ est hors de la vérité et qu'il fût réel que la vérité soit hors du Christ, je voudrais plutôt rester avec le Christ qu'avec la vérité », et l'idéal socialiste. Il avait été membre d'un mouvement révolutionnaire remettant en cause le pouvoir absolu du tsar avant d'être condamné à mort puis envoyé au bagne. La question sociale le préoccupe : comment résoudre le problème de la misère ? Kolia, qui n'a que quatorze ans et se dit socialiste, admire Aliocha et est l'ami d'Ilioucha, qu'il veut défendre car il est petit, faible et pauvre mais ne se laisse pas faire. Kolia et Aliocha sont des doubles parfaits des réflexions de Dostoïevski. Pour autant, la destruction radicale vaut-elle mieux que le conservatisme ? Engendre-t-elle le paradis sur terre ou le chaos ? Une oeuvre majeure pour qui s'intéresse à la politique au sens noble du terme : l'histoire des idées et de l'organisation sociale, ainsi qu'aux débats philosophiques et métaphysiques.
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Quel roman que Les frères Karamazov ! Autant la société russe que la psychologie des personnages y sont merveilleusement analysés !
Ils sont trois : Dmitri (décrit comme le "jouisseur soumis à ses pulsions" par Sigmund Freud dans la préface), Ivan (le "cynique sceptique") et Alexei. Chacun d'entre eux représente un côté de l'homme russe. le père, Fiodor Pavlovitch, est quant à lui ivrogne, violent, jouisseur également. Je ne tenterai pas plus avant de décrire les personnages, je n'y parviendrai jamais parfaitement.
Dans la Russie du XIXème, entre affaires de femmes et affaires d'argent, Fiodor Pavlovitch est assassiné. Dmitri, son rival amoureux, en quête d'argent, est aussitôt accusé de parricide ; en effet, tout l'accuse. Mais tout n'est pas si simple...

J'ai mis deux mois et demi à venir à bout de ce roman. Si je reconnais sans souci le talent de Dostoïevski, je dois avouer avoir eu du mal à m'intéresser à l'intrigue avant l'assassinat de Fiodor Pavlovitch, qui survient à la page 500...
Les personnages de ce roman sont véritablement fascinants ! L'analyse de chacun de leur caractère est soigneusement menée tout au long du livre. Rien qu'en cela, ce roman est un chef d'oeuvre !
A lire !

Challenge ABC 2015/2016
Challenge Pavés 2015/2016
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De ce roman il faut avoir lu au moins le chapitre « Le Grand Inquisiteur » (p. 345 à 368 du folio N° 2655).

Capables sur bien de points de commander à la nature, sommes-nous capables avec la même efficacité de nous commander à nous-mêmes, de savoir exactement ce que nous devons vouloir, de créer nos propres valeurs ? Nous est-il réellement permis de forger notre existence, notre bonheur, et de traduire le problème de la liberté en termes de vécu immédiat ? Toutes les interrogations de Ivan semblent se ramener à une seule question : que peut l'homme ? Que lui est-il permis ? Ivan est de ceux qui se demandent comment mener sa vie afin qu'elle ne soit pas un échec.
L'homme renonce facilement à la liberté au nom de sa tranquillité, il en supporte difficilement le fardeau excessif et il est prêt à l'abandonner à des épaules plus robustes. La négation de la liberté de l'esprit est précisément l'esprit de l'Antéchrist, et l'esprit de la liberté du Christ est dirigé contre toute tyrannie (monarchiste, aristocratique ou démocratique, socialiste ou anarchiste).

Par l'intermédiaire d'Ivan, Dostoïevski pose la question : « qu'arrive-t-il lorsqu'on est persuadé que la vie n'est plus viable ? » C'est le sens du rendez-vous dans dix ans (p. 367) qu'il donne à son frère. Va-t-il se suicider ? (briser sa coupe). La réponse ne sera peut-être donnée que lorsque le diable, qui semble incarner son manque de foi, vient lui rendre visite dans la quatrième partie du roman, au livre XI (cf. p. 791). Toutefois, le roman est un livre inachevé et nous ignorons ainsi s'il trouve une réponse, des réponses ou bien s'il devient fou.

À noter enfin que cette édition folio contient également un intéressante préface de Sigmund Freud : « Dostoïevski et le parricide ».

Je vous souhaite d'avoir le courage de vous atteler à cette lecture de longue haleine.
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Deuxième lecture de ce fabuleux monument de la littérature et je suis toujours aussi impressionnée par ce roman riche, complexe et tentaculaire.
Mille pages, ce n'est pas simple à résumer, tant mieux je n'en ai pas envie et je pense, que tout le monde connait ! Si vous répondez… non ! Alors lisez donc ce chef d'oeuvre !
L'intrigue n'est pas très compliquée et dès la première partie Dostoïevski nous la révèle. La première partie est consacrée à la présentation des personnages et quels personnages ! Dostoïevski les dissèque, sa plume acérée n'épargne rien, ni personne, ainsi, Fiodor Pavlovitch est dépeint comme un individu dépravé, corrompu, un alcoolique violent, un abjecte libertin et un père indigne pour ses trois fils : Aliocha, Dmitri et Ivan… Ça fait beaucoup pour un seul homme !
Dmitri, l'aîné est un éternel amoureux, il aime les femmes, toutes les femmes. C'est un être toujours à court d'argent qui est plein de rancune envers son père pour une vilaine histoire de « gros sous » ! Ces deux là ne s'aiment pas.
Ivan est quant à lui brillant, de caractère plutôt doux il est doué pour les études mais son père lui fait honte !
Aliocha paraît sans défense, il aime profondément les autres, croyant en Dieu et il recherche la Vérité, il est rentré dans un monastère et admire Zosime le starets, son directeur de conscience.
Tous ces personnages ont des relations mouvementées, difficiles et leur vie gravite autour des femmes (Lise et sa mère, Catherina et Grouchenka…) qu'ils se jalousent. Tout ce monde et bien d'autres vont se retrouver au coeur d'une intrigue policière, qui a tué Fiodor Pavlovitch ?
Dans ce roman foisonnant, Dostoïevski aborde de multiples problèmes, d'ordre politique, religieux, moral et philosophique. Les sentiments, amour, honneur, haine, et culpabilité sont au coeur des relations. Ces personnages sont souvent excessifs, parfois violents mais restent véridiques.
Ce grand génie véhicule des idées nouvelles pour la Russie XIX siècle, notamment il voit poindre une modification des comportements, d'ordres religieux, sociaux et politiques.
On sort ébloui et enrichi de cette lecture flamboyante crée par une intelligence brillantissime !
Sigmund Freud a dit : « Les Frères Karamazov sont le roman le plus imposant qui ait jamais été écrit et on ne saurait surestimer l'épisode du Grand Inquisiteur, une des plus hautes performances de littérature mondiale. »



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D'abord, je dois dire que j'ai lu ce livre plutôt naïvement. Je ne vais donc pas parler longuement de qualités littéraires et philosophiques indéniables ; mais surtout du plaisir personnel que j'ai pris à la lecture.

C'est donc l'histoire de la famille Karamazov. Il y a le père Fiodor, complètement débauché, qui a eu des enfants de plusieurs femmes différentes et ne s'en est jamais occupé ; Dimitri le débauché passionné avec des accès de lucidité ; Ivan l'intellectuel cynique qui ne parvient pas à être athée ; Aliocha le choupi attiré par la religion, qui tous ont hérité de lui un fond de sensualité ; aussi, peut-être un de ses domestiques qui serait son fils illégitime.

Au début, c'est principalement des querelles de famille, une présentation progressive et bien longue des personnages (la famille Karamazov, les femmes autour desquelles ils ont des triangles amoureux, quelques autres), de leurs relations. La façon dont les frères si différents, s'aiment quand même, est très touchante, et tous les personnages principaux sont très intéressants. Mais je dois reconnaître que c'est long. Il y a en particulier de très longues déclarations en mode profession de foi, des répliques qui prennent plusieurs chapitres. Moi j'aime bien - parce que clairement, il y a de la profondeur, chez les personnages comme chez l'auteur ! Les frères ont réussi à m'être tous sympathiques (pas le père, mais c'est fait exprès). Mais j'ai une petite préférence pour Ivan, je suis prévisible. Intellectuel, plus torturé qu'il en a l'air, vil corrupteur de la jeunesse et capable de faire un chapitre entier sur "petit frère, je vais te raconter le livre que je n'ai pas encore écrit mais j'y pense"... cela reste mon avis très personnel.

Et puis, au milieu du livre, éclate le coup de théâtre que tous les gens un peu cultivés savaient déjà, ainsi que les lecteurs qui se sont fait avoir et ont lu l'introduction (mais pas moi). Et pour le coup, l'histoire devient assez palpitante, et je voulais vraiment savoir, pas seulement qui c'était, j'avais une idée, mais pourquoi, et ce qui allait se passer. Pour le coup, même s'il est très bon aussi, l'arc mystique personnel d'Aliocha m'intéressait moins parce que je voulais la suite !

J'étais très satisfaite de la révélation sur ce qui s'est passé exactement. C'était émotionnellement, et - comment dire - philosophiquement très satisfaisant. Par contre, le tome, pour le reste, se termine un peu en queue de poisson, sans donner la résolution pour un plan important qui a été préparé, une maladie et plusieurs triangles amoureux. Et pourtant, malgré ce points que j'aurais considérés comme des défauts dans un autre livre, j'ai adoré.
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Je reste les bras ballants, devant l'immensité du talent de Monsieur Dostoievsky !
Plus de 800 pages version La Pléiade, maîtrisées à la perfection !
La profondeur de l'analyse psychologique, la narration, logique, imparable, ... je reste scotchée ! Comment pouvait-on si bien comprendre l'humain, son fonctionnement psychologique, dans la Russie du XIXème siècle ?! On retrouve bien sûr les personnages excessifs dans leurs passions, chers à Dostoievsky, les question mêlant religion et philosophie, la description de la vie quotidienne dans la Russie profonde de l'époque, le frémissement historique qui commence à se faire sentir...
Mon seul petit bémol concernerait la traduction : disposant d'un exemplaire de la Pléiade, je m'attendais à une traduction de haut vol, or, j'ai été déçue, certaines tournures "sentaient" le russe, des termes paraissaient anachroniques, désuets... mais peut-être est-ce simplement dû à l'ancienneté de la traduction dont je dispose...
Concernant Les Frères Karamazov eux-mêmes, la seule chose qui m'a un peu "chiffonnée" était la manière dont les enfants s'exprimaient, trop littéraire et non naturelle. mais ceci est un petit détail qui se perd dans l'immensité de ce chef d'oeuvre que nous a offert Dostoievsky !
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