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EAN : 9782370730855
272 pages
Allary Editions (18/02/2016)
3.12/5   20 notes
Résumé :
Alexandre Grothendieck, mort le 13 novembre 2014, est considéré par ses pairs comme le dernier grand génie des mathématiques.
Il a fondé les mathématiques modernes, permettant le développement des téléphones portables et d’Internet. Il a laissé des milliers de pages de notes, contenant peut-être l’une des clés de l’humanité. Mais Grothendieck est fondamentalement un misanthrope qui n’a cessé de fuir ses contemporains.
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« Alexandre Grothendieck - Sur Les Traces du Dernier Génie Des Mathématiques » de Philippe Douroux est une bibliographie du mathématicien Alexandre Grothendieck (1928-2014), qui a refusé la Medal Fields en 1966, ainsi que le prix Crafoord en 1988, tous deux équivalents au prix Nobel (2016, Allary, 272 p.). On pourra lire en parallèle le livre de Leila Schneps « Alexandre Grothendieck : A Mathematical Portrait » (2014, International Press of Boston, 307 p.). Il s'agit de treize portraits de personnes qui l'ont connu et côtoyé, qui éclairent, chacun à leur façon, un côté différent de l'homme ou du collègue.
Grothendieck est généralement considéré comme le refondateur de la géométrie algébrique, c'est-à-dire des objets géométriques (courbes, surface) composés des points dont les coordonnées suivent des équations simples. Cette branche des mathématiques n'a désormais plus grand-chose à voir avec la géométrie analytique dont les objets sont décrits par des équations ou des inéquations et dont elle est en partie issue. Par exemple, le mathématicien persan Omar Khayyam (1048-1131) propose une méthode de résolution des équations cubiques par intersection d'un cercle et d'une parabole. Grothendieck est considéré comme étant le mathématicien le plus important du siècle.
Il met en évidence le lien caché entre les propriétés analytiques et topologiques d'une variété, courbe de dimension 1 ou surface de dimension 2, ou espace topologique de plus grande dimension. C'est une relation entre les nombres et les figures. Par la suite, il s'attaque à la topologie, reliant pour la première fois géométrie algébrique et théorie algébrique des nombres pour définir la correspondance qui permet de transformer une figure dans l'espace en une autre équivalente, ou homologie.
Je n'en dirai pas beaucoup plus sur ces notions de topologie, pour cause de vocabulaire spécifique, et spécifiquement hermétique. J'ai déjà beaucoup de mal pour traduire en langage vernaculaire ce qui n'est pas mathématique, c'est-à-dire les autres écrits de Grothendieck, et il y en a.
Il existe parfois des coïncidences, ou des rencontres heureuse qui surprennent. Depuis un temps certain, j'avais téléchargé « Récoltes et Semailles », un pavé de quelques 2000 pages du mathématicien Alexander Grothendieck (2023, Gallimard, 1506 p.). Je connaissais ses travaux, ou plutôt leur renommée, car leur lecture et leur compréhension me laissaient pantois, même avec un dictionnaire à portée. Donc j'avais une certaine idée du personnage. Idée un peu sommaire de par la fréquentation de l'Institut de Mathématiques à Strasbourg, dont l'Institut de Physique du Globe (IPGS, maintenant EOT) partageait les bâtiments. Puis à Nancy, où s'est développé une recherche fructueuse du groupe Bourbaki, et Montpellier, pour y passer ma thèse d'Etat et où le mathématicien s'était retiré. En fait, je connaissais plus ses frasques que ses théories, quelquefois à la limite du mysticisme comme « La Clef des songes : ou dialogue avec le bon Dieu » (1987, Université Paris 6, Grothendieck Circle, 1027 p.). Plus récemment, j'ai essayé de comprendre ce qui poussait à la créativité, et il s'avérait à nouveau nécessaire de lire le passionnant livre de Joseph Rouzel, « La folie créatrice. Alexandre Grothendieck et quelques autres » (2016, Editions érès, Toulouse, 150 p.). C'était sans compter sur une littérature plus romancée que je découvrais au hasard de mes visites chez les libraires. C'est ainsi qu'à Toronto, je fus attiré par un livre de Benjamin Labatut, chilien d'origine, « When We Cease to Understand the World » (2020, New York Review Books, 192 p.). Il été récompensé par un « 2021 International Booker Prize ». Je me suis aperçu plus tard que le livre avait été traduit en français par Robert Amutio, le traducteur de Roberto Bolaño, sous le titre de « Lumières Aveugles » (2020, Seuil, 228 p.). Il y était à nouveau question de mathématiciens dont Grothendieck, de Shinichi Mochizuki et autres spécialistes de la physique quantique, comme Heisenberg et Schrödinger. J'ai donc commencé à (re)lire « « Récoltes et Semailles ». Puis il y eut les deux volumes de Cormac McCarthy « le Passager » (2023, Editions De l'Olivier, 544 p.) suivi par « Stella Maris » (2023, Editions De l'Olivier, 544 p.), tous deux traduits par Serge Chauvin. Cet auteur américain était également administrateur (trustee) au Santa Fe Institute (SFI), établissement de recherches assez débridées, plutôt originales, et hors des chemins battus, en particulier en pointe sur les cartes cognitives des insectes. Dans ces deux romans, il est question de Alicia Western mathématicienne, spécialisée en topologie, fervente élève de Alexander Grothendieck, à l'Institut de Hautes Etudes Scientifiques (IHES) de Bures-sur-Yvette. Les débuts sont difficiles pour l'IHES, calqué sur le prestigieux « Institut for Advanced Study » (IAS) de Princeton, NJ, entre New York et Philadelphie. Grothendieck intègre l'IAS, fondé par Léon Motchane en 1958, après avoir fait partie du groupe Bourbaki à Nancy « où ils ont fini par ne plus pouvoir le suivre ». Dans « Stella Maris », Alicia Western enregistre ses conversations avec son thérapeute. Elle a besoin de raconter l'histoire de toute une famille tourmentée, peuplée de créatures chimériques et de de caractères forts. On y trouve la grand-mère qui l'a élevée. Ainsi que le mathématicien Alexandre Grothendieck qui est son mentor. le tout avec en fond de toile l'implication de son père dans le projet Manhattan, alors qu'il développe la bombe atomique avec Oppenheimer. A force de coïncidences pareilles, on pourrait m'appliquer ce titre d'un petit opuscule de Malcolm Lowry « le feu du ciel vous suit à la trace, Monsieur ! » (2012, La Nerthe, 58 p.).
Attiré par les références à Alexandre Grothendieck, il faut lire « Récoltes et Semailles », sous-titré « Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien », publié sous forme d'un coffret en deux volumes (2022, Gallimard, 1212 p.). C'est quelquefois ardu à lire, surtout lorsqu'il invoque une « K-théorie, relation à la théorie des intersections », une « Topologie modérée » accompagnée de « Yoga de géométrie algébrique » ainsi qu'une « Cohomologie étale et l-adique ». le coffret de plus de mille pages s'ouvre sur une critique acerbe de l'éthique des mathématiciens, et se poursuit par la narration d'une expérience spirituelle après une initiation à l'écologie radicale.
La lecture des écrits de Alexander Grothendieck n'est pas de tout repos, étant donné qu'il doit y avoir en tout quelques 20 000 pages. Les « Archives mathématiques d'Alexandre Grothendieck de 1949 à 1991 » de l'Université de Montpellier totalisent à elles seules 18 000 pages, souvent manuscrites. Il faut y ajouter « La Clef des songes : ou dialogue avec le bon Dieu » (1987, Université Paris 6, Grothendieck Circle, 1027 p.), « Récoltes et Semailles. Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien » en un coffret de 2 volumes (2022, Gallimard, 1993 p.). le premier ouvrage est assez curieux, mêlant création et religion. Parfois, on suppose que c'est uniquement une question de vocabulaire, alors que dans d'autres passages, la distinction est plus subtile. Les 2 volumes suivants mêlent théories mathématiques et pour partie création.
On en arrive à la biographie de Philippe Douroux, journaliste à « Libération ». Quelle déception. Je pensais que le journalisme d'investigation pouvait être une chose sérieuse. Quelle désillusion. Mais, sans doute s'agit-il d'une géométrie non euclidienne, celle pour « voyager dans la Voie Lactée ». Les parallèles qu'il trace se recoupent et sont redondantes. Un tiers du livre est consacré à la période allemande, alors que ses développements mathématiques couvrent les années 1958-1970. On y apprend aussi, sur le quatrième de couverture, que « ses travaux ont permis, entre autres, le développement d'Internet » ainsi que « le numérique et le téléphone portable » (p.14). Et rien sur ChatGPT, ou sur le mouvement rétrograde de Pluton ?
Je dois admettre que j'avais besoin d'un ouvrage un peu neutre pour introduire l'oeuvre magistrale de Grothendieck. Pour neutre, il fut neutre. En théorie des nombres, il serait même négatif. Pratiquement 300 pages pour apprendre que Grothendieck était finalement un émigré, « enfant d'une famille de révolutionnaires d'Europe centrale », tout juste arrivé, peut-être de Lampedusa, il fallait oser le faire. Et c'est un quasi bolchevique, avec encore le couteau entre les dents. C'est sans doute ce que l'on retient de Sciences Po, version CAFéS.
Donc, j'ai très vite abandonné la lecture même de ce semblant de bibliographie pour reprendre d'autres éléments qui me semblaient plus cohérents. On en apprend plus dans différents articles qui lui sont consacrés. Maintenant que le mathématicien a découvert Internet, le journaliste doit apprendre à s'en servir.
De fait, Alexandre Grothendieck arrive en France en 1939, connaît les camps d'internement et trouve un refuge avec les mathématiques qui deviendront son royaume. À onze ans, il découvre comment calculer la circonférence du cercle et le volume de la sphère. Cependant, son problème n'est pas le comment, mas le pourquoi de ces calculs, surtout si on ne connait qu'un nombre fini de décimales pour pi (3.1416, ce qui est forcément erroné).
Un père d'origine hassidim, Alexandre Shapira, né à Belyje-Berega, aujourd'hui russe, à la limite de la Russie, de la Biélorussie et de l'Ukraine. Proche des milieux révolutionnaires, il participa à la révolution avortée de 1905 contre les tsars. Cela lui valut 10 années de prison, d'où il n'est libéré qu'à l'occasion de la révolution de 1917. Il s'avère que le père a fait de la prison politique sous 17 régimes différents. le fils Alexandre, est né à Berlin, en 1928, où il vit avec sa mère Hanka. Après la victoire franquiste en Espagne, le père rejoint sa femme Hanka et leur fils Alexander, réfugiés en France. C'est un homme brisé, selon le témoignage du fils. Il se laisse aller sans beaucoup de ressort. Comme tant d'autres réfugiés antifascistes, émigrés d'Allemagne ou d'Espagne, il est interné, début 1939, au camp du Vernet. Il sera ensuite livré par les autorités de Vichy aux nazis, et disparaitra à Auschwitz.
Sa mère, Hanka, est une Allemande du Nord. Dans les années 20, elle milite dans divers groupes d'extrême-gauche et s'essaye à l'écriture. En septembre 1939, la mère et le fils seront internés à Mende, et auront un peu de répit lors de leur séjour au Chambon-sur-Lignon, de 1942 à 1944. C'est au Collège Cévenol, dirigé par le pasteur Trocmé, et centre d'une résistance spirituelle au nazisme. Il devient étudiant à Montpellier en 1945.
Il commence une thèse et découvre qu'il est mathématicien sans savoir qu'il existe des mathématiciens. Il reconstitue, seul, une version extrêmement générale de l'intégrale de Lebesgue. Ce dernier définit le problème par analogie avec la réunion d'une certaine somme. Soit on procède avec un porte-monnaie infini et on en sort les pièces de façon aléatoire jusqu'à arriver à la somme. C'est l'intégrale de Riemann. Soit, on sort toutes les pièces d'un seul coup et on les choisit selon leur valeur. C'est la méthode de Lebesgue. Demandez à votre caissière de supermarché quel est son mode de règlement préféré, vous en déduirez si elle est de variété Riemannienne ou de Lebesgue. Cela permettrait à « Libération » de tirer un article sur l'influence de Grothendieck dans la suppression du ticket de caisse.
C'est à son arrivée à Paris en 1948, licence de mathématiques en poche, que commence la période publique de Grothendieck. Il va à Nancy où Jean Delsarte, un des membres fondateurs du groupe Bourbaki, a noyauté la Faculté dont il est le Doyen pour investir l'Université. Jean Dieudonné et Laurent Schwartz l'aideront à canaliser Grothendieck pour qu'il ne s'éparpille pas. Les 10 ans qui suivent coïncident avec l'apogée de Bourbaki.
En 1970, Léon Motchane crée l'Institut des Hautes Etudes Scientifiques (IHES) de Bures-sur-Yvette. Homme d'affaires, il rêvait d'être mathématicien et offre la chaire à Jean Dieudonné, à condition de s'associer avec Grothendieck. Ce dernier formule un programme grandiose, qui doit opérer une fusion de l'arithmétique, de la géométrie algébrique et de la topologie.
Alexandre Grothendieck décrit dans « Récoltes et Semailles » la genèse de cette première oeuvre mathématique. Elle est faite dans l'isolement. La mathématique de Grothendieck en géométrie algébrique comporte plus de 10 000 pages manuscrites, publiées en deux séries. La première est intitulée « Eléments de Géométrie Algébrique » (EGA) en référence aux « Eléments » d'Euclide (1960, Publications mathématiques de l'IHES, tome 4, 228 p.). Rédigée entièrement par Jean Dieudonné, elle reste inachevée, seules, 4 parties ont été rédigées sur les 13 annoncées. La seconde série « Séminaire de Géométrie Algébrique » (SGA) est composée en 7 parties, éditées en partie par Pierre Deligne et Luc Illusie lorsque Grothendieck décide de se retirer (1977, Springer, Lecture Notes in Mathematics, #589, 496 p.).
Après 1970, la fête est finie, les évènements de 1968 sont passés par là. Il s'isole dans sa superbe. « J'étais le seul à avoir le souffle, et ce que j'ai transmis autour de moi, ce n'était pas le souffle, mais la tâche. J'ai eu des tâcherons autour de moi, mais aucun d'entre eux n'a eu vraiment le souffle ! ». Il refuse tout contact, vivant en marge de la société.
Grothendieck est devenu un mandarin qui en impose à ses étudiants. Finalement, il se retire dans un exil intérieur dans un petit village de l'Ariège où il est vu comme un « professeur de mathématiques en retraite un peu fada ».
Dans « Récoltes et Semailles », sous-titré « Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien », (1983-1986). Il groupe son oeuvre en douze thèmes principaux dont les premiers sont ceux de sa thèse.
« 1. Produits tensoriels topologiques et espaces nucléaires.
2. Dualité "continue" et "discrète" (catégories dérivées, "six opérations").
3. Yoga Riemann-Roch-Grothendieck (K-théorie, relation à la théorie des intersections).
4. Schémas.
5. Topos.
6. Cohomologie étale et l-adique.
7. Motifs et groupe de Galois motivique (⊗-catégories de Grothendieck).
8. Cristaux et cohomologie cristalline, yoga "coefficients de de Rham", "coefficient de Hodge". . .
9. "Algèbre topologique" : champs, dérivateurs, formalisme cohomologique des topos, comme inspiration pour une nouvelle algèbre homotopique.
10. Topologie modérée.
11. Yoga de géométrie algébrique anabélienne, théorie de Galois-Teichmüller.
12. Point de vue "schématique" ou "arithmétique" pour les polyèdres réguliers et les configurations régulières en tous genres ».
La période qui suit est marquée par un poste à l'Université de Montpellier, jusqu'à sa retraite en 1988 et le déménagement dans u village de l'Hérault. Il écrit d'autres ouvrages qui seront pour partie publiés dans des revues scientifiques. Ainsi, « Esquisse d'un programme » est un document d'une cinquantaine de pages, écrite à l'origine pour obtenir un poste au CNRS, dans lequel il expose une stratégie de recherche visant à à développer les théories d'Evariste Gallois. « Geometric Galois Actions” (1997, London Mathematical Society, Lecture Notes #242, Cambridge University Press, 48 p.). « À la poursuite des champs » consiste en un document d'environ 600 pages dans lequel Grothendieck a introduit la notion de champ algébrique, qui débouche sur la rédaction du manuscrit « Les Dérivateurs » (1991, Université de Paris 6,1976 p.) anticipant la théorie de l'homotopie, qui sera développée plus tard. En mai 2017, l'université de Montpellier rend ainsi publiques les notes de Grothendieck, soit quelque 18 000 pages de notes manuscrites réparties dans 35 boîtes d'archives. Parallèlement, il publie « La Clef des songes : ou dialogue avec le bon Dieu » (1987, Université Paris 6, Grothendieck Circle, 1027 p.) dans lequel il définit ce qu'est pour lui la notion même de liberté, la vérité ou la relation à Dieu.
La dimension religieuse de sa vie est une part importante du personnage. II a eu des moments d'hallucination visuelle et auditive, décrivant ces apparitions divines et parlant de cantiques qu'il chante avec ses deux voix simultanées, la sienne et celle de Dieu. Grothendieck ne s'est jamais rattaché au judaïsme, contrairement à son père, hassidique. Il dit s'inscrire dans une tradition bouddhiste. Une de ses obsessions est liée à la nourriture. Il pratique alors une forme extrême de végétarisme, reliant les deux traditions, juive et bouddhiste. Sa propre Trinité se compose de Dieu-le-Père, « le bon Dieu », de la déesse-mère, et du diable, se lançant dans la rédaction d'un ouvrage sur l'action du diable dans le monde.


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Une biographie d'un personnage pour le moins étonnant, globalement inconnu du grand public (donc de moi), au nom imprononçable du premier coup, et qui a consacré une partie de sa vie à un sujet qui ne passionne pas les foules : les mathématiques.
Voilà une véritable gageure pour l'auteur, Philippe Douroux, journaliste qui a enquêté plusieurs années et épluché des milliers de documents laissés par Grothendieck.

Voici un homme, né à Berlin en 1928 dans une famille de révolutionnaires, famille qui sera impliquée dans de nombreux combats en Europe, qui se réfugiera à Paris, tout en le laissant jusqu'à 11 ans aux bons soins d'un couple Allemand. Rejoignant sa mère (Son père à été déporté) il se retrouve dans le camp de Rieucros en Lozère où il commencera à découvrir les mathématiques.
A partir de là, il noircira des milliers de pages et deviendra un génie révolutionnant le monde des maths, de la science avant de devenir un des premiers écologistes modernes.
Il s'isole en Ariège, devenant un véritable ermite, ne voyant personne, parlant aux arbres et continuant à noircir du papier.

Quelle vie ! Et dire que je n'en n'avais jamais entendu parler. Je ne suis pas un fan des maths, mais tout à coup cette lecture m'a donné un regard un peu différent sur ces génies et leur façon de comprendre notre monde.
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Depuis que je les ai découvertes, j'ai toujours aimés les mathématiques. Dans mes études supérieures, j'ai découvert une sorte de fascination pour celles-ci et surtout pour les hommes qui en sont les explorateurs. Ces chercheurs, savants, génies, qui de part leurs capacités exceptionnelles, tracent les lignes, les chemins et les routes pour que l'Homme puisse avancer dans cette science que sont les Mathématiques.

Un livre tel que celui de Philippe Douroux ne pouvait donc que passer difficilement à coté de ma bibliothèque.

Avant de parler de l'oeuvre, parlons de l'objet. C'est un livre agréable à lire. Un papier épais, un fort grain, une mise en page aérée ... On prend en main le livre avec plaisir. Félicitation donc aux éditions Allary Editions.

Venons-en maintenant au contenu. L'auteur, Philippe Douroux, nous fait comprendre très vite qu'il n'a pas été possible d'échanger, d'interroger Alexandre Grothendieck. Je n'ose imaginer la frustration qu'il a du ressentir de ne pouvoir accéder à cet homme qu'il a pourtant "rencontré". Il est quelque part touchant de voir à quel point Philippe Douroux cherche à faire connaître cet homme méconnu pour ne pas dire inconnu.
C'est certainement pour cela que l'auteur arrive à nous transmettre la nécessité qu'il a ressenti de faire connaitre au communs des mortels qui était ce génie de notre temps, cet incompris, ce loufoque mathématicien.

Mais qui est Alexandre Grothendieck ? On dit de lui qu'il est considéré par ses pairs comme le dernier grand génie des mathématiques. Se recherches auraient permis le développement d'internet ...
On découvre dans cet ouvrage l'histoire d'un prodige en avance sur son temps ce qui le met à l'écart de ses semblables tout en le rendant légendaire pour les générations à venir. Alexandre et un mathématicien qui très tôt développe une méfiance envers le corps professoral. Il fait les frais d'un professeur peu compétent qui, parce qu'Alexandre résout un problème avec une démonstration autre que celle du livre (mais tout aussi juste), lui donne la note de zéro. Alexandre est un enfant qui a été séparé de ses parents tôt. C'est un mathématicien doué qui prend une route peux commune pour quelqu'un de son niveau, restant dans des universités ou écoles bien en deçà de ses capacités. Un mathématicien qui aura également la chance de trouver deux mentors, Laurent Schwartz (médaille Fields 1950) et Jean Dieudonné, qui sauront le mettre dans des conditions optimales pour qu'ils développent son talent.
On apprend de lui qu'en à peine deux semaines, Alexandre a su résoudre 7 problèmes laissés de coté par Laurent et Jean par manque de temps. Ces résolutions, aussi rapides qu'impressionnantes, faisaient, entre autre, appel à des notions nouvelles ... Laurent Schwartz dira entre autre au sujet du mémoire d'Alexandre Grothendieck : "Un chef-d'oeuvre de première grandeur, il fallait la lire, l'apprendre, la comprendre, car tout était difficile et profond. J'ai mis six mois à temps plein. Quel travail, mais quelle joie ! Les énoncés des théorèmes étaient kilométriques, car rien n'était épargné au lecteur. J'y appris quantité de choses nouvelles".

Alexandre sera à l'origine de millier de pages écrites, remplie de nouveautés, de notions nouvelles, de nouvelles façon de penser. A l'opposé des solitaire, Alexandre, dans son travail, a besoin d'un groupe autour de lui. En témoigne sa méthode de travail avec ses étudiants : Alexandre travail la nuit et rédige quantité de page noircies de mathématiques. le matin, il communiques ses écrits à ses élèves et passe une heure à les leur expliquer dans les grandes lignes. le but ? Que les étudiants rédiges et démontres les raccourcis effectués par le génie durant la nuit. Ils devaient faire le voile sur ce qui était évident pour le professeur, les "ça devrait passer" et autres intuitions sur lesquelles le génie n'avait pas le temps de s'attarder. A 14H, un élève rapportait le travail complémentaire qu'il revoyait ligne après ligne avec le professeur. Puis, lorsque l'élève repartait, le mathématicien noircissait de nouveau des pages à la nuit tombées. Et ainsi de suite. Cette collaboration prolifique donnera naissance à plus de 7 500 pages co-signées ...

Alexandre est un bourreau de travail. Tous ceux qui l'ont côtoyé en témoigne : il est d'une puissance de calcul inégalable. Jamais rassasié, il fera durant toute sa vie 14 à 15 heures de mathématique par jours.

Mais ce bourreau a ses démons. Peu conforme il se détache peu à peu du monde réel, des gens. Il refusera différents prix, deviendra écologiste radical, et finira par s'isoler, s'exiler dans un petit village de campagne. Voir un génie se renfermer, renoncer à l'essence même de son art, pour vivre reclus .. on se dit que ce n'est rien d'autre que du gâchis. Et pourtant, à bien y repenser, c'est un sentiment bien égoïste de notre part. Cet homme n'avait-il pas déjà donné assez aux autres par ses recherches durant toute sa vie ? N'a-t-il pas mérité sa "retraite" ?

Même isolé, il a cependant continué à travailler et à sa mort ce sont encore des milliers de pages qu'il laisse derrière lui et qu'il Nous faudra comprendre et absorber. On dit de ses derniers travaux récupérés à son décès qu'il faudra 50 années pour les comprendre et les assimiler ..

Tel était Alexandre Grothendieck, un homme unique, un mathématicien de génie.

J'ajouterai quelque mot sur le style de l'auteur que j'ai trouvé agréable. Je retiendrai entre autre l'habile jeu de mélange dans le récit entre figure mathématique et figure de style : "Avec des droites parallèles, on construit des voies ferrées mais pour voyager dans la Voie lactée, il faut d'autres outils". Je retiendrai aussi une forme de "tendresse" pour cet homme hors du commun. Une tendresse touchante qui donne envie d'en savoir plus. Enfin, j'ai apprécié l'effort fait pour rendre abordable les grandes notions des travaux d'Alexandre Grothendieck. Notion qui pourtant ne doivent être comprises que par une poignées d'Hommes sur la planète ...

Je terminerai en remerciant Babelio et les éditions Allary Editions pour m'avoir permis de passer un très agréablement moment de lecture avec ce livre de Philippe Douroux.


NB : Je n'arrive pas à lui donner une note .. Mais elle est pourtant bien de 3/5
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Grothendieck : il est aussi difficile d'écrire correctement son nom que de résoudre une équation à 5 inconnues, n'est ce pas? Un nom qui est d'ailleurs carrément oublié du grand public, et pourtant ce mathématicien génial, écologiste radical au début des années 1970, ermite retiré du monde dans un paisible village d'Ariège pendant vingt-trois ans, jusqu'à sa mort le 13 novembre 2014, était vraiment une personnalité hors du commun que le journaliste à Libération Philippe Douroux se propose dans un essai paru chez Allary éditions, de réhabiliter à travers une longue et très détaillée enquête qui l'a vu passer 4 années sur les traces de cet homme aussi à l'aise avec les chiffres que mal à l'aise avec les humains…

Encore plus qu'Alan Turing, Grothendieck est la preuve qu'un génie des maths n'est pas un génie de la sociabilité : toute sa vie personnelle et professionnelle pousse le curseur de la misanthropie poussée à son paroxysme, il refuse tous les honneurs (médaille Fields, prix Crafoord…), s'oppose à toutes les institutions qui l'employèrent (dont le Collège de France) et finit par se retirer du monde, effrayé par ce que les hommes pourraient faire de ses découvertes...

Reclus pendant 23 ans dans un petit village de l'Ariège, il ferma sa porte à tous ceux qui voulurent entrer en contact avec lui : ses ex-collègues, ses ex-femmes, ses anciens étudiants, et même ses enfants...

Considéré par ses pairs comme le dernier grand génie des mathématiques on ne sait pas vraiment ce que l'on serait sans Alexandre Grothendieck vu qu'il est reconnu comme étant le père fondateur des mathématiques modernes, permettant le développement des téléphones portables et d'Internet…

On voit bien qu'entre la volonté de louer ses mérites intellectuels et dénigrer son comportement humain un peu discutable, Douroux a vite fait son choix tant il trouve tout un tas de circonstances atténuantes à cet homme qui aura connu les camps d'internement et qui aura jusqu'au bout tenu bon la carte de l'absolu et sa volonté de ne jamais sacrifier son travail tellement érudit, impossible à comprendre pour les communs des mortels que nous sommes aux honneurs et à l'hypocrisie sociétale...

Après Alan Turing. Réhabilité l'an passé à travers l'excellent film Initiation games et Kurt Gobel (dont la romancière Yannick Grannec avait vanté tous les mérites dans son superbe déesse des petites victoires), Philippe Douroux rend, mais sous l'angle du documentaire cette fois ci un bel hommage à un autre génie un peu oublié des maths, qui devrait plaire à tout le monde mais aux grands allergiques aux chiffres.la preuve, j'ai trouvé le livre vraiment passionnant… allez je n'ai plus qu'à me mettre dans l'autobiographie de Cédric Viviani et la boucle sera bouclée !! :o)
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un livre dont le sujet aurait pu être intéressant.

Le journaliste (Télérama Libération) s'est très certainement intéressé marginalement à la vie de Grothendieck et on y apprend quelques anecdotes sur ce dernier. Mais quelque chose d'amer vous reste dans la gorge à la fin de la lecture ce roman de moeurs.

Dissimulé derrière une critique du régime de Vichy et du système administratif “déshumanisant”, se dessine sournoisement un inébranlable mépris de la France à grand coup d'auto-culpabilisation pavlovienne. Grothendieck, le fils de marxistes révolutionnaires, l'homme libre, à qui les méchants Français refusent tout. Il est vrai qu'après avoir été admis à l'école française, étudié à l'université française, puis enseigné à l'université française dans des conditions de liberté totale (passage à l'IEHS) pour enfin s'assurer une place au Collège de France, le tout sans aucune espèce de ressources d'une quelconque nature, la conclusion appropriée consiste en effet à admettre de manière unilatérale que la France a cruellement manqué à son devoir d'accueil, et qu'il aurait été préférable de demander asile en Corée du Nord ou au Libéria.

Une aubaine aussi pour le journaliste que le père de Grothendieck ait été déporté. Qui plus est depuis la France. Plusieurs chapitres peuvent donc être consacrés, en toute légitimité, au traditionnel “rappel historique” digne de tout bon article des quotidiens sus-cités. le chapitre “Le convoi n°19, une horreur française” (qui fait écho au tristement célèbre numéro de Libération “Antisémitisme, une histoire française“) raconte dans le détail l'envoi en camp de concentration du père. Père que Grothendieck n'a d'ailleurs jamais vraiment connu, ce dernier ayant été abandonné à son plus jeune âge. le journaliste prend le lecteur pour son auditoire habituel: un troupeau à rééduquer matin, midi et soir. le vice est poussé jusqu'à rappeler, à propos de l'expression “l'école de mathématiques françaises” (qui désigne avant tout un ensemble de chercheurs français et d'institutions françaises) que les mathématiques n'ont rien de françaises et qu'elles sont universelles. Pourquoi d'ailleurs ne pas remplacer les très inintéressants détails sur les démêlés administratifs qu'a connu Grothendieck pour obtenir sa nationalité française par un chapitre sur “l'école de mathématiques aborigènes” ou “l'école de mathématiques massaïs” afin de bien rappeler le caractère universel de cette discipline d'exception?

Après 4 années à étudier un sur-homme, un pur produit de l'exceptionnel Europe, 4 années à côtoyer des mathématiciens de génie, il devient, on l'imagine aisément, difficile de continuer à s'assurer et à pérorer que l'intelligence est une matière qui obéirait au très fantasque axiome de répartition équitable. D'autant que Grothendieck n'est pas vraiment né dans une famille bourgeoise: l'argument socio-économique devient dès lors tout à fait caduque. Mais le journaliste de Libération trouve néanmoins une parade pour rester dans le camp du Bien qui en serait comique si cela n'impliquait pas tant de complications pour notre futur: Grothendieck, Européen blanc, fruit d'un russe et d'une allemande devient… un “migrant” (sic). Les derniers mots de ce long article vendu en format livre parlent d'eux-mêmes: “Une vingtaine de réfugiés irakiens, syriens ou nés dans la corne de l'Afrique ont été accueillis rue d'Ulm, à l'Ecole normale supérieure, afin de reprendre leurs études interrompues par la guerre, la faim ou la misère. Et il se murmure que parmi eux se trouverait un mathématicien hors norme, un enfant venu d'Alexandrie, de la trempe de ceux qui pourront un jour donner vie aux gribouillis de l'ermite de Lassere. Un nouveau Grothendieck surgira bien un jour.” Joli fable certes mais raisonnons un moment sur le concept “d'études de mathématiques supérieures dans la corne de l'Afrique interrompues par la misère” et visualisons ces messianiques Somaliens étudiant les mathématiques de haut niveau, la physique quantique et la philosophie nietzschéenne, avant d'être interrompues dans leur élan créateur par “La Misère”…

Malgré une référence (page 243) aux attentats du Bataclan en 2015 (Oussama Atar, Salah-Eddine Gourmat, Sammy Djedou, Salim Benghalem, Bilal Hadfi, Ammar Ramadan Mansour Mohamad al Sabaawi, Mohammad al Mahmod, Brahim Abdeslam, Chakib Akrouh, Abdelhamid Abaaoud, Foued Mohamed-Aggad, Ismaël Omar Mostefaï, Samy Amimour; pour information ce ne sont pas le nom des victimes), le journaliste nous rappelle, au cas où ce ne serait pas clair, que l'immigration reste une chance pour la France.

Le gauchisme est définitivement une maladie mentale qui vous suit partout et ne se soigne pas si facilement.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Quand une curiosité anime une recherche, nous avançons comme portés par des ailes impatientes. [...] L'ardente curiosité seule est créatrice, elle nous porte droit au coeur même de l'inconnu. [...] Quand cette soif est absente, quel sens reste-t-il à notre vie ? Quel sens a un travail où il n'y a ni création ni amour ?.
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« Que reste-t-il d'Alexandre Grothendieck ? Un héritage mathématique considérable et ces 20 000 pages de notes que personne n'a lues attentivement "
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Il se trouve actuellement dans la prison fédérale de Florence, dans le Colorado, surnommée l'Alcatraz des Rocheuses.
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Certes Grothendieck et Perelman ont bien des choses en commun, les maths bien sûr, mais pas seulement. L'un reste le prince des mathématiques pures, quand l'autre serait le prince des problem solver, capable de prouver une conjecture laissée sans démonstration par un illustre ancêtre.
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Quelques semaines plus tard, il avait résolu la moitié d'entre eux. DEs solutions profondes et difficiles, nécessitant elles aussi des notions nouvelles. Nous étions émerveillés. Nous avions affaire à un mathématicien de premier ordre.
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