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EAN : 9782260020363
294 pages
Julliard (23/08/2012)
4.35/5   10 notes
Résumé :
Comment survivre quand sa propre famille n'a pas cessé, depuis quatre générations, d'être dévastée par l'Histoire ?
Un premier roman tout en finesse, plein d'humour, et d'une sensibilité à fleur de peau.

Jeune trentenaire parisien, Elias apprend, non sans soulagement, que sa grand-mère maternelle, femme culpabilisante et anxiogène, vient de mettre fin à ses jours. Contraint de se rendre à Poitiers, qu'il exècre, pour organiser les funérailles, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Dieu n'est même pas mort » est un roman de Samuel Doux, un roman choral qui mêle - sur fond de judéité - les récits croisés de quatre personnages : Elias (en fait, Samuel Doux lui-même), jeune homme à la recherche de son histoire et de son identité juive, Moshe Herschel, son arrière-grand père qui raconte sa Pologne natale et les horreurs quotidiennes infligées aux populations juives par les soldats du Tsar, Paul Serré, le grand-père d'Elias qui raconte sa jeunesse sous l'Occupation et son goût pour les hommes, et Emmanuelle, la mère d'Elias, qui en jeune exaltée voit malheureusement son parcours se briser suite à l'arrivée d'un cancer. Point commun ? Toutes ces voix, toutes ces existences, ont été tordues par l'Histoire et par le destin. Aussi, Samuel Doux en survivant qu'il est revendique-t-il le droit au bonheur car « demeurer sans voix, vivre à la troisième personne », ça n'est pas imaginable : il faut s'accepter tel qu'on est !

Mais la tâche n'est pas aisée. Comment s'accepter tel qu'on est quand sa propre famille n'a pas cessé, depuis quatre générations, d'être broyée par L Histoire mais aussi (page 15) par « la boue des souvenirs » ? Quand (page 164) dans cette famille « le souvenir valait mieux que parler » ? Quand cette recherche équivaut (page 35) à « chercher sans cesse un peu d'air » afin (page 79) « de devenir quelqu'un » ? Quand cette recherche vous confronte (page 38) à la « vibration du temps » ? Comment s'accepter quand on traine avec soi les histoires personnelles de la famille, laquelle (page 15) « traversait tout en ne prenant conscience de rien » ? Quand le fait d'être juif vous colle à la peau et que (page 32) « être juif tout seul ça n'existe pas » parce que être juif ça signifie (page 18) « être obligé d'être ensemble : la sagesse et la perversité juives » ? Quand avec nos rêves, nous composons un passé imaginaire qui n'en est pas moins vrai ?

Et puis, à quoi bon s'accepter tel qu'on est ? Au-delà des efforts qu'il faut faire, quel sens donner à ces efforts ? La mort dont sa famille lui rebat les oreilles, (page 15) « crée des liens », chacun compatissant (page 51) devant « ces montagnes de corps fabriqués à la pelleteuse dans les camps d'extermination » ; la mort est (page 151) « une extrémité qui donne du sens », à tout le moins qui réunit les survivants. Mais « quelle identité conserve-t-on quand on est mort » ? Alors, à quoi bon faire ces efforts ? Ne faut-il pas en finir au plus vite (page 140) et « se suicider, car c'est la garantie de ne pas être effacé », même si ça revient à culpabiliser les autres et à les forcer à vous aimer dans la douleur ? Se suicider (page 82) « parce qu'il est impossible de vivre, parce que les choses vont enfin s'arrêter là ».

Samuel se cherche et tourne en rond, enfermé en lui-même, dans son histoire, dans l'histoire de sa famille et dans ses contradictions. Samuel avance, mal en point, malmené, boxé par la vie et par une judéité qu'il assume difficilement : pour son père (page 84), « le regard des autres compte » ; pour Samuel qui constate (page 238) avec horreur le fait « d'être une victime sans l'avoir été », le fait d'être (page 252) « un survivant, un sursitaire », l'important (page 248) « c'est le sentiment de calme » : il voudrait « mettre un coup de lance-flammes et tout le monde dans le four », il aimerait (page 243) que son histoire « ne soit pas triste, qu'elle soit comme on vit », non pas momifié, statufié ou ankylosé par la Tradition.

Et Dieu dans tout ça ? Les parents de Samuel avaient décidé de croire en Dieu, disant que ça donnait un sens à leur vie (page 135). Samuel n'adhère pas à cette démarche : il essaie le communisme, pensant y trouver « un élan commun au service du bonheur de tous », cherchant à échapper au roman familial, mais ça ne fonctionne pas plus. Au final, Dieu n'est même pas mort ! Avec ce roman en forme de labyrinthe, Samuel veut (page 210) se « donner la sensation d'être moins perdu dans le monde ». Dans ce roman, Samuel nous livre un parcours très personnel, cherchant probablement à exorciser quelques vieux démons familiaux et à reconstruire son identité personnelle, mais il confessera qu'il est impossible de découvrir « le sens caché de notre histoire ». le récit de Samuel Doux est sonore, précis, dru et poignant ; il ne force pas le trait car (page 21) il lui est interdit de se plaindre alors que « d'autres avaient vécu la guerre ». L'Histoire, la tradition et la famille lui confisquent le bonheur et lui font endosser une identité dans laquelle il ne se reconnaît pas : qu'à cela ne tienne, se débarrassant de ses oripeaux, maintenant il restera fort quoi qu'il arrive et il se reconstruira une vie différente de celle qu'il avait vécue jusqu'alors, une vie (page 123) « médiocre et inconsciente qui n'avait rien produit d'autre que de la distance et de la mort ». Samuel Doux porte un regard touchant sur la mémoire et sur son poids dans la construction identitaire d'un individu : un livre triste et intime qui donne à réfléchir.
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Elias n'aime pas sa "ville natale, beige et gris, pleine d'ennui et de lourdeur, construite sur une colline faite pour dominer et qui pourtant s'enfonce dans l'éternité" (p. 37)... L'auteur non plus ne doit pas aimer la ville, y est-il seulement venu pour y avoir vu la Vienne? Au moins, il est cohérent, c'est toujours de la Vienne et non du Clain qu'il parle (p. 147, 182, 183, 222)... un éditeur qui se respecte aurait dû corriger, ainsi que quelques coquilles (au moins pages 37, 182) et quelques autres incohérences, si l'on veut encrer un récit dans la réalité, alors il faut vérifier celle-ci, le crématorium de Poitiers n'est pas coincé entre un Bricorama et un Picard surgelé (page 185), il n'est pas loin d'une zone commerciale, mais encore entouré de verdure (ça risque de ne pas durer...)... Et la procédure d'une succession ne permet pas à un petit-fils (ni à personne) d'aller clôturer les comptes de sa défunte grand'mère à la banque... Si l'on passe outre ces détails agaçants, la construction du roman qui alterne les chapitres placés aujourd'hui et l'histoire de la famille sur quatre générations est assez intéressante. Une petite généalogie en annexe aurait aidé à s'y repérer parfois, mais les têtes de chapitre claires permettent de se repérer dans l'espace (en Pologne, à Limoges, à Paris, à Poitiers...) et dans le temps (de 1910 à 2010). L'histoire d'une famille juive, mais aussi des histoires de maladie (le grand-père et la mère d'Elias morts du cancer), maladies qui expliquent mieux la haine du jeune homme envers sa grand'mère que l'histoire familiale.
Lien : http://vdujardin.over-blog.c..
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
page 130
[...] Lorsque Piotr lisait tout le monde écoutait : " (...) En quelle année ? Comptez vous-mêmes. En quel endroit ? Devinez-le. Sur la grand-route, quelque part, sept moujiks se sont rencontrés : sept moujiks du département de Licol, du district de Souffre-Douleur, du canton de Plus-Rien-Dedans, des villages avoisinant de Rapiécé, de Troué, de Déchaussé, de Frissonnant, de Brulé, de Terre-Affamée comme de Pauvre Blé, se sont rencontrés et discutent : "Pour qui fait-il bon vivre, qui vit libre en Russie ?" Romain dit : "Le propriétaire." Damien dit : "C'est le fonctionnaire." "Le pope", dit Lucas. "Non ! Le marchand gras de la panse ! disent les deux frères Goubkine, Ivan et Mitrodore. L'air concentré, le vieux Pakhom prononce en regardant par terre : "Notre seigneur le boyard, le ministre du souverain." Et Prove dit : "Non, aucun de ceux-là; c'est le Tsar." [...]
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Ma grand-mère n’avait aucun humour, sa perversité était morbide et méchante. Si la bague est cachée, c’est dans un endroit qui fera sens. ….
….Ce n’est pas une illusion, elle est là, brillante, couchée au fond des toilettes comme une pierre phi1osophale que je n’espérais plus voir. Sans réfléchir, sans hésitation, je m’agenouille, je plonge ma main dans l’eau et je sors ce bijou serti de diamants en argent véritable. Je l’avais presque oubliée. Je recule et m’adosse au mur. Je ne comprends pas. Comment s’est-elle retrouvée là ? Toute notre famille plongée au fond d’une cuvette de toilettes. (p 163.../...244)
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Entre l’adolescence et aujourd’hui le temps ne s’est pas arrêté. Mon corps est devenu flasque, plus extensible et pourtant moins souple, mes cheveux ont disparu et mon souffle s’est ralenti, mes Yeux se sont un peu creusés, quelques cicatrices sont apparues et à l’intérieur tout est moins synchrone. Je vois bien que le temps existe, pourtant les quinze dernières années se sont écoulées sans moi. Aujourd’hui il n’y a plus personne pour me parler et me rappeler, fallait-il que tout le monde soit mort pour que je commence à vivre ? (p 11)
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Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste.

Pascal, Pensées. ( p 7)
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Le passé n’est pas mort ; il n’est même pas passé. Nous le retranchons de nous et faisons mine d’être étrangers.
Autrefois, le temps, les gens avaient la mémoire plus agile : une présomption, au mieux une allégation qui n’est vraie qu’à moitié. Une nouvelle tentative pour te retrancher. Peu à peu au fil des mois, le dilemme a pris forme : demeurer sans voix ou vivre à la troisième personne, telle semble être l’alternative. L’un des termes est impossible, l’autre donne le frisson.
Christa Wolf, Trame d’enfance. ( p 9)
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