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Critique de lanard


C'est un lieu commun que de dire que tout ce qui demeure sur notre planète (humain ou non), voit de plus en plus fortement sa condition affectée par les évolutions des sciences et des techniques qui sont d'origines bien humaines quant à elles. Chacun d'entre nous désormais identifie fort bien la façon dont nos connaissances et nos machines affectent la vie quotidienne et la vie collective. Autrement dit, la science et la technique sont au coeur de nos modes d'existence et de la façon dont nous formons communauté. Or, c'est un autre lieu commun que de dire que c'est par la "faculté du langage" (nous soulignons à dessein) que les humains forment (avec plus ou moins d'élégance) communauté et ceci en dépit du fait que cette faculté de langage a abouti à une diversité de langues humaines.
Cet ouvrage est un avant tout un essai. Et comme tout essai, il s'agit d'éclaircir les zones d'ombres de concepts et de notions partagées par le plus grand nombre mais que les évolutions sociales, culturelles, politiques, philosophique et scientifiques remettent en question. le présent essai a ceci de remarquable que cet effort d'éclaircissement est si abouti qu'il fait de lui est très bon ouvrage de vulgarisation scientifique. Les concepts qui sont l'objet de cet essai sont les notions de langue et de langage éclairés par l'histoire des sciences et des techniques.
L'auteur qui est informaticien est très impliqué dans la réflexion et l'action pédagogique dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. Il a dirigé un manuel qui fait aujourd'hui référence dans l'enseignement de l'information dans les établissements secondaire.

le présent livre est le fruit d'un travail de réflexion philosophique sur des notions que notre époque invite à repréciser : à savoir les notions de langues et de langages. Si nous avons souligné le mot langage dans le premier paragraphe c'est pour alerter sur le fait que l'auteur traite du mot "langage" dans un autre sens que celui de "faculté humaine de s'exprimer par la parole". le langage dont il est question dans cet essai est définit ainsi : contrairement à une langue qui est un héritage sans inventeur identifié un langage est une création intentionnelle qui vise à décrire ou à maîtriser des raisonnements (logiques) ou des processus (techniques) ; ainsi les mathématiciens ont élaboré des langages (géométriques, algébriques…), les informaticiens les langages de programmation (FORTRAN, C, Python…). Un langage a une visée opérationnelle dans un champ précis tandis qu'une langue est susceptible de vous permettre de communiquer sur toutes sortes de sujet (même imaginaires) avec une personne qui maîtrise la langue que vous employez (si ce n'est pas le cas, vous devez avoir recours au laborieux travail de la traduction). L'auteur montre que de même qu'il existe de nombreuses langues, il existe aussi de nombreux langages. Il montre aussi que le concept de langage s'est longtemps confondu avec le concept de langue. C'est l'essor des langages des machines avec l'informatique ainsi que les recherches des logiciens mathématiciens qui ont permis d'affiner et de distinguer ce concept. Vaucanson en créant ses automates ou Jacquard en inventant le principe de la carte perforée pour commander des machines à tisser n'avaient pas conscience d'avoir créé des langages ; en leur temps, ils n'avaient pas besoin du concept mais ils utilisaient bel et bien la chose désignée par le concept : c'est ce que cet essai tente de démontrer de façon convaincante. Il est en de même pour les concepteurs d'algorithmes que furent les premiers algébristes arabes ou les grecs anciens qui ont conçu l'idée de démonstration ou encore Aristote en formalisant sa théorie des syllogismes (Tous les hommes sont mortels etc.).

Gilles Dowek nous explique que nous avons certainement tort de nous représenter un langage comme une simplification de la langue. L'idée maîtresse du livre (qui lui donne son titre) est la suivante ; l'écriture des langues pourrait bien être dans ses origines la matérialisation d'un langage : celui des premiers outils de dénombrement dans l'antiquité sumérienne. Tous les historiens de l'écriture vous le diront : les premières lettres n'étaient pas des lettres mais des chiffres ; elles servaient à compter le bétail des cheptels. L'écriture a d'abord servit à compter avant de raconter. L'esprit de calcul a trouvé dans l'écriture un allié puissant dont l'esprit fabulateur ne s'est emparé que bien plus tard. La complexité des calculs est bien souvent presque impossible à dire clairement par la parole orale : seule l'écriture permet de remonter un raisonnement pour le corriger ou l'amender. D'où, ce que l'on ne peut dire, il faut l'écrire. Cette formule est inspirée de la phrase de conclusion d'un des ouvrages plus illisibles de la philosophie du vingtième siècle ; le Tractatus Logico Philosophicus de Ludwig Wittgenstein. La connaissance de ce dernier n'est pas utile pour lire Gilles Dowek, dont le style clair vous permet d'affronter la réflexion exigeante à laquelle il vous invite.
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