Ce matin, il trouve son discours plutôt correct. Éloquent sans être trop verbeux. Compatissant, mais pas déprimant. Et surtout, il faut que ça ait l’air solennel. Après tout, il a une responsabilité envers les élèves et l’établissement. Ses mots ont un poids. Ils ont un sens. Il ne les emploie pas à la légère.
Il n’était qu’un monstre. Un homme qui se focalisait sur des différends insignifiants avec ses collègues. Un homme qui voulait les punir de l’avoir agacé. Un homme qui empoisonnait leur café.
L’illusion ne dure qu’un temps.
Il voulait juste… Il voulait faire fermer son clapet à Sonia. Qu’elle arrête de lui dire quoi faire, de le reprendre sur ses méthodes d’enseignement. Peut-être même voulait-il gâcher sa cérémonie. Juste un peu.
Finalement, c’était ça son but. La faire tomber de son piédestal en lui provoquant un malaise pendant sa fête. C’est tout ce qu’il voulait.
Totalement inoffensif.
Ça l’a fait glousser, une fois de plus. Sans doute plus fort que si elle avait été moins jolie. Serait-elle celle dont il avait besoin ? Une femme qui le faisait rire ? Il ne savait plus à quand remontait sa dernière petite amie capable d’un tel exploit.
C’est un gamin charmant, le genre de charisme auquel il est difficile de résister. C’est en partie ce qui le rend si populaire.
C’est fou comme il fait plus que son âge. Si elle sait que Teddy a quarante ans, c’est uniquement parce que l’école a organisé une fête grandiose en son honneur. Il ne méritait pas tant d’égards.
D’habitude, elle met un point d’honneur à ne pas se mêler de ce qui se passe dans les classes de ses collègues enseignants. Chacun sa méthode, telle est sa devise. Mais, dans le cas de Zach, elle ne peut pas rester là sans rien dire, même s’il s’agit de Teddy. C’est son devoir de soulager les élèves de ce stress écrasant.
Chaque année, Sonia ouvre l’œil pour repérer tout lycéen prêt à craquer. Ça arrive assez souvent. Parfois, ce sont les enseignants.
La plupart des adolescents sont des suiveurs, ils sont capables de changer d’avis à la dernière minute en fonction du choix du camarade qu’ils admirent ou de celui qu’ils détestent. Le risque n’est pas énorme, mais il existe.
Ce sera donc un vote anonyme. Pas d’autre solution.
Ferme-la et souris.
Cet adage n’est pas de son père. C’est la devise de tous les élèves de Belmont. Leur seul moyen de survivre.