Voilà le problème avec mes souvenirs. Je ne peux pas faire la difficile. Je ne peux pas faire semblant. Il n'y a pas eu de bons moments. Je ne peux jamais me raccrocher à un beau souvenir, m'y attarder avec le sourire. Ils sont tous pollués, tous détruits.
Elle ne s’aime pas trop ; mais elle n’est plus aussi certaine d’être idiote. Elle se débrouille ; c’est une survivante.
C'était ma faute ; j'avais voulu la mettre dans la confidence. Elle est trop jeune. Elle n'a pas encore de passé. Remarquez, ce n'est pas vrai non plus. Mais son passé est trop proche de son présent. Elle n'a pas encore besoin de regarder en arrière.
L’alcool, je n'y trouve aucun plaisir . Je ne me rappelle pas en avoir jamais trouvé. J'en ai besoin.
Moi, je pouvais voir tous ces gens, mais eux ne me voyaient pas. Ils voyaient bien la main qui tendait l’argent. Ils voyaient bien la main qui tenait la porte ouverte. Ils voyaient bien le pied qui essayait la chaussure. Ils voyaient bien la bouche qui parlait. Ils voyaient bien les cheveux qu’ils coupaient. Mais ils ne me voyaient pas, moi. La femme qui n’était pas là. La femme qui ne souffrait de rien. La femme qui allait bien. La femme qui se cognait dans les portes.
Elle ne s’aime pas trop ; mais elle n’est plus aussi certaine d’être idiote. Elle se débrouille ; c’est une survivante.
Un jour quelqu’un m’a dit qu’on ne se souvient jamais de la douleur. Une fois que c’est fini, c’est fini.
Mais ils ne me voyaient pas moi. La femme qui n’était pas là. La femme qui ne souffrait de rien. La femme qui allait bien. La femme qui se cognait dans les portes.
Je suis devenue alcoolique. J’ai découvert que j’étais pauvre, que je n’avais pas droit à l’espoir avec lequel j’avais démarré dans la vie. Je n’allais nulle part. Droit dans le mur.
Je n'existais que quand il entrait. Parce qu'il me regardait. Parce qu'il me souriait. Parce qu'il me battait.